Il est plus facile de compter les struffoli dans une assiette [des billes de pâte frite au miel, typiques de Naples] que les films, séries télévisées et courts-métrages qui sont à peine sortis, sur le point d’être diffusés ou en train d’être tournés et qui se jouent à Naples : dans la Naples d’aujourd’hui, dans la ville d’il y a cinquante ou dans celle d’il y a quatre-vingts ans, avec des personnages en chair et en os ou de dessin animé, à partir de sujets ou de scénarios originaux, ou inspirés d’une pièce de théâtre, d’un roman ou d’un film – pendant que, à partir d’un film ou d’une série, on produit quelque part, dans un éternel aller-retour, un nouveau livre ou une nouvelle pièce sur Naples.

Le dernier week-end de l’année 2024, les touristes et les habitants qui se promenaient entre la Via San Gregorio Armeno et la Via Toledo auraient ainsi pu être les candidats d’une nouvelle production en quête de figurants pour un long spectacle collectif. C’est un cliché, un lieu commun que les faits confirment, n’en déplaise aux anticonformistes de principe : Naples est un décor de cinéma. Et il y en a pour tous les goûts. Pour le meilleur et pour le pire.

Vers la même période, Parthenope de Paolo Sorrentino [qui se veut une ode à Naples et vient de sortir en France] déferlait dans les multiplexes de tout le pays, tout comme Hey Joe [inédit en France], dont le titre ne trahit rien du contenu : vingt-cinq ans après, un Américain retourne à Naples pour rencontrer son fils né d’une liaison qu’il y a eue en 1944 avec une Napolitaine. Une œuvre signée par le réalisateur romain Claudio Giovannesi, qui avait déjà [en 2019] réalisé le film Piranhas, adapté du roman de Roberto Saviano [sur des adolescents napolitains qui basculent dans le crime organisé, traduit chez Gallimard en 2018].

Revenons-en à notre cliché : Naples est un décor de cinéma. Ou, ce qui revient au même, un théâtre célébré qui toujours s’autocélèbre. Le mardi 10 décembre 2024, dans le quartier de Forcella, lors d’une cérémonie publique, on a officiellement donné le nom du grand acteur et chanteur napolitain Nino Taranto [1907-1986] à l’escalier qui passe à côté du théâtre Trianon Viviani, lui-même baptisé en l’honneur de l’immense comédien et dramaturge Raffaele Viviani, autre enfant du pays [1888-1950]. La veille, les Italiens avaient fait leurs adieux à la quatrième et dernière saison de L’Amie prodigieuse, adaptation de la tétralogie littéraire d’Elena Ferrante [qui raconte le destin croisé de deux Napolitaines, disponible chez Folio], qui a séduit plus de 3 millions de téléspectateurs.

Comme pour Paris et New York, point besoin d’être allé à Naples pour reconnaître sur le petit ou le grand écran certains de ses sites caractéristiques, que nous qualifierons, pour faire court, d’“emblématiques” : la chartreuse de San Martino ; les beaux quartiers de Posillipo ; la tranchée que creuse l’artère Spaccanapoli au milieu d’un labyrinthe de ruelles ; la silhouette de Capri où l’on veut et où l’on ne peut pas toujours aller [car la destination, prisée de la jet-set, est hors de prix] ; l’aciérie d’Italsider [aujourd’hui abandonnée] ; la Piazza del Plebiscito, la place la plus importante de Naples, qui était autrefois un immense parking et a été rendue aux piétons ; la Piazza del Gesù Nuovo, vue, évidemment, du palais Pandola [et qui évoquera aux cinéphiles le souvenir de Mariage à l’italienne de Vittorio De Sica, film de 1964 lui-même tiré d’une célèbre pièce napolitaine].

Une langue, une expressivité

Naples était une ville où on chante, autre cliché s’il en est – autre cliché on ne peut plus vrai. Naples était, et est encore, aussi, une ville où on fait des films. Non seulement du fait de sa topographie pareille à celle d’une divine crèche, mais aussi des bergers qui se trouvent dessus. Le poète Eduardo De Filippo [1900-1984, également cinéaste et dramaturge] écrivait :

“Naples est un pays curieux, c’est un théâtre ancien, toujours ouvert. Il y naît des gens qui, sans répéter, sortent dans la rue et savent jouer.”

C’est certainement aussi une question de langue : le metteur en scène Saverio Costanzo, créateur de la série L’Amie prodigieuse, dit pour sa part que “le napolitain est au théâtre ce que l’anglais est au rock”.

“Sans tomber dans le cliché, la différence se sent, confirme le réalisateur Pappi Corsicato. Je ne dis pas que les Napolitains sont de meilleurs ou de moins bons acteurs, mais qu’ils ont un talent naturel qui ne s’apprend pas à l’école, une liberté expressive du corps et de la voix. Dans le temps, il y avait des lignées de gens de théâtre, et mêm