La chronique de Pauline Londeix

Demain ne meurt jamais

Chercheuse et écrivaine

La Russie entourée par la mer Méditerranée ? Augusto Pinochet vénézuélien ? Ces erreurs d’histoire et de géographie grotesques furent commises par Luigi Di Maio, un Italien d’à peine 30 ans ne parlant pas un mot d’anglais, ancien stadier du club de football de Naples, et propulsé ministre des Affaires étrangères après l’arrivée au pouvoir du Mouvement 5 étoiles en 2019.

Certes, la diversité des profils est une richesse et tout le monde a le droit de progresser, mais cette anecdote me semble symptomatique du désintérêt d’une partie de la classe politique pour les affaires internationales. On trouvera peut-être l’exemple italien extrême, mais il ne me semble pas que la nouvelle génération d’élus en France soit si différente de celle que l’on trouve de l’autre côté des Alpes. Par exemple, pour beaucoup de politiciens en France, se faire élire au Parlement européen n’est qu’une salle d’attente avant un poste à l’Assemblée nationale. Ces années de mépris pour les questions internationales et l’ancrage de ces pratiques dans notre classe politique laissent des traces profondes. Que l’on retrouve dans le désintérêt des pouvoirs exécutifs et législatifs puis dans les moyens accordés à l’État pour traiter de ces questions.

Ces années de mépris ont durablement affaibli nos diplomaties et les systèmes de renseignement. Et ainsi, nous arrivons sidérés, impréparés et plus faibles que jamais face à un bouleversement majeur de l’ordre mondial. Car il faut bien avoir conscience du séisme que représentent les événements récents en Ukraine, en Palestine et le retour à Washington d’une administration plus que jamais déterminée à briser les conventions. La suspension d’une partie des activités de la coopération américaine ainsi que le retrait du pays d’organisations internationales laissent clairement entrevoir des changements profonds dans ce que nous connaissions du monde jusqu’ici. Et la question qui se pose est celle de la place que la France souhaite prendre dans ce débat.

La situation actuelle invite à une analyse fine des enjeux et des dynamiques. Pourtant, les débats politiques en France en font l’impasse, dans un mouvement généralisé de repli sur soi de la part des politiciens, agrippés à des discussions micro, autour des frontières, de l’immigration et des questions sécuritaires. Mais la véritable menace pour le pays n’est-elle pas de ne pas avoir de boussole ? Comment prétendre « protéger l’identité nationale » ou les frontières sans analyser ce qui se trame au-delà de celles-ci et avoir une idée des enjeux à long terme ? La France n’est pas un îlot isolé. Sans boussole ni cap clair au niveau diplomatique, la France (et bien sûr ses habitants) est en grand danger face aux blocs américain et russe, et à la montée des populismes au sein même de l’Union européenne.

La classe politique doit impérativement prendre de la hauteur et s’atteler à ces questions complexes et nuancées même si ce n’est, a priori, pas « vendeur » politiquement, et même si, dans quelques mois, tous les débats seront tournés vers les élections municipales. Car on ne sauvera ni nos villes, ni nos campagnes, ni nos banlieues sans élargir notre esprit et sans prendre conscience de comment les profonds changements à l’échelle internationale risquent d’affecter les populations que nous prétendons représenter. Régler des problèmes locaux en étant coupés d’un monde en constant mouvement me semble illusoire et simpliste. Et si nous choisissons de les ignorer, les questions internationales finiront par se rappeler à notre bon souvenir.

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