Mon voisin a décidé de porter plainte contre RWE. Il estime que ce géant de l’énergie a contribué à mettre sa maison en danger. Mon voisin lui réclame 17 000 euros de participation aux travaux pour la mettre en sécurité. Une somme relativement modeste, surtout si on la compare aux 2,9 milliards d’euros de bénéfices qu’a réalisés l’entreprise au premier semestre 2024.

Mon voisin n’habite pas dans ma rue. Il n’habite même pas dans le même pays que moi. Il vit à Huaraz, dans l’ouest du Pérou, non loin d’un glacier qu’il voit fondre à cause du réchauffement de la planète. Il a parcouru plus de 10 000 kilomètres pour être présent cette semaine au tribunal de Hamm, en Allemagne.

Si j’appelle ce fermier et guide de montagne, nommé Saúl Luciano Lliuya, “mon voisin”, c’est parce que sa plainte repose sur la notion de “voisinage mondial”, qui prend en compte les relations d’interdépendance entre les habitants de la Terre.

Saúl Luciano Lliuya et l’ONG qui le soutient, Germanwatch, estiment, à juste titre, qu’il y a un lien entre les gaz à effet de serre émis par les industriels et le réchauffement de la planète qui provoque la fonte des glaciers des Andes. La glace devenue eau ruisselle et fait monter le niveau du lac Palcacocha situé en surplomb de sa ville, et la digue qui le retient pourrait céder. Si cela se produisait, la maison de Saúl Luciano Lliuya, mais aussi celles des 50 000 personnes qui vivent en contrebas, serait détruite.

Ce qu’il réclame, c’est que RWE – qui n’a pas d’usine au Pérou, mais est responsable de 0,47 % des émissions mondiales de gaz à effet entre 1751 et 2010 – participe symboliquement, et à hauteur de sa contribution au réchauffement, aux travaux pour contenir le niveau du lac. Bien sûr, le géant allemand n’est qu’un pollueur parmi tant d’autres. “Mais il faut bien commencer quelque part”, fait remarquer, sur le site de la Deutsche Welle, Roda Verheyen, son avocate.

En outre, explique à Mongabay Andrea Tang Valdez, avocate consultante pour Germanwatch et coordinatrice au Pérou de l’affaire, “l’article 1004 du Code civil allemand stipule que lorsqu’une personne ou une entreprise (comme c’est le cas ici) nuit à la propriété d’un voisin le propriétaire peut exiger de mettre fin à cette nuisance”.

Cet article s’applique généralement à des troubles du voisinage plus classiques, mais dans l’affaire qui l’oppose à RWE, Saúl Luciano Lliuya “tente de faire valoir cette analogie”, justifie l’avocate. En effet, en considérant sa requête recevable en 2017, “le tribunal de Hamm a jugé que le changement climatique, dont les effets vont bien au-delà des frontières, a engendré une sorte de relation de voisinage mondial”, détaille-t-elle.

De son côté, l’énergéticien allemand juge la requête sans fondement. Il soutient par ailleurs qu’il a toujours respecté les réglementations et fait valoir qu’il s’est fixé l’objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2040.

Mais il serait temps que les entreprises prennent enfin leurs responsabilités et réfléchissent aux externalités environnementales négatives qu’elles engendrent. Cette affaire pourrait les y pousser. Les juges allemands ont une grande responsabilité.

S’il obtient gain de cause, Lluiya sera satisfait bien sûr : cela marquera “un progrès dans le domaine juridique”, dit-il à la Deutsche Welle, “mais cela n’empêchera pas les glaciers de fondre”.

En bref

Northvolt jette l’éponge

L’industriel suédois, présenté comme le champion européen des batteries pour voitures électriques, a déposé le bilan le 12 mars. “Tout s’est écroulé lorsque Northvolt n’a pas pu produire les batteries en masse”, résume Dagens Nyheter. Et puisque l’immense usine de Skellefteaa, dans le nord du pays, n’arrivait pas à fournir à la cadence souhaitée, “il n’a pas été possible de coter l’entreprise en Bourse. […] Ainsi le manque de batteries a-t-il engendré un manque de financement”, analyse Svenska Dagbladet. Pour en savoir plus, c’est ici.

Feuille artificielle pour carburant du futur

Des chercheurs ont créé une feuille artificielle qui mime la photosynthèse, processus par lequel les végétaux forment leur matière organique à partir de dioxyde de carbone et d’énergie solaire. Leur étude, relayée par la MIT Technology Review, prouve que des feuilles artificielles, formées de nanofleurs en cuivre qui produisent de l’éthane et de l’éthylène, sont capables de fabriquer des hydrocarbures. De quoi rêver à des carburants au bilan carbone neutre. Pour en savoir plus, c’est ici.

L’écoblanchiment des fonds d’investissement durable

“Plus d’un tiers des fonds d’investissement” de développement durable en Europe “continuent à investir dans des entreprises fossiles”, explique Handelsblatt. Selon une étude de deux associations environnementales, 4 792 des 14 000 fonds européens ESG (répondant à des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) ont investi “plus de 120 milliards d’euros dans des entreprises qui ont des projets liés au charbon, au pétrole ou au gaz ou qui n’ont pas présenté de plan crédible de décarbonation”. Pour en savoir plus, c’est ici.

Les gaz à effet de serre menacent les satellites

À l’avenir, il y aura moins de place dans la haute atmosphère pour recevoir de nouveaux satellites, selon une étude publiée dans Nature Sustainability. La capacité d’accueil “diminuerait de 50 % à 66 % d’ici soixante-quinze ans, dans le pire scénario, celui où les émissions de gaz à effet de serre liées aux énergies fossiles se poursuivent”, explique The Verge, et de 24 % à 33 % dans le scénario intermédiaire, le plus probable. Car l’accumulation de gaz à effet de serre dans la basse atmosphère a pour effet de diminuer la densité de la haute atmosphère, où les satellites hors d’usage et les débris se désintégreraient moins vite qu’actuellement. Pour en savoir plus, c’est ici.


À relire