Autrefois appelé “Tafilalet”, l’exercice Chergui que l'Algérie a décrié, date de longues années. C'est un exercice classique devenu soudain une menace pour Alger qui s’en sert comme un prétexte d’escalade contre la France et le Maroc dans un contexte de fuite en avant du régime algérien. Loin d’être “un acte de provocation”, cet exercice aéroterrestre revêt une importance majeure pour les FAR et l’Armée française dans l’harmonisation des techniques de combat dans un théâtre désertique. Explications.
Jeudi, tout à coup, dans un geste impulsif, l'Algérie a désigné les exercices militaires conjoints entre le Maroc et la France comme une menace. Le Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Lounès Magramane, a fait savoir à l’ambassadeur français en Algérie, Stéphane Romatet, quand il l'a convoqué que son pays considère le prochain exercice conjoint “Chergui 2025”, prévu septembre prochain à Errachidia, comme un acte de provocation. Cette réaction qualifiée d’hystérique par les commentateurs, intervient dans un contexte de crise diplomatique d’une rare acuité entre Paris et Alger. C’est la première fois que la diplomatie algérienne se dit provoquée par un exercice militaire qui, rappelons-le, se tient depuis des années. L’exercice Chergui ne date pas d’aujourd’hui. C’est un exercice classique qui se déroule tous les deux ans. Neuf éditions ont eu lieu jusqu’en 2009 avant d’être suspendu pendant dix ans. Ce n’est qu’en 2019 qu’il a repris. Deux ans plus tard, il change de nom et prend l’appellation de Chergui au lieu de Tafilalet. Au début, ce fut un exercice aéromobile avant d’évoluer vers les manœuvres aéroterrestres. La dernière édition a eu lieu, du 1er au 25 mars 2022 à Errachidia, là où sera organisée la prochaine édition. 200 soldats français y avaient participé. Il s’agit d’un exercice aéroterrestre de grande envergure. Les manœuvres se déroulent au camp de Rahmat-Allah, à 20 kilomètres d'Errachidia. Les deux armées tâchent d'améliorer leur interopérabilité dans une vaste étendue désertique. Apprendre à faire la guerre dans des conditions météorologiques défavorables dans une zone aride avec un climat sec et de fortes rafales. En 2022, 2500 soldats, dont 200 français, y ont été déployés avec des moyens logistiques colossaux. Les deux armées cherchent à harmoniser leur doctrines de combat et de projection de troupes au sol. Pour les Forces Armées Royales, l’enjeu est de perfectionner les techniques de combat aéroterrestre et apprendre à combattre en coalition. Pour sa part, l’Armée française cherche à bénéficier de la géographie d’Errachidia pour s'entraîner au climat poussiéreux et "aux vols par nuit noire". De telles conditions sont difficilement trouvables en France. En fait, l’exercice consiste à déployer des forces d'infanterie, y compris des régiments de blindés et de chars avec appui aérien. Lors de la dernière édition, l’Armée française a déployé un régiment d’hélicoptères de combat avec 6 aéronefs dont 1 Tigre, 3 Caïman et 2 Gazelle. Lesquels secondés par un régiment d’infanterie de marine un autre d’infanterie chars de marine. Les FAR, de leur côté, ont déployé les fleurons de leur logistique aérienne avec un dispositif composé des Chinook, des Puma et des Gazelles. L’exercice comprend des missions de reconnaissance terrestre par des colonnes de blindés chargés de fantassins. Les patrouilles aériennes mixtes viennent en renfort. Puis, il y a des opérations aéroportées de lutte contre la résistance à l’aide de régiments de forces spéciales déployées sur des hélicoptères. Cet exercice a la particularité d'harmoniser la communication et la gestion du trafic aérien entre les régiments déployés dans le théâtre d’opération, ce qui est un défi majeur dans une opération de coalition. Une tour de contrôle mobile est mise en place à cet effet. Un centre de commandement est installé dans une tente et c’est de là que sont transmis les ordres. Pour rappel, le Maroc et la France tiennent régulièrement des exercices terrestres, maritimes et aériens. La coopération militaire franco-marocaine n'a pas été globalement interrompue pendant la crise diplomatique. En témoigne la tenu de l'exercice aérien conjoint en 2022 à Benslimane auquel s'ajoute l'exercice Chebec, aussi fulgurant que Chergui qui a été organisé, en octobre 2024. La Marine française y a déployé un sous-marin nucléaire sans que le voisin de l’est ne fasse d’esclandres. Il est tout de même étonnant que l'Algérie qualifie un tel exercice de menace alors qu'elle n'a jamais dénoncé celui d'African Lion mené avec les Etats Unis bien que ce soit un exercice d'une plus grande ampleur avec des manœuvres d'artillerie organisée à Al-Mahbes, à quelques encablures de Tindouf. L’Algérie cherche n’importe quel prétexte pour importuner la France avec laquelle elle est engagée dans un bras de fer diplomatique depuis la reconnaissance de la marocanité du Sahara par le président Emmanuel Macron. L’Algérie s’est servie de toutes les représailles possibles pour faire payer à Paris son soutien au Maroc. Rappel de l’ambassadeur, tentatives de subversion interne à l’aide d’influenceurs, arrestation de Boualem Sansal, refus de rapatriement des personnes sous OQTF… Le régime algérien a joué toutes ses cartes sans succès. Le gouvernement français, pour sa part, semble encore serein en faisant preuve de retenue. Cela n'a pas empêché le Premier ministre, François Bayrou, à lancer un ultimatum à l’Algérie en lui donnant un délai de six semaines pour reprendre ses migrants refoulés sous peine de mesures de rétorsion.