Par le collectif Tsedek !

Depuis plusieurs mois, Tsedek ! fait l’objet d’une campagne d’attaques racistes nous accusant à mots plus ou moins couverts de traîtrise vis-à-vis des Juif.ves, voire remettant carrément en cause la judéité de nos membres. Dans leur Petit manuel de lutte contre l’antisémitisme paru en octobre 2024, Jonas Pardo et Samuel Delor nous qualifient ainsi de « juifs d’exception », et nous accusent d’adopter une posture inquisitrice envers la communauté juive française et de faire preuve de complaisance avec l’antisémitisme en vue d’apparaître respectables aux yeux de la gauche, du mouvement propalestinien et des Arabes.
En réalité, la catégorie de « juif d’exception » forgée par Hannah Arendt en 1946 s’appliquait initialement à la bourgeoisie juive assimilée, désireuse de démontrer à l’ordre racial que ses membres avaient intégré les valeurs de la blanchité et s’étaient débarrassés des stigmates antisémites dont le reste des Juif.ves demeurait marqué. L’application de cette catégorie aux Juif.ves antisionistes est une déformation qui trouve ses origines dans la droite sioniste, et qui participe de la théorie raciste du « nouvel antisémitisme » : puisque l’antisémitisme contemporain ne serait plus une production de l’ordre capitaliste et racial traditionnel mais des populations issues de l’immigration post-coloniale et de la gauche, c’est à elles désormais qu’en tant que « Juif.ves d’exception » nous serions censé.es montrer patte blanche.
Un même procès en traîtrise
C’est cette même logique qui a conduit Brigitte Stora, dans un article du Nouvel Obs particulièrement ignoble, à voir en nous le dernier avatar de « ces cautions juives, qui dans une perversion prophétique, sont venues témoigner contre leur nom, apportant à l’entreprise antijuive la légitimité qui lui manquait », et dont « l’histoire de l’antisémitisme est (…) jalonnée ».
De l’autre côté du spectre politique, l’Observatoire Juif de France (OJF), par la voix de son avocat, a jugé bon de nous qualifier de « Juifs de service des antisémites » au cours du procès intenté à Elias d’Imzalène au motif fallacieux d’apologie du terrorisme, et le magazine Franc-Tireur s’est senti autorisé à titrer à sa une : « Tsedek !, Juifs mais pas trop ». Enfin, dans la vidéo qu’il nous consacre intitulée « Tsedek !, la caution juive des antisémites de gauche », le CRIF laisse savamment planer le doute en précisant dès la première phrase que nous ne faisons jamais que nous « présent [er] comme juifs ».
Selon des modalités diverses, c’est un même procès en traîtrise vis-à-vis des Juif.ves que nous intente ainsi l’intégralité de l’arc sioniste, depuis son aile gauche incarnée par Jonas Pardo et son mouvement – qui depuis sa création a consacré l’essentiel de son énergie militante à attaquer la gauche et à délégitimer le mouvement de solidarité avec la Palestine – jusqu’à son aile la plus explicitement droitière et islamophobe incarnée par l’OJF et le Printemps Républicain, dont Franc-Tireur est l’organe attitré.
Les sionistes prétendent dire qui a le droit d’être juif.ve
Leur objectif est simple : faire du sionisme la seule identité juive légitime, de concert avec les principales instances de représentation juives françaises et l’État raciste français. Les sionistes prétendent ainsi dire qui a le droit d’être juif.ve, alors même que certain.es de celles et ceux qui s’acharnent à nous dénier notre judéité ne le sont même pas.
Cette campagne raciste a culminé lorsque le groupuscule sioniste Nous Vivrons est venu bloquer le colloque que nous avions organisé avec nos camarades de l’UJFP à l’occasion des 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz. La projection d’un documentaire sur le procès Eichmann a dû être retardée, et une descendante de rescapé.es en situation de handicap moteur a notamment été contrainte d’attendre debout dans le froid pendant plus d’une heure.
Ce n’est pas la première fois que Nous Vivrons salit la mémoire des victimes de la déportation nazie. Rappelons en effet que l’acte de naissance de ce collectif a consisté à piétiner le monument rendant hommage aux victimes de la rafle du Vel d’Hiv pour empêcher le déroulement d’une manifestation contre l’antisémitisme organisée par la gauche en réponse à la honteuse marche appelée par le gouvernement le 12 novembre 2023, dont le principal effet avait été de réhabiliter les forces politiques les plus racistes, et notamment antisémites, du pays.
Notre colloque a par la suite donné lieu à un article particulièrement ignominieux de l’hebdomadaire Marianne, rédigé par la journaliste Rachel Binhas, sioniste revendiquée et contributrice régulière des médias d’extrême-droite CNews et Valeurs actuelles, dans lequel elle nous accuse de relativiser l’horreur d’Auschwitz. Le RAAR et les JJR n’ont pas tardé à lui emboîter le pas, se faisant une nouvelle fois les relais d’une polémique lancée par l’extrême-droite sous un vernis pseudo-progressiste. Un événement de commémoration de la Shoah a ainsi été perturbé dans l’indifférence quasi générale, et ses organisateurs.rices, pour beaucoup descendant.es de rescapé.es, diffamé.es par des journalistes qui n’hésitent pas à collaborer avec les héritiers directs du pétainisme. À cette occasion, nous avons constaté avec consternation, mais sans surprise, le silence des personnalités médiatiques habituellement si promptes à débusquer l’antisémitisme dans la moindre prise de parole qui exprime une solidarité avec la Palestine.
Faire du « Plus jamais ça » un principe universel
Ce qui est insupportable à nos adversaires, c’est que la revendication assumée de notre mémoire et la commémoration de nos mort.es s’inscrivent dans une volonté de faire du « Plus jamais ça » un principe universel, qui vaille pour toutes et tous, en tout temps, en tout lieu. Au contraire, le sionisme prétend s’accaparer cette mémoire pour préserver ce qu’Alain Finkielkraut, dans un accès de brutale honnêteté, a appelé cyniquement un « crédit victimaire ». Cette instrumentalisation honteuse n’est pourtant jamais dénoncée par celles et ceux qui sont venu.es scander « touche pas à la mémoire » devant notre colloque, les mêmes qui se sont offusqué.es d’un prétendu négationnisme dans les propos tenus par Rony Brauman à cette occasion. Ceux-ci relèvent pourtant du simple constat — un constat qu’il déplore explicitement : la mobilisation constante de la mémoire de la Shoah par Israël pour justifier ses crimes contribue à la rendre inaudible.
Ce n’est donc pas Rony Brauman qui relativise les persécutions dont nous avons été victimes : ce sont les dirigeants occidentaux et les propagandistes sionistes censés.es nous représenter qui convoquent la mémoire de la Shoah pour défendre des hooligans suprémacistes s’étant rendus coupables d’agressions racistes et ayant entonné des chants moquant les massacres d’enfants gazaouis. Ce sont les médiocres polémistes de Twitter qui, à l’instar de Gilles Clavreul, vident les mots de leur sens en parlant de « pogrom numérique » lorsque Rima Hassan pointe du doigt la sanction abusive dont a été victime un journaliste de France Info pour avoir simplement rappelé que les « prisonnier.ères » palestinien.nes détenu.es arbitrairement et hors de tout cadre judiciaire par Israël sont également des otages. Ce n’est pas Rony Brauman qui salit notre mémoire : ce sont les soldat.es de Tsahal qui violent des femmes palestiniennes, arborent sur les réseaux sociaux leurs sous-vêtements comme des trophées, tuent des civil.es pour se divertir avec l’approbation de leurs supérieur.es, érigent sur les ruines de Gaza une Menorah construite avec des débris de bombe et gravent au couteau une Magen David sur le front de leurs victimes.
Notre dignité
Depuis des mois, l’arc sioniste qui va de Golem à l’extrême-droite en passant par toutes les nuances du soi-disant « arc républicain » prétend ainsi remettre en cause notre judéité, et nous dénie le droit de revendiquer notre histoire et de rendre hommage à nos mort.es. À cela nous répondons au contraire qu’être fidèles à nous-mêmes, c’est nous rappeler que les persécutions qu’ont subies nos ancêtres procèdent d’un même continuum raciste que celui qui aujourd’hui en France vise les Noir.es, les Arabes, les Musulman.es, les Rom.es et les Asiatiques. Et que notre dignité de Juifs et de Juives consiste non pas à nous mettre au service de la blanchité mais à nous tenir à leurs côtés, comme elle consiste à lutter à notre échelle pour que justice soit rendue aux peuples palestinien, kanak, congolais, soudanais, kurde, ouïghour, et à tous ceux qui continuent à subir à travers le monde les ravages de la domination impérialiste.
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