Serait-il interdit de rêver ? À la votation “pour une économie responsable respectant les limites planétaires”, le 9 février, la Suisse a répondu non à une très large majorité (69,8 %). La plupart des journaux ont “regretté une initiative ‘rêveuse’ et ‘utopique’”, note la RTS. Les Jeunes Vert·e·x·s, porteurs du projet, partaient du constat que six des neuf limites planétaires, établies en 2009 par les chercheurs du Stockholm Resilience Center, sont déjà dépassées. Ils demandaient que soit inscrit dans la Constitution le respect des ressources de la Terre, puisque l’économie, qui en consomme plus que la nature ne peut en reconstituer, porte une responsabilité majeure dans ce dépassement. Aujourd’hui, rappelle Le Temps, il ne reste plus que trois domaines où “la planète se trouve toujours dans sa ‘zone de sécurité’”, et deux d’entre eux, l’acidification des océans et la pollution aux particules fines, voient leurs seuils d’alerte se rapprocher dangereusement.

Alors quoi, les Suisses refuseraient la frugalité ? Les partisans de l’initiative “ont rêvé d’un autre monde, résume La Tribune de Genève. Un monde où les Suisses réduiraient leur consommation – et ainsi leur empreinte carbone – jusqu’à respecter les limites planétaires. La réalité les a rappelés à l’ordre.” Le ministre de l’Environnement, Albert Rösti, est ainsi persuadé que ce résultat n’est “pas un non à la protection de l’environnement, mais plutôt un rejet d’un changement radical de mode de vie”.

Tout ça n’est que “beaux discours et hypocrisie”, fustige Die Wochenzeitung, qui a pris position pour le oui. La votation suisse illustre à l’échelle locale le paradoxe international du moment : jamais nous n’avons été plus conscients de l’absolue nécessité d’agir face à l’urgence climatique, et jamais les politiques pour limiter la hausse des températures n’ont été aussi fragilisées. Selon la dernière enquête annuelle de la Banque européenne d’investissement, 94 % des personnes sondées sur le continent considèrent qu’il est important que leur pays s’adapte au changement climatique. Et 85 % sont d’accord sur l’urgence à investir aujourd’hui pour éviter une facture plus salée demain. Mais le Pacte vert européen est menacé ; Donald Trump sort de l’accord de Paris et défait toutes les avancées environnementales de son prédécesseur ; François Bayrou a glissé en une poignée de secondes sur les enjeux climatiques lors de son discours de politique générale…

Serions-nous tous plongés dans le déni ou la lassitude ? Est-ce une forme de “futilité du désespoir”, comme l’écrit dans Fast Company la chroniqueuse des questions climatiques, en avouant ne pas réussir à trier ses déchets, alors qu’elle écrit tous les jours sur la déconfiture climatique ? Face au vertige, on peut “exiger plus de nos dirigeants”, mais il est raisonnable de ne pas trop en attendre et de “commencer par être nos propres leaders”, dit-elle. Si 3 % des Américains décidaient de ne plus acheter qu’aux entreprises engagées dans la lutte climatique, cela provoquerait “une onde de choc sur le marché”, affirme le géographe Anthony Leiserowitz, du Yale Program on Climate Change Communication.

Phoenix Armenta le tourne autrement dans le Los Angeles Times : “Imaginez dans quel genre de monde vous voulez vivre et commencez à bosser pour y arriver.” Le rêve doit être collectif, ajoute la militante de longue date pour la justice climatique : “J’ai compris depuis longtemps que je ne peux pas sauver le monde, mais nous pouvons le faire ensemble.”

En bref

La Chine mise gros sur l’électrique

Le secteur des énergies propres, notamment l’énergie solaire, les véhicules électriques et les batteries, a contribué pour 13 600 milliards de yuans (plus de 1 790 milliards d’euros) à l’économie chinoise en 2024, soit plus de 10 % du PIB, selon le site Carbon Brief. La Chine, qui importe énormément de pétrole, “souhaite ainsi améliorer sa sécurité énergétique et sa balance des paiements en diminuant sa dépendance au brut”, explique au Guardian Simon Evans, de Carbon Brief. Parallèlement, Pékin a autorisé la construction de nouvelles centrales à charbon, pour une capacité cumulée de 94,5 gigawatts. Pour en savoir plus, c’est ici.

Le Brésil de plus en plus affecté

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COURRIER INTERNATIONAL

C’est l’augmentation du nombre de catastrophes naturelles liées au climat, au Brésil, entre 1991 et 2023. Selon le dernier rapport de l’Alliance brésilienne pour la culture océanique, chaque augmentation de 0,1 °C de la température moyenne de l’air dans le monde a entraîné 360 événements supplémentaires dans le pays, “notamment de graves sécheresses, des inondations et des tempêtes”, énumère Mongabay. Pour en savoir plus, c’est ici.

Coup de mou pour les pompes à chaleur

Les ventes de pompes à chaleur, un système de chauffage jugé essentiel à la transition climatique, ont chuté de 23 % en Europe l’an dernier. Le recul atteint 48 % en Allemagne, 52 % en Belgique, et 24 % en France. “C’est surprenant, car la crise du gaz n’est pas terminée”, commente une analyste interrogée par The Guardian. Mais la baisse du pouvoir d’achat et les fluctuations des dispositifs publics d’aide à l’achat ont découragé les consommateurs. Pour en savoir plus, c’est ici.


À relire