Comment ramener la paix en Europe ?

En débat

Il y a d’autres voies que la guerre face à l’accord d’essence impérialiste que Donald Trump et Vladimir Poutine négocient au détriment de l’Ukraine et au mépris des peuples et du droit international.

L’Union européenne doit briser le tandem Trump-Poutine, rompre son suivisme atlantiste et se tourner vers d’autres pays dont la Chine.

Marina Mesure

Députée GUE-NGL au Parlement européen

L’annonce d’un cessez-le-feu provisoire entre l’Ukraine et la Russie concernant les infrastructures énergétiques, et les discussions en cours visant à déterminer les modalités d’un cessez-le-feu étendu et pérenne illustrent à quel point l’Union européenne s’est réduite à n’être qu’une spectatrice, laissant une puissance extra-européenne, les États-Unis d’Amérique, être à la manœuvre. L’Union européenne paye là le prix d’un alignement géopolitique total sur Washington.

L’arrivée au pouvoir de Donald Trump n’a pas fondamentalement changé la donne. Le livre blanc sur l’avenir de la défense européenne, publié le 19 mars, confirme l’alignement complet de l’Union européenne (UE). Concernant la guerre en Ukraine, le livre blanc n’offre qu’un seul chemin : renforcer les livraisons d’armes à l’Ukraine et préparer l’Union européenne d’ici 2030 à un conflit de haute intensité avec la Russie. L’UE suit l’adage « Si vis pacem, para bellum » (« Si tu veux la paix, prépare la guerre »).

Elle semble ainsi ignorer les dures leçons du cruel XXe siècle : la préparation de la guerre ne conduit jamais à la paix, elle rend la guerre inéluctable. Pourtant un autre chemin existe. L’UE pourrait prendre les devants d’une paix durable en Ukraine et sur l’ensemble du continent. Elle peut revenir à la table des négociations en brisant le tandem Trump-Poutine, mais à la seule condition qu’elle accepte de rompre avec son suivisme atlantiste et qu’elle se tourne vers les autres États désireux d’aboutir à une paix qui ne soit pas la reproduction d’un partage de zones d’influence entre grandes puissances.

L’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, la Chine sont autant de pays vers lesquels l’UE pourrait se tourner. Il est regrettable que le livre blanc publié par la Commission européenne se contente de présenter la Chine comme une menace systémique. Le pays a pourtant toujours insisté sur la nécessité de respecter l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Et, tout comme l’UE, la Chine n’a pas intérêt à un règlement du conflit par un accord bilatéral entre les États-Unis et la Russie.

Le représentant permanent de la Chine auprès de l’Union européenne, M. Lu Shaye, a ainsi clairement indiqué que le règlement du conflit en Ukraine ne pouvait pas être décidé sans l’ensemble des parties prenantes, à commencer par l’Ukraine et l’UE. Même le très respectable Royal Institute of International Affairs exhorte l’Europe à prendre une initiative conjointe avec la Chine. Pékin n’est pas sans moyen de pression sur la Russie : 70 % des machines-outils et 90 % des produits microélectroniques importés par la Russie proviennent de Chine.

Moscou est trop dépendant de Pékin pour pouvoir l’ignorer. Si l’UE veut faire entendre sa voix, elle doit être indépendante. Si elle veut que sa voix soit entendue, son message doit être celui de la défense de la paix et du droit international. Le siècle dernier nous l’a appris : « Si vis pacem, para pacem » (« Si tu veux la paix, prépare la paix »).

Un plan de paix doit être l’objectif principal, avec une conférence sur la sécurité commune et une rencontre mondiale sous l’égide de l’ONU.

Roland Nivet

Porte-parole national du Mouvement de la paix

L’agression de la Russie contre l’Ukraine a conduit à la mort de dizaines de milliers de personnes, à des destructions terribles et nous a rapprochés d’une possible utilisation des armes nucléaires. Cette guerre s’inscrit dans un moment de remise en question du droit international au bénéfice de la loi du plus fort. Cette évolution est encouragée par le complexe militaro-industriel et ses multinationales, qui possèdent les moyens médiatiques d’influence nécessaires.

Or l’UE et en France le président Macron proposent une militarisation sans précédent des États européens en allouant, comme l’exigent Trump et l’Otan, non plus 2 % mais 5 % du PIB aux dépenses militaires. À PIB constant le budget de la défense, en France, passerait alors à 140 milliards d’euros (contre moins de 50 en 2024 et moins de 33 en 2017). Pour construire une paix juste et durable en Europe, exigeons, dans le respect du droit international, une solution politique et diplomatique à cette guerre à travers un plan dont la paix doit être l’objectif principal avec comme un des moyens une économie pour la paix respectueuse de l‘article 26 de la Charte des Nations unies, qui affirme la nécessité « de favoriser l’établissement et le maintien de la paix et de la sécurité internationales en ne détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde ».

Sans nier la nécessité de moyens militaires à inclure au plan de l’UE, aucune paix durable ne peut être construite, en Europe comme ailleurs, par la force et la puissance militaires en violation de l’ordre normatif international fondé sur la Charte des Nations unies et le multilatéralisme, qui impliquent le respect de la souveraineté des peuples et leur droit à l’autodétermination.

Cette paix doit s’appuyer sur la Déclaration universelle des droits de l’homme, les droits économiques et sociaux, les résolutions de l’ONU sur la culture de la paix et, enfin, sur la mise en œuvre des traités pour l’élimination des armes nucléaires (traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et traité sur l’interdiction des armes nucléaires). Résistons aux logiques de militarisation, qui veulent imposer des augmentations vertigineuses des dépenses militaires au détriment des moyens diplomatiques et des budgets sociaux.

Une sécurité humaine commune à tous les États de l’Europe géographique incluant la Russie nécessite de construire au plan européen et hors de l’Otan des mécanismes de coopération et de confiance s’appuyant sur les principes des accords d’Helsinki (signés dès 1975) en réactivant et en élargissant sur cette base l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Une conférence paneuropéenne sur la sécurité commune et une conférence mondiale pour la paix sous l’égide de l’ONU seraient de nature à consolider approche européenne et enjeux mondiaux. L’action des peuples sur le plan européen est nécessaire. C’est pourquoi le Mouvement de la paix appelle à faire de la Journée internationale du vivre ensemble en paix le 16 mai 2025 une journée de mobilisations européennes.

Le dossier Pour une économie de paix sur le site mvtpaix.org

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