La longue marche des cheffes d’exploitation en France

Tribune

Publié le 27 février 2025

Par Gérard Le Puill, journaliste

Le think-tank « Agridées » dont le siège se trouve à Paris se présente comme un laboratoire d’idée pour les secteurs agricole, agro-alimentaire et agro-industriel, apolitique et indépendant, avec des groupes de travail destinées à produire et diffuser des idées et des propositions innovantes. Il vient de consacrer un dossier aux femmes qui deviennent cheffes d’exploitation.

En prévision d’un débat qui vient de tenir sur le Salon international de l’Agriculture, Agridées avait élaboré un document de 43 pages titré « Entreprenariat féminin en agriculture: libérer le potentiels ». En page 4, ce document constate que « face au défi de renouvellement des générations, le manque d’attraction du métier de chef d’entreprise agricole, en particulier auprès des femmes et des jeunes, devient une question stratégique de souveraineté alimentaire ». Concernant les femmes, l’examen de la situation se poursuit en ces termes :

« Derrière le chiffre de 26% de cheffes d’exploitation et co-exploitantes, se dessinent des trajectoires, des origines, des projets multiples et des lignes communes à l’ensemble des entrepreneurs des autres secteurs: leur aspiration à trouver du sens à leur travail, leur passion, une certaine vision de la durabilité, l’importance d’une qualité de vie personnelle, une attention à préserver sa santé. A noter également, le niveau d’études plus élevé, la variété des expériences professionnelles et des modes de vie avant de s’installer, sont autant de marqueurs forts de leur soif d’entreprendre, d’apprendre et de progresser. Et puis, de plus en plus, une envie d’améliorer leur confort au travail en trouvant des solutions concrètes. Souffrant de l’inadaptation persistante des matériels en agroéquipement, des outils, des tenues de travail, elles n’ont de cesse  de trouver des solutions organisationnelles, techniques, de diversifier leurs activités ou d’introduire de nouvelles pratiques dont bénéficie l’ensemble de leur collectif ».

46% sont issues d’une famille agricole et 24% d’une famille citadine

Des témoignes d’agricultrices dans le cadre de ce débat ont confirmé leur implication pour trouver des solutions à ces problèmes rencontrés par les cheffes d’exploitations. Selon la Mutualité Sociale Agricole (MSA), elles seraient 111.700 cheffes d’exploitation et 18 400 conjointes collaboratrices en France actuellement. En 2024, 46% de ces femmes sont issues du milieu agricole, 30% d’une famille rurale non agricole et 24% d’une famille citadine. Alors que les hommes succèdent souvent à leur père comme chef d’exploitation, les femmes occupant la même fonction viennent majoritairement d’ailleurs.

Mais alors que l’on s’attend à les voir plus jeunes que les hommes dans la fonction, on apprend que leur âge moyen est de 51,7 ans contre 48,6 ans pour les hommes. Il est vrai que pour un nombre relativement élevé des femmes agricultrices, la fonction de chef d’exploitation n’intervient que quand le mari, souvent un peu plus âgé, fait valoir ses droits à la retraite, tout en continuant de travailler sur l’exploitation où sa femme devient cheffe pour quelques années afin d’améliorer le montant de sa future pension de retraite.


Chez les femmes, les activités les plus recherchées comme cheffe d’exploitation sont les élevages de petits ruminants comme les chèvres dont le lait est souvent transformé directement en fromages pour la vente directe. Il en va de même, mais dans une moindre mesure, pour le lait de brebis.

Dans le but de faire progresser le nombre de femmes comme cheffe d’exploitation, Agridées propose de « créer un observatoire de l’entrepreneuriat en agriculture avec des données genrées; de centraliser les informations sur tout ce qui concerne les femmes en agriculture , notamment des informations professionnelles, juridiques, économiques, de santé dont les sujets autour de la maternité , l’enseignement, la formation ». Agridées propose aussi de réunir les conditions pour que toutes les femmes cheffes d’entreprise en agriculture puissent prendre leurs congés de maternité, de rendre obligatoire la publication d’un index d’égalité par les collectifs de gouvernance.


« Un lot d’impensés et d’inerties hérité du passé »

Dans un article publié dans la revue « Agridées » de décembre 2024, Gabrielle Dufour, responsable communication écrivait que, « sauf exceptions, l’entrepreneuriat féminin est un phénomène récent, avec son lot d’impensés et d’inertie hérités du passé ». Les témoignages de femmes agricultrices présentes au débat ont évoqué le fait que l’accès au foncier et aux coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) demeure plus difficile pour les femmes que pour les hommes.

Une agricultrice de l’Aveyron a déclaré que « les femmes sont reconnues compétentes par les hommes pour s’occuper des bêtes mais moins pour monter sur le tracteur alors qu’aucune raison objective ne justifie cette restriction ». Une autre intervenante a indiqué que « les parents agriculteurs dissuadent souvent leurs filles de choisir le métier d’agricultrice ce qui est rarement le cas concernant les garçons ».

Dans l’éditorial que publie Agridées dans cette même revue de décembre 2024, Charles Meaudre, son président, considère que « le modèle familial, patriarcal, traditionnel, laisse peu à peu la place à des structures qui dissocient l’appareil de production du foncier et recourent davantage aux travailleurs salariés ou à la délégation du travail ». Il propose de poursuivre la réflexion et de « faire des propositions pour que les femmes issues ou non du monde agricole puissent s’investir plus facilement ».

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