La Cour pénale internationale (CPI) a connu plusieurs épreuves décisives ces dernières années qui ont mis à l’épreuve sa crédibilité et son autorité. Les cas de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, du président soudanais Omar el-Béchir et plus récemment de Vladimir Poutine ont suscité des réactions contrastées sur la scène internationale. Les pays occidentaux défendaient alors vigoureusement l’institution judiciaire face aux critiques des États concernés. Le mandat d’arrêt émis ce 21 novembre contre Benjamin Netanyahu pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité redessine aujourd’hui les lignes de fracture diplomatiques, avec un positionnement inédit de certaines puissances occidentales.
Une offensive diplomatique sans précédent
Tel-Aviv orchestre une riposte méticuleuse pour contrer les effets du mandat d’arrêt. Les représentants israéliens multiplient les contacts à travers le monde, tissant un réseau de soutiens tant auprès des gouvernements que des forces d’opposition. Cette stratégie trouve un écho favorable chez plusieurs acteurs internationaux. Washington, qui comme Israël n’a jamais ratifié le Statut de Rome, condamne fermement la décision. Un bloc de pays comprenant la Hongrie, l’Argentine et la République tchèque manifeste également son opposition en rejetant ouvertement l’application du mandat, Budapest allant jusqu’à provoquer la Cour par une invitation officielle au Premier ministre israélien.
L’Europe divisée face aux obligations internationales
Le positionnement européen révèle des fractures profondes. Si Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, appelle les États membres à respecter leurs engagements vis-à-vis de la CPI, les réponses varient considérablement. Les Pays-Bas, l’Irlande, l’Italie et le Canada affirment leur volonté d’appliquer le mandat. La France maintient une position équilibrée, « prenant acte » de la décision tout en réaffirmant son « attachement au travail indépendant de la Cour ». Cette posture suscite des débats houleux au sein de la classe politique française. Les députés du Rassemblement national et des Républicains s’opposent à toute arrestation de Netanyahu sur le sol français, tandis que la gauche, du PS aux écologistes, exige le respect du droit international.
Les critiques africaines justifiées a posteriori
Les réticences occidentales actuelles donnent raison aux nombreuses critiques formulées par les États africains depuis la création de la CPI. L’Union africaine avait dénoncé à maintes reprises une justice à deux vitesses, pointant que sur les premières décennies d’existence de la Cour, la quasi-totalité des poursuites concernait des dirigeants africains. Le Burundi, l’Afrique du Sud et la Gambie avaient même entamé des procédures de retrait du Statut de Rome en 2016, accusant la CPI de néocolonialisme judiciaire. Ces accusations de partialité trouvent aujourd’hui une nouvelle résonance dans la réaction des puissances occidentales face au cas Netanyahu.
Les implications dépassent le cas Netanyahu. Des juristes israéliens redoutent que d’autres tribunaux étrangers ne ciblent des officiers ayant servi à Gaza. Le risque d’un embargo sur les ventes d’armes plane, particulièrement préoccupant concernant l’Allemagne, principal fournisseur militaire d’Israël. La situation soulève une question cruciale : les pays refusant aujourd’hui d’arrêter Netanyahu appliqueront-ils le même traitement au mandat d’arrêt visant Vladimir Poutine ? Cette incohérence potentielle menace la crédibilité du système judiciaire international et révèle les limites d’une justice universelle confrontée aux réalités géopolitiques.
Source: https://lanouvelletribune.info/