Bien qu’il existe depuis très longtemps, le crédit étudiant peine à se faire une place au soleil parmi les offres bancaires de crédit de consommation. Plusieurs entraves empêchent son épanouissement.
Lancé il y a très longtemps, le crédit étudiant fait long feu malgré une demande croissante sur le financement des études, surtout supérieures, favorisant logiquement son épanouissement. En effet, la demande sur les écoles privées a explosé, de même que les budgets alloués au secteur. «A titre d’exemple, la fourchette des frais de scolarité oscille généralement entre 50.000 et 130.000 DH en ce qui concerne les écoles privées dans les grandes villes», souligne Ouadi Madih, président de la Fédération nationale des associations du consommateur (FNAC). Mieux, tout porte à croire que le besoin ira crescendo. Mais la question est bien plus compliquée qu’une réponse à une demande du marché, sachant que les chiffres relatifs à l’évolution de cette offre ne sont pas disponibles. D’un côté, le crédit étudiant est soumis à la loi 31-08, édictant des mesures de protection du consommateur, dans sa partie dédiée au crédit à la consommation. «Ce type de crédit englobe légalement tous les types de crédit, y compris le crédit personnel, affecté ou sans intérêt. Ils sont encadrés par les dispositions réglementaires de cette loi, sans aucune distinction entre leurs spécificités», déclare Ouadi Madih. D’un autre côté, cela crée une confusion, car on peut penser que le crédit étudiant peut rentrer dans le cadre du crédit affecté. Mais, il ne remplit pas des conditions essentielles relatives à la partie qui fournit les sommes prêtées ou le fournisseur dans le cas des prêts contractés pour acquérir des produits. «Donc le crédit étudiant ne peut pas être assimilé à un crédit affecté. C’est un crédit personnel», poursuit Ouadi Madih.
Un montage particulier
Le crédit étudiant au Maroc a une spécificité: ce sont les parents qui se portent garants du paiement de ce crédit. Cela diffère des Etats-Unis, un pays où ce type de crédit constitue environ 10% des crédits des ménages. Ce n’est pas tout. «En termes de délai, les crédits contractés doivent être remboursés immédiatement après la fin des études. Cela est pratiquement impossible. C’est pour cela que les parents ne sont pas friands de ce type de crédit», souligne Ouadi Madih. Résultat, on opte pour d’autres moyens classiques, ou d’autres offres de crédits personnels. Par ailleurs, le court délai de remboursement a d’autres incidences sur les intérêts, ce qui fait multiplier les sommes remboursées. «Ainsi, le mode de déblocage des fonds et les intérêts rendent la dette trop chère», explique Ouadi Madih. Point commun à toutes les offres de crédit étudiant déployées sur le marché, ces paramètres expliquent en grande partie l’échec de ces offres.
Par ailleurs, si on ne dispose pas de données chiffrées relatives au crédit étudiant, la FNAC dit qu’elle reçoit rarement des réclamations à ce sujet. «Les réclamations indiquent l’existence d’un problème devant être résolu, ce qui n’est pas le cas en ce qui concerne ces offres», dit le président de la FNAC. Quelle solution préconise-t-il? Il n’y a pas de mystère: l’offre dans sa globalité, y compris les éléments du taux d’intérêt et la garantie, doit s’adapter aux clients, à leurs exigences et à la situation des ménages, saturés actuellement par un endettement croissant.
Le bout du tunnel ?
Il y aura probablement un changement futur. Dans le projet de loi du 21 juillet 2021, l’article 70 (6e alinéa) propose un système de financement au profit des étudiants des écoles privées et des établissements d’enseignement à but lucratif et d’utilité publique. Cette proposition se résume à des prêts à conditions préférentielles, déployés en collaboration avec les établissements de financement. Selon Mohamed Rahj, économiste et universitaire, «la philosophie du texte est orientée vers la création d’un système de crédit et de financement des études. Cela dit, l’expérience actuelle ne milite pas en faveur d’un financement des études par les banques», souligne-t-il. Le manque de garantie et l’absence de dimension sociale des offres bancaires resteront toujours un obstacle majeur à la création de ce système. Quelle est donc la solution idéale à l’incohérence entre la demande et l’offre en termes de financement des études? L’universitaire est catégorique: «Un fonds spécial, à l’image du fonds Covid-19», nous répond-il. Celui-ci remédiera à une grande lacune du système de crédit étudiant actuel qui est la fragilité de la garantie. Dans le passé, l’expérience du crédit Jeunes Promoteurs, qui, selon Mohamed Rahj, a connu quelques cas d’emprisonnement de débiteurs non solvables, doit servir d’exemple. L’autre solution proposée par Mohamed Rahj est «la généralisation des bourses, peu importe l’établissement d’enseignement, public ou privé, ou même à la formation continue dans les établissements publics, ainsi que la généralisation des subventions aux écoles privées, à l’image de celles accordées aux étudiants de l’ISCAE», a-t-il souligné.
Les banques sont-elles prêtes à jouer le jeu? Rien n’est moins sûr, tenant en compte l’élément essentiel de la rentabilité des offres du crédit étudiant et le niveau de risque qu’elles contiennent. En attendant, les garants continuent à puiser dans leurs escarcelles pour régler les frais de scolarité, souvent pesants.