La chronique de Jean-Christophe Le Duigou

Retraites, de quoi va-t-on parler ?

Le gouvernement veut à tout prix nous enfermer dans la vision d’un « coût du travail » responsable du sous-emploi qui nous interdirait toute augmentation des cotisations. On est loin des premières déclarations de l’exécutif à propos de la négociation des retraites qui s’engage entre organisations syndicales et patronales. Le gouvernement avait pourtant promis de « donner une feuille blanche » aux négociateurs. Position immédiatement corrigée par Catherine Vautrin. : « mon seul objectif est de trouver les moyens d’aller vers l’équilibre financier » avait précisé la Ministre reprenant le thème du « déficit » si cher aux libéraux. François Bayrou ferme le ban, décrétant que « la cible reste celle qui avait été fixée lors de la précédente réforme de 2023, soit 2030 », vision à court terme qui empêche de débattre d’une réforme ambitieuse du financement remettant sur de bon rail l’ensemble de notre système de protection sociale.

Or, l’expérience amorcée depuis 1993, amplifiée en plusieurs étapes ensuite, d’allégement des cotisations patronales n’a guère prouvé son efficacité. 70 milliards d’euros d’exonérations sont aujourd’hui consentis et concernent plus de 10 millions d’emplois. La part des cotisations patronales dans le PIB a chuté de 7 points en 20 ans. Le bilan global est maigre. Moins de 50 000 emplois sauvés ou créés selon une étude sérieuse, cela fait cher par emploi. Si quelques entreprises ont été sauvées par ce dispositif, combien d’autres, qui n’en avaient nul besoin, ont-elles reçu de millions d’aides superflues !

 A l’horizon 2030 plusieurs mesures sont indispensables :

– créer une cotisation spécifique sur les revenus financiers des entreprises afin que ceux-ci contribuent à l’équilibre de la protection sociale. La mesure a bien été légitimée pour les ménages. Cette assiette potentielle, hors secteur financier, représente une centaine de milliards d’euros 

– faire prendre en charge le non-paiement des cotisations par un fonds spécial « dettes patronales » alimenté par une cotisation variable de 0,3 % afin d’éviter le transfert actuel sur les salariés et les contribuables. 

– instaurer une sur-cotisation patronale en fonction de la gestion de l’emploi passée de l’entreprise. On pourrait reprendre ici le mécanisme appliqué aux accidents du travail qui vise à une politique de prévention 

Ces trois mesures amorceraient une réforme plus structurelle qui viserait cette fois-ci le mode de calcul de l’ensemble des cotisations employeurs aux organismes de la Sécurité sociale. La remise à plat du dispositif actuel d’exonération qui coûte très cher sans efficacité, devrait être remplacé par une cotisation modulable, en fonction de l’évolution de l’année antérieure de la valeur ajoutée et de la masse salariale de l’entreprise. Il s’agit de mettre à contribution les profits qui ont été gagnés par des réductions d’emplois. Le taux de base serait spécifique suivant quelques grands secteurs et serait déterminé en fonction de la place des salaires dans la combinaison productive.

Cette réforme permettrait de rééquilibrer les contributions entre secteurs et d’appuyer une dynamique de développement favorable au financement de la protection sociale.

Famille, santé, retraite, les débats doivent être engagés. Pourquoi celui sur le financement de la protection sociale, celui qui détermine l’ensemble, devrait-il rester l’apanage de quelques spécialistes ?

Aux côtés de celles et ceux qui luttent !

L’urgence sociale, c’est chaque jour la priorité de l’Humanité.

  • En exposant la violence patronale.
  • En montrant ce que vivent celles et ceux qui travaillent et ceux qui aspirent à le faire.
  • En donnant des clés de compréhension et des outils aux salarié.es pour se défendre contre les politiques ultralibérales qui dégradent leur qualité de vie.

Vous connaissez d’autres médias qui font ça ? Soutenez-nous !
Je veux en savoir plus.

Lisez la suite de cet article

et débloquez tous les contenus

Je m’abonne


à lire aussi

​​Retraites : 68 % des Français favorables à un référendum, 73% des salariés pour l’abrogation de la réforme à 64 ans

Social et Économie

Publié le 14 avril 2025

Retraites : même la Cour des comptes alerte sur les dangers d’un recul de l’âge légal

Social et Économie

Publié le 11 avril 2025

Journée de mobilisation dans la fonction publique : « 2025 sera une année noire », dénonce Sylviane Brousse de la CGT

Social et Économie

Publié le 3 avril 2025

Vidéos les plus vues

Grève SNCF : le secrétaire général CGT-cheminots explique les raisons et tacle la direction

Publié le Publié le 7 mai 2025

« On risque la délocalisation si le gouvernement et l'Europe ne bougent pas leur c** » : l'Humanité aux côtés des ArcelorMittal

Publié le Publié le 6 mai 2025

« Hitler était socialiste », « Les nazis étaient de gauche » : le débunk de Johann Chapoutot

Publié le Publié le 6 mai 2025

Assassinat d'Aboubakar Cissé : l'indécence d'Eric Zemmour

Publié le Publié le 5 mai 2025

Médecins étrangers : indispensables pour la France, méprisés par l’État

Publié le Publié le 5 mai 2025

Montée du fascisme et pop culture : entretien avec Patrick Boucheron | ÇA IRA !

Publié le Publié le 4 mai 2025