Abdelmalek Faraj, Directeur Général de l’INRH : «Dans l’avenir, il faudra produire plus en pêchant moins et en protégeant plus».

À la tête de l’Institut National de Recherches Halieutiques (INRH) depuis 2009, Abdelmalek Faraj a largement contribué à l’essor de cet institut devenu en l’espace de 15 années une référence reconnue à l’échelle continentale et internationale. Dans cet entretien à bâtons rompus, il nous explique les enjeux et implications des missions et actions de l’INRH, ainsi que leur impact sur le devenir du secteur stratégique de l’industrie halieutique, comme sur l’ensemble de l’écosystème marin national. Quelles sont, selon vous, les réalisations les plus significatives de l’INRH au cours des dernières années, et comment ces avancées ont elles contribué à la préservation des écosystèmes marins et à la durabilité des ressources halieutiques ? L’INRH a plusieurs réalisations majeures à son actif durant ces dernières années. Notamment à travers le développement de ses capacités de recherche au niveau de tous les maillons de la chaine de valeur de la filière

Abdelmalek Faraj, Directeur Général de l’INRH : «Dans l’avenir, il faudra produire plus en pêchant moins et en protégeant plus».
   lopinion.ma
À la tête de l’Institut National de Recherches Halieutiques (INRH) depuis 2009, Abdelmalek Faraj a largement contribué à l’essor de cet institut devenu en l’espace de 15 années une référence reconnue à l’échelle continentale et internationale. Dans cet entretien à bâtons rompus, il nous explique les enjeux et implications des missions et actions de l’INRH, ainsi que leur impact sur le devenir du secteur stratégique de l’industrie halieutique, comme sur l’ensemble de l’écosystème marin national. Quelles sont, selon vous, les réalisations les plus significatives de l’INRH au cours des dernières années, et comment ces avancées ont elles contribué à la préservation des écosystèmes marins et à la durabilité des ressources halieutiques ? L’INRH a plusieurs réalisations majeures à son actif durant ces dernières années. Notamment à travers le développement de ses capacités de recherche au niveau de tous les maillons de la chaine de valeur de la filière halieutique pour accompagner le secteur dans la mise en place des plans d’aménagement des pêches et de l’aquaculture, ainsi qu’à travers l’instauration progressive des mécanismes de gestion durable sur des bases scientifiques solides. Grâce à cela, l’INRH est devenu un acteur clef et le référent national en matière de recherche halieutique. Il faut rappeler que cette évolution est le fruit d’un processus de transformation et de développement de l’Institut mis en œuvre dans le cadre de la stratégie Halieutis. Processus qui a profité de l’appui des pouvoirs publics à travers la mobilisation d’une enveloppe budgétaire de plus de 1.5 milliards de dirhams, ainsi que de l’engagement sans faille de l’ensemble du personnel de l’Institut.  Aujourd’hui, l’INRH couvre un très vaste champs d’action, allant de l’océanographie à la biotechnologie et le génie alimentaire, en passant par les évaluation des stocks, la biologie marine et la génétique, la surveillance de l’état de salubrité environnementale du milieu marin et la R&D aquacole etc… Ce large champ de compétence est couvert par un réseau de centres de recherche multidisciplinaires spécialisés, fortement équipés et déployés tout au long des côtes marocaines pour assurer une recherche performante et de proximité. Ce réseau supervise de manière permanente et systématique plusieurs programmes de surveillance et de suivi de l’ensemble des composantes halieutiques, des écosystèmes marins, des ressources halieutiques et des systèmes d’exploitation, avec pour objectif d’accompagner les pouvoirs publics et les autres parties prenantes dans les efforts de gestion durable du secteur, et de développement halio-industriel des produits de la mer.   Référence continentale en matière de recherche halieutique, l’INRH opère également en dehors des frontières nationales à travers des actions de coopération au profit de pays frères et amis africains. Que pouvez-vous nous dire sur cette forme de contribution de l’INRH au soft-power marocain à l’échelle continentale?    La montée en puissance des capacités de recherche de l’INRH en a fait un leader africain de la recherche halieutique, tant en matière des évaluations des stocks halieutiques que de suivi de la surveillance de la salubrité du milieu marin. A ce titre, l’INRH a conduit une opération marquante et encore inédite, à savoir des campagnes de prospection en mer pour l’évaluation de l’état des stocks et de la situation écosystémique pour le compte du Libéria et du Bénin en 2023, à bord de son nouveau navire de recherche Al Hassan Al Marrakchi. S’inscrivant dans le cadre de l’initiative royale atlantique et favorisé par la plateforme collaborative de l’initiative de la ceinture bleue lancée par le Maroc, ces actions de coopération de recherche sud-sud devront se développer fortement dans l’avenir au bénéfice des pays africains.   Comment percevez-vous l’évolution de la recherche halieutique au Maroc en termes d’opportunités, de défis à relever et d’enjeux stratégiques pour les années à venir ? Les enjeux de la sécurité alimentaires et du développement économique durable sont des questions critiques pour notre pays. Dans ce sens, le secteur économique halieutique pourrait jouer un rôle majeur en tant que moteur pour l’émergence de l’économique bleue. A travers son développement qui passerait par la transformation de l’ensemble de la chaine de valeur de l’écosystème halieutique en cohérence avec les autres composantes de l’économie bleue, le secteur halieutique serait le propulseur d’un écosystème économique très dynamique à forte contribution de valeur ajoutée et d’emploi au bénéfice du pays. L’intégration de cette approche devrait se situer dans une vision africaine large visant à positionner le Maroc en tant que Hub halieutique régional. Les défis environnementaux et climatiques sont toutefois à prendre en considération très sérieusement et l’INRH y travaille depuis plusieurs années.   L’INRH est devenu un acteur clef et le référent national en matière de recherche halieutique. De quelle manière l’INRH intègre-t-il des technologies innovantes, telles que la télédétection et l’intelligence artificielle, pour optimiser ses recherches et renforcer son impact ? La télédétection est utilisée en routine pour le suivi des paramètres océanographiques. Mais pour ce qui est de l’IA, nous n’en sommes qu’aux balbutiements et il reste beaucoup à faire. Il n’empêche que nous avons élaboré une stratégie que nous comptons mettre en œuvre progressivement, allant de l’intégration intelligente et automatique de la data, à la modélisation et aux systèmes prédictifs. Par ailleurs, nous expérimentons déjà à l’échelle de prototype des modèles de «smart fishing» qui demeurent encore en phase de tests.   Avec l’inauguration du navire de recherche côtier « IBN SINA II », portant à six le nombre de navires de votre flotte, comment ces équipements renforcent-ils les capacités de l’INRH en matière de prospection scientifique et de surveillance des ressources halieutiques ? La stratégie de développement de notre flotte de recherche se base sur une diversification des types d’unités pour aller au-delà de la surveillance des ressources halieutiques, et aborder l’ensemble de l’écosystème, avec une capacité d’action multidisciplinaire, permettant de combiner les programmes d’évaluation des stocks à la recherche océanographique et le suivi des écosystèmes marins. Il s’agit aussi pour nous de renforcer notre flotte pour pouvoir couvrir l’ensemble des espaces marin, littoraux, côtiers et hauturiers, en permanence et jouer notre rôle de sentinelle scientifique.   Comment l’INRH collabore-t-il avec d’autres institutions scientifiques, tant au niveau national qu’international, pour le partage des données et l’avancement de la recherche halieutique ? La collaboration de l’INRH avec d'autres institutions scientifiques, tant à l'échelle nationale qu'internationale, se concentre sur la conduite de recherches conjointes et le partage des connaissances et des bonnes pratiques.   Nous collaborons également avec un certain nombre d’instituts internationaux renommés pour mener des projets de recherche conjoints. Sur le plan national, l’institut accueille annuellement plus de 200 étudiants de différents centres et universités pour les former et les impliquer dans la conduite des recherches en matière des sciences halieutiques. Ceci illustre notre forte interaction avec les universités. Sur le plan international, l’institut collabore avec plusieurs organismes comme la FAO, la Commission Générale des Pêches pour la Méditerranée (CGPM), le comité des pêches atlantique Centre (le COPACE), la commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (ICCAT). Nous collaborons également avec un certain nombre d’instituts internationaux renommés pour mener des projets de recherche conjoints. Il s’agit notamment de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), l'Institut Espagnol d'Océanographie (IEO) … Aussi, l’INRH assure la présidence du Réseau Africain des instituts de Recherche Halieutique et des Sciences de la Mer (RAFISMER) des Etats Riverains de l'Océan Atlantique et contribue activement au renforcement des capacités de gestion des ressources halieutiques océaniques.    Quels dispositifs l’INRH met-il en place pour assurer une surveillance efficace des écosystèmes marins et anticiper les crises environnementales ? L’INRH a mis en place un réseau de surveillance sanitaire qui assure en permanence le suivi des zones de production de coquillages classées conformément aux dispositions de l’arrêté du MAPMDREF n° 1950-17 relatif au classement sanitaire des zones maritimes de production conchylicole. Ce réseau indispensable pour la protection de la santé des consommateurs dispose de laboratoires accrédités ISO 17 025 et opère selon des protocoles de suivi conformes aux exigences sanitaires nationales et internationales.   L’INRH a conduit une opération marquante et encore inédite, à savoir des campagnes de prospection en mer. En plus, l’INRH a développé un réseau de surveillance environnementale qui assure l’évaluation en continu de l’état de santé du milieu et des écosystèmes marins à travers un monitoring du milieu et des écosystèmes marins pour mieux comprendre les processus physiques, chimiques et biologiques sur la base desquels sont dressés des indicateurs de l’état de santé du milieu et des écosystèmes marins qui permettent de suivre leur évolution face aux pressions d’origine anthropique de plus en plus intenses.   Selon vous, à quoi ressemblera la pêche au Maroc dans les prochaines décennies, et quelles transformations seront nécessaires pour assurer un avenir durable à cette filière ? L’INRH est mobilisé pour que le secteur halieutique se développe durablement et devienne un secteur économique prospère et un moteur de l’économie bleue. Il s’agira de travailler davantage et accompagner le secteur à «produire plus en pêchant moins et en protégeant plus». Dans cette vision, l’aquaculture, l’industrie de valorisation des produits de la mer, la construction navale et les nouvelles technologies sont des filières à très fort potentiel pour notre pays.