Universités en péril
L’attaque massive de l’administration Trump contre les universités américaines, tout particulièrement dans le domaine des sciences sociales, n’est que la continuité de la mise en place d’un néofascisme ayant décidé d’assumer reposer sur l’obscurantisme, le complotisme, la décérébration par les écrans et le bâillonnement d’un savoir critique. La réduction de 300 millions de dollars à l’université Colombia pour ses programmes de recherches sur des enjeux de sociétés concernant les femmes, les étrangers, les minorités et l’histoire de l’esclavage ou des Indiens en est la démonstration.
Les sciences humaines construites à la fin du XIXe et tout au long du XXe siècles ont été fondées comme autant de savoirs dans un monde où la paupérisation due à la révolution industrielle, l’acculturation fondée sur des exodes ruraux massifs démontraient les dégâts de la modernité. Des dégâts dont les chercheurs ne devaient et ne voulaient pas se désintéresser, en construisant des outils pour penser les avancées techniques sans laisser de côté l’amélioration des conditions de vie du plus grand nombre. Une grande partie de la réflexion issue du socialisme fut conçue comme un outil scientifique mettant au cœur de la recherche l’émancipation, l’amélioration des conditions de travail, la perfectibilité des sociétés, la critique d’un capitalisme incapable de concevoir plus d’égalité entre les êtres.
La dégradation s’accentue sous nos yeux avec des budgets en diminution constante parfois de façon aberrante.
Les universités se donnaient pour horizon d’idéalité de former une jeunesse à un savoir critique, souvent humaniste, toujours à l’écoute d’un monde où les libertés académiques constituaient un contre-pouvoir, ou du moins offraient la possibilité d’une représentation du monde alternative, refusant tout déterminisme d’un productivisme ou d’un darwinisme social enfermant les plus modestes dans une bulle de moindre savoir qui les aurait empêchés d’accéder à l’enseignement supérieur.
En France, insérée dans un cursus largement modernisé et renouvelé, après que le mouvement de 1968 a fait bouger les lignes d’une institution compassée dans ses structures mais bien vivante par sa pensée, l’Université a su relever ce défi. Elle a pu constituer une entrée dans un monde académique où les résultats les plus récents de la recherche fondaient le socle d’une connaissance délivrée pour mieux affronter l’entrée dans le monde professionnel.
Tout cela est mis en grave péril aujourd’hui dans notre pays. Cela ne date pas des initiatives voulues et couvertes par le président de la République et ses ministres de l’Enseignement supérieur. Depuis la loi LRU de 2007 dite des autonomies des universités, construite sans leur offrir de réelles capacités d’autofinancement, tout est allé de mal en pis, pour le personnel administratif, pour tous les personnels encadrant la science, pour les enseignants-chercheurs et, in fine, ce qui est le plus grave, pour les étudiants eux-mêmes, sans cesse plus précarisés, paupérisés, sous-encadrés et donc moins bien formés.
Cette année 2024-2025, la dégradation s’accentue sous nos yeux avec des budgets en diminution constante parfois de façon aberrante. 60 % en moins dans certains cas pour le système de fonctionnement, 40 % de réduction pour la recherche, alors que 80 % des universités ne peuvent plus présenter un budget à l’équilibre depuis deux ans. Austérité drastique d’un côté, mais abondance d’argent pour les industries de l’armement d’un autre. Développement d’écoles privées prétendant rivaliser avec l’université, le plus souvent avec la bénédiction des pouvoirs locaux et nationaux, et réductions toujours plus sévères des fonds pour l’enseignement supérieur public.
Deux poids, deux mesures intolérables au moment où les idéologies les plus antirépublicaines et les technostructures exigent au contraire de consolider les savoirs critique des sciences humaines et sociales. L’université mise sciemment en péril, c’est toute la société qui est en danger.
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