C’est un Zakaria Boualem plein d’entrain qui vous accueille cette semaine. Il vous souhaite un Aïd glorieux, les amis, et dans la foulée une année pleine de paix, de souplesse sur vos appuis, de projets triomphants et de rêves réalisés. Notre pays, vous le savez, s’apprête à entamer une année pleine de défis. Nous sommes en effet à l’orée d’une nouvelle étape dans notre marche triomphante vers les lumières de la félicité, une marche pleine de tournants historiques.
Ce ne sont pas des paroles en l’air, cher lecteur, et encore moins un nouveau repositionnement de cette page pour grignoter le lectorat de la presse patriotique. Si vous penchiez vers ce type d’analyse, vous seriez dans l’erreur. Si le Boualem produit ce type de prose ampoulée, s’il multiplie les incantations et appelle à un futur radieux, c’est juste parce qu’il y croit, le bougre. Oui, il pense que nous allons basculer très rapidement vers une sorte d’âge d’or, ou un remake de l’épopée Almohade, si vous préférez. Il estime, le Guercifi, qu’à très court terme, son statut va opérer une spectaculaire remontada. Oui, figurez-vous que tel est son sentiment. Et s’il y croit, c’est parce qu’il n’a pas le choix.
Après des années de jérémiades diverses, le Boualem a fini par comprendre, le malheureux, qu’il n’exerçait qu’une influence limitée sur son destin
Après des années de jérémiades diverses, il a fini par comprendre, le malheureux, qu’il n’exerçait qu’une influence limitée sur son destin. Ses critiques incessantes, ses sarcasmes, tout cela ne sert absolument à rien. Nos responsables savent ce qu’ils font, voilà ce qu’il faut se dire, c’est la seule posture acceptable. Il faut bien préciser qu’à travers l’histoire, ils n’ont pas eu des moments faciles.
Notre brave système a dû batailler ferme pour se maintenir, le pauvre a connu peu de répit : il a affronté des barbus, des gauchistes, des journalistes, des militaires, des syndicalistes, et même, si on remonte encore plus loin, des Français, des Espagnols, des Portugais, des famines et des pestes. Aujourd’hui, hamdoullah, toutes ces forces sont vaincues, à terre. Et même les plus pénibles de nos tristes sires, ceux qui s’amusaient à abreuver leurs interlocuteurs de mises en garde déplacées, de remarques pénibles et de considérations nihilistes ont fini par rentrer dans le souk de leur tête ou, mieux encore, mettre les voiles sans plus de formalités.
Il n’y a plus de débat, les amis, plus de politique, aucune opposition, c’est un grand silence qui accompagne l’action de nos dirigeants. Alors le Boualem, épuisé par un ramadan éreintant, déprimé par la hausse des prix, opte pour le surnaturel, la pensée positive…
Certes, ceux qui pensent qu’une société avance par le débat en sont pour leurs frais. Il n’y a plus de débat, les amis, plus de politique, aucune opposition, c’est un grand silence qui accompagne désormais l’action de nos dirigeants. Ils ont devant eux une autoroute dégagée, une liberté totale, il leur faut en profiter pour nous propulser vers un avenir étincelant. Encore une fois, il se trouvera sans doute de brillants penseurs pour déplorer pareille situation. Mais le Boualem n’en fait plus partie. Épuisé par un ramadan éreintant, déprimé par la hausse des prix, il préfère se dire que, faute de choix, il faut opter pour le surnaturel, la pensée positive, la foi, voilà tout.
Il pourrait, bien entendu, décamper lui aussi, un peu comme tout le monde autour de lui. Ou alors, au moins, chercher à obtenir sa nationalité, comme disent les Marocains quand ils parlent d’une nationalité qui, justement, n’est pas la leur. Oui, il pourrait faire comme cette masse de compatriotes à la recherche d’un peu de sécurité, dans un mouvement qui unit les plus fortunés aux plus démunis. Mais ce type d’initiative est au-dessus de ses forces. Il opte donc pour la foi, en cette semaine de fête, et il visualise des Coupes d’Afrique abondantes, un pouvoir d’achat herculéen, des ascenseurs sociaux généreux, des écoles efficaces, des hôpitaux futuristes, et merci.