
Cinéma. Les studios ont la passion du Christ
Il y a des signes qui ne trompent pas. Et d’après The Economist, la prolifération des barbes en est un : le Christ est revenu… à l’écran du moins.
Au cinéma et sur les plateformes, les contenus relatant la vie de Jésus, celle de la Vierge Marie et autres destins bibliques (à l’instar de ceux de David et Goliath) connaissent un succès grandissant.
“En matière d’audience, Jésus fait des miracles”, affirme l’hebdomadaire britannique.
Mais pourquoi ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
La série The Chosen a été visionnée par près de 280 millions de personnes. Mary s’est hissé à la troisième place des films les plus regardés au monde sur Netflix après sa sortie, en décembre.
Et House of David “s’est placée huitième au classement des séries les plus populaires sur les plateformes de streaming aux États-Unis”.

“Les catalogues
des plateformes se font
de plus en plus dévots.
En janvier, on y recensait
487 films religieux,
deux fois plus qu’en 2022.”
L’hebdomadaire britannique “The Economist”
Les studios ne comptent pas s’arrêter là. “De nouvelles productions sont en préparation : sept créations à tonalité religieuse ont reçu le feu vert des plateformes en 2024, contre une seulement en 2021.”

Les raisons d’un tel succès ? Des films rentables dans un contexte de retour en grâce du conservatisme, porté par une droite chrétienne plus puissante que jamais outre-Atlantique.
“Le climat dans
la société américaine
est favorable au
divertissement chrétien.”
L’hebdomadaire britannique “The Economist”
Aux États-Unis, le vice-président, J. D. Vance, citait, il y a peu, le philosophe et théologien du XIIIe siècle Thomas d’Aquin (qu’il avait de toute évidence mal compris) pour justifier sa politique migratoire.
De son côté, Donald Trump “promeut et commercialise une Bible ‘God Bless the USA’”. Et les livres sur la foi – comme ceux de Jordan Peterson – se vendent comme des petits pains.

Ces productions sont également peu coûteuses, car généralement peu gourmandes en effets spéciaux. Et le nom de Jésus suffit souvent à compenser l’absence de vedette au casting.
Surtout, elles bénéficient d’un public potentiel de plus de 2 milliards de spectateurs.
“Sur un marché du streaming
frappé de saturation,
ces productions viennent
nourrir chez leurs créateurs
un sentiment cher
aux chrétiens : l’espoir.”
L’hebdomadaire britannique “The Economist”
“Il ne s’agit pas exclusivement d’adaptations de récits bibliques, nuance The Economist. Certains de ces films et séries se contentent d’être en phase avec ce qu’on appelle les ‘valeurs chrétiennes’. En d’autres termes, ils évitent le sexe et la violence pour privilégier les bons sentiments.”

Ce succès n’est pas circonscrit aux productions anglo-saxonnes.
Au Brésil, les telenovelas religieuses ont le vent en poupe. “La foi compte beaucoup pour les Brésiliens”, assure la scénariste Rosane Svartman auprès de l’hebdomadaire Veja. Sa telenovela Vai na fé (“Entre dans la foi”), diffusée en 2023, avait battu des records d’audience sur la chaîne Globo.

Pour le quotidien espagnol El País, qui consacrait un long article à la question en novembre, ces créations, “sous des dehors de film d’action, de série d’horreur ou de drame, font surtout dans la propagande”.
“Des productions
sans grande originalité
ni intérêt cinématographique,
et très marquées
idéologiquement pour qui
lit avec un tout petit peu
d’attention leur dramaturgie.”
Le journaliste culturel Jaime Lorite Chinchón dans les colonnes du quotidien espagnol “El País”
Le producteur du long-métrage Sound of Freedom, un certain Eduardo Verástegui, (qui a fait campagne pour Donald Trump), a ainsi fait la promotion du film auprès des leaders de Vox, le parti d’extrême droite espagnol…
Tout ça sans compter certaines fictions “ultracatholiques”, dans l’une desquelles Satan vient expliquer à un personnage qu’il ira en enfer parce qu’il a “permis” à sa petite amie d’avorter.
À croire, en définitive, que ces films ne sont peut-être pas si pieux qu’ils voudraient le prétendre.—
