Quatre jours après Alep, les rebelles ont pris jeudi la ville stratégique de Hama dans le centre de la Syrie lors d'une offensive fulgurante contre les troupes du président Bachar al-Assad, dont le pouvoir apparaît de plus en plus fragilisé.
Située au sud d'Alep, la deuxième ville du pays en guerre, la cité de Hama commande la route vers Homs, plus au sud et la capitale Damas, deux grandes villes encore aux mains du pouvoir. Les rebelles emmenés par les islamistes extrémistes de Hayat Tahrir al-Sham (HTS) ont lancé le 27 novembre une offensive surprise à partir de leur bastion d'Idleb (nord-ouest), s'emparant de dizaines de localités ainsi que de la majeure partie d'Alep (nord) et de Hama et faisant selon une ONG plus de 800 morts. Les rebelles ont célébré leur entrée dans Hama, certains tirant en l'air et d'autres s'agenouillant pour prier, selon des images de l'AFP. A côté, un cadavre git dans la rue, alors que des habitants tout sourire applaudissent l'arrivée des insurgés. A Homs, des habitants ont commencé à fuir la ville pour rejoindre Damas ou la côte syrienne, ont indiqué des résidents à l'AFP. "Nous avons peur et nous craignons que le scénario à Hama se produise à Homs", a déclaré Abbas, un fonctionnaire de 33 ans. "Nous craignons qu'ils (les rebelles) se vengent sur nous. Nous n'avons nulle part où fuir si les combats éclatent à Homs, et nous nous battrons jusqu'à la mort", a-t-il déclaré. La coalition rebelle a annoncé sur Telegram la "libération totale de Hama". "Nos forces sont entrées dans la prison centrale de Hama et ont libéré des centaines de prisonniers injustement détenus", a annoncé plus tôt Hassan Abdel Ghani, un chef militaire insurgé. L'armée syrienne a reconnu avoir perdu Hama, indiquant que ses forces s'étaient "redéployées hors de la ville". Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), "plus de 200 véhicules militaires" de l'armée ont quitté Hama en direction de Homs et les forces gouvernementales se sont également retirées de deux autres villes du secteur, dont l'une sur la route Hama-Homs. L'agence officielle syrienne Sana a ensuite indiqué que la défense aérienne avait abattu deux drones "ennemis" au-dessus de Damas, sans plus de précisions. Les hostilités sont les premières de cette ampleur depuis 2020 dans un pays meurtri par une guerre civile dévastatrice qui a fait un demi-million de morts depuis 2011, et l'a morcelé en zones d'influence, avec des belligérants soutenus par différentes puissances étrangères. Depuis le 27 novembre, les combats et bombardements aériens et à l'artillerie ont fait 826 morts dont 111 civils, selon l'OSDH, basé au Royaume-Uni et qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie. Sur ce total, 222 combattants sont morts depuis mardi autour de Hama, a précisé l'Observatoire. Le patron de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé à mettre un terme au "carnage" en Syrie, résultat d'un "échec collectif chronique" à enclencher un règlement politique du conflit. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, dont le pays est un soutien majeur des rebelles, a appelé M. Assad à trouver "d'urgence" une "solution politique". L'Iran et la Russie, principaux alliés du pouvoir syrien sont en "contact étroit" avec la Turquie, pour stabiliser la situation, selon la diplomatie russe. Après le lancement de l'offensive rebelle, la Russie qui dispose de bases en Syrie, a lancé des raids aériens sur les secteurs contrôlés par les insurgés, en soutien aux forces gouvernementales. Le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, a mis en garde contre une résurgence du groupe Etat islamique (EI) en Syrie, où cette formation jihadiste avait occupé de vastes régions de ce pays et de l'Irak voisin avant d'en être successivement chassée en 2019. L'ONU a fait état de 115.000 déplacés en une semaine. A Alep toutefois, des habitants revenus avec les troupes rebelles ont célébré leurs retrouvailles avec leurs proches. "Une joie indescriptible", a dit Mohammed Jomaa, 25 ans, qui avait fui la ville et quitté sa famille à la prise totale d'Alep par le pouvoir en 2016. Le chef de HTS, Abou Mohammed al-Jolani, a promis qu'il n'y aurait "pas de vengeance" à Hama, dans un message vidéo après avoir annoncé que ses combattants étaient entrés dans la ville "pour refermer la blessure ouverte il y a 40 ans". Hama a été en 1982 le théâtre d'un massacre sous la présidence de Hafez al-Assad, père du dirigeant actuel, lors de la répression d'une insurrection des Frères musulmans. Avec l'appui militaire de la Russie, de l'Iran et du Hezbollah libanais, le pouvoir syrien avait repris une grande partie du pays en 2015, et la totalité d'Alep en 2016. Affaibli par deux mois de guerre ouverte avec Israël, le Hezbollah a dit se tenir au côté de M. Assad. "La perte de Hama est un coup très dur pour le gouvernement syrien, surtout après sa défaite à Alep. C'est là que l'armée a tenté de renverser la situation (...) mais elle n'y est pas parvenue", dit à l'AFP Aron Lund, chercheur au Century International. "HTS va maintenant essayer de progresser vers Homs."