Faire institution
La Haute Autorité de santé (HAS) vient de publier son programme pluriannuel « santé mentale et psychiatrie », pour 2025-2030 en prenant soin de passer au crible les différentes spécialités psychiatriques – clinique de l’adolescence, de la gériatrie, des addictions, troubles du neurodéveloppement, etc. – et les questions essentielles de pair-aidance, de soutien aux familles et aux proches, de certification des établissements de santé pour la qualité des soins.
En termes de qualité des soins, il est un courant psychiatrique qui n’a cessé d’en faire son étendard, la psychothérapie institutionnelle, qui a connu ses heures de gloire entre les années 1940 et 1990. Depuis, elle subsiste ici ou là, face à un front institutionnel hostile ou bêtement indifférent, alors qu’elle a démontré son efficacité tant sur les malades que sur les soignants.
Dans Psychothérapie institutionnelle. Quatre Oasis d’humanité (Gallimard, 2025), Pierre Kammerer revient sur quatre établissements qui ont réussi à « faire institution » dans ce climat de crise institutionnelle permanent : le Centre psychothérapeutique du Coteau (Val-de-Marne), le lieu de vie Oxygène (Aveyron), le centre éducatif pour mères adolescentes d’Anjorrant (Loire-Atlantique) et la Mission Insertion Musique de Valence (Drome).
Quatre lieux qui sont les dignes héritiers des modèles historiques plus célèbres de la psychothérapie institutionnelle que sont Saint-Alban (Lozère) avec Tosquelles et Fanon, La Borde (Loir-et-Cher) avec Oury et Guattari, Chemla au centre Antonin-Artaud (Marne), René Bidault à La Chesnaie (Loir-et-Cher), Roger Gentis à Fleury-les-Aubrais (Loiret), etc. Ces endroits organisent une vie institutionnelle qui a tout du travail d’orfèvre, en élaborant une « constellation transférentielle » au service des patients, comme le stipule Pierre Delion qui signe ici la préface de l’ouvrage.
Il y narre son arrivée à Saint-Alban dans le service de Tosquelles : « Cette expérience a été pour moi le principal changement de vertex que j’ai rencontré dans toute ma formation : non pas penser les institutions en premier pour y accueillir les patients, mais penser avec les patients les institutions dont il a besoin. » Rappelons que Tosquelles n’avait pas hésité à recruter des prostituées dans son environnement thérapeutique considérant qu’elles connaissaient mieux que personne les affres de l’âme humaine.
Tout l’enjeu est que l’institution ne devienne pas l’ombre d’elle-même en produisant des facteurs psychopathogènes rendant plus malades encore les patients et les soignants. Contre cette dynamique entropique, il est important de voir comment – de façon structurelle et organisationnelle – on préserve la disponibilité matérielle et affective des soignants, et plus généralement de tous les acteurs au contact des patients, soit précisément la démarche inverse par rapport à la rationalisation gestionnaire actuelle.
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