Premier pas
Si elle est suivie d’effets, la poignée de main à Damas entre le Kurde Mazloum Abdi, commandant en chef des Forces démocratiques syriennes, et le président par intérim, Ahmed al-Charaa, pourrait signaler un tournant dans une transition incertaine, périlleuse, au lendemain d’atroces massacres de civils alaouites dans l’ouest du pays. On savait des discussions engagées : elles étaient tendues tant les projets de société défendus les armes à la main par les deux parties sont antagoniques. L’accord finalement conclu prévoit « l’intégration de toutes les institutions civiles et militaires du nord-est de la Syrie au sein de l’État syrien, y compris les postes-frontières, l’aéroport, ainsi que les champs pétroliers et gaziers ».
Les Kurdes renoncent ainsi à l’autonomie qu’ils ont bâtie depuis 2013 en alliance avec d’autres communautés, au travers d’institutions portées par une aspiration égalitaire et démocratique. Eux que le régime baasiste déchu a longtemps opprimés, réprimés et privés de citoyenneté, voire de nationalité, obtiendraient en contrepartie l’assurance d’être tenus pour « composante essentielle de l’État syrien » et associés au processus politique en cours. L’accord appelle enfin à un cessez-le-feu : c’est, pour les Kurdes, l’espoir de voir les Turcs cesser les hostilités dans le nord-ouest du pays qu’ils occupent en s’appuyant sur des supplétifs islamistes.
Les concessions kurdes sont grandes. Elles marquent une rupture avec le projet de confédéralisme démocratique qui a guidé leur révolution. Mais elles ouvrent un étroit chemin de paix et d’unité, dans un pays menacé d’éclatement, livré depuis treize ans aux ingérences étrangères. En 2009, Abdullah Öcalan, figure historique de l’émancipation kurde, avançait une proposition politique pour dégager les voies d’une « résolution de la question kurde » par un « développement démocratique, libre et égal pour les peuples du Moyen-Orient ». Son message du 27 février appelant le PKK à déposer les armes s’inscrit dans ce sillage. En Syrie, un premier pas vient d’être franchi. En Turquie, la réponse d’Erdogan à cette offre de paix se fait attendre. De Damas à Ankara, il est temps de tourner la page du sectarisme, de la violence, du centralisme.
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