L’Afrique de l’Ouest traverse une période charnière où les contrastes démocratiques entre pays anglophones et francophones se font de plus en plus visibles. Alors que des nations comme le Ghana et le Libéria se distinguent par leur engagement envers des élections transparentes et des transitions pacifiques, d’autres, notamment francophones, sont embourbées dans des crises politiques marquées par des régimes militaires et des transitions interminables.
Le Ghana vient d’écrire une nouvelle page de son histoire politique avec le retour au pouvoir de l’ancien président John Dramani Mahama. Ce scrutin, marqué par un fort taux de participation et une transparence exemplaire, illustre une fois de plus la maturité démocratique de ce pays anglophone. Malgré un contexte économique difficile — avec une inflation galopante, un chômage élevé et une dette publique alarmante — les citoyens ghanéens ont fait preuve d’une résilience remarquable.
Cette alternance pacifique démontre que, même dans l’adversité, des institutions solides et une volonté populaire peuvent garantir la stabilité et la continuité démocratique. Le Ghana, souvent présenté comme un modèle en Afrique subsaharienne, confirme sa position en tant que phare démocratique.
Le Libéria : George Weah s’incline avec honneur
Au Libéria, l’ancien footballeur devenu président, George Weah, a quitté le pouvoir après avoir perdu une élection saluée pour sa transparence. L’acceptation des résultats par George Weah et son départ digne montrent qu’une culture démocratique s’enracine progressivement dans ce pays autrefois marqué par la guerre civile. Cette attitude, qui devrait être la norme, demeure pourtant exceptionnelle dans certaines régions du continent.
Le Botswana : Une femme à la tête d’un État stable
Plus au sud du Continent, le Botswana, autre exemple de résilience démocratique, a vu l’élection d’une femme à la présidence. Ce choix progressiste est un témoignage de l’évolution politique et sociale du pays, déjà connu pour sa stabilité et sa bonne gouvernance.
Francophonie ou malédiction des transitions militaires ?
En contraste frappant, plusieurs pays francophones d’Afrique de l’Ouest restent empêtrés dans des transitions militaires interminables. La Guinée, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, tous dirigés par des juntes militaires, peinent à organiser des élections et à rétablir l’ordre constitutionnel. Ces pays invoquent souvent des défis sécuritaires majeurs, comme la lutte contre le terrorisme, pour justifier le maintien des militaires au pouvoir.
Cependant, au-delà de ces justifications, une question demeure : est-ce une incapacité structurelle ou une mauvaise foi de ces dirigeants à transmettre le pouvoir aux civils ? Le cas du Tchad, où Mahamat Déby Itno, fils de l’ancien président Idriss Déby, a consolidé son pouvoir après une transition contestée, illustre les limites de la bonne foi dans ces processus. Élu président tout en restant général et maréchal, il perpétue une tradition dynastique contraire aux principes démocratiques.
Pourquoi cette différence entre anglophones et francophones ?
Plusieurs facteurs historiques et structurels peuvent expliquer ce contraste : colonialisme et héritages institutionnels : les pays anglophones ont souvent hérité de systèmes juridiques et politiques plus inclusifs, tandis que les pays francophones, marqués par le centralisme, ont souvent reproduit des systèmes autoritaires post-indépendance.
Rôle des élites : Les élites politiques francophones, parfois plus enclines à monopoliser le pouvoir, limitent la consolidation de la démocratie. En revanche, dans les pays anglophones, la culture de l’alternance est plus ancrée.
Influence régionale et internationale : les institutions comme la CEDEAO semblent avoir plus de succès dans la pression exercée sur les pays anglophones pour des transitions pacifiques. Dans les pays francophones, cette pression est souvent inefficace ou contournée.
Facteurs culturels et sociaux : une culture démocratique basée sur la reddition des comptes et le respect des institutions semble davantage valorisé dans certains pays anglophones.
Le Sénégal : L’exception francophone
Le Sénégal reste l’exception notable dans cet océan d’instabilité francophone. Ce pays a su préserver des institutions fortes et un processus électoral crédible, permettant des alternances pacifiques. Cependant, les tensions récentes autour des candidatures potentielles pour 2024 montrent que même cette démocratie exemplaire n’est pas à l’abri des défis.
Vers une harmonisation démocratique ?
À terme, les pays francophones devront inévitablement embrasser des transitions démocratiques, qu’elles soient volontaires ou imposées par la pression populaire. L’histoire montre que les régimes militaires finissent par céder face à l’aspiration des peuples à plus de liberté et de représentation.
Pour éviter de suivre des modèles comme celui du Tchad, où les transitions deviennent des subterfuges pour la consolidation du pouvoir, ces nations doivent s’appuyer sur des institutions solides, encourager la participation citoyenne, et renforcer la société civile.
Le contraste entre pays anglophones et francophones en Afrique de l’Ouest souligne la nécessité de réformes profondes dans les systèmes politiques des États francophones. Les exemples du Ghana, du Libéria et du Botswana prouvent qu’une alternance démocratique est possible, même dans des contextes difficiles. Il est impératif pour les pays en transition de comprendre que la démocratie n’est pas seulement un idéal, mais aussi un outil de développement durable et de stabilité à long terme.
Cheick B. CISSE