Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi
Rien ne va plus entre New Delhi et Dacca, car depuis la chute, en Août dernier, de la Première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, les deux capitales n’arrivent plus à s’entendre, l’Inde allant même jusqu’à affirmer que la minorité hindoue n’est plus en sécurité au Bangladesh, depuis le remplacement de cette dernière par le Prix Nobel Muhammad Yunus.
Dacca, qui, de son côté, conteste ces rumeurs, estime qu’elles ne sont rien d’autre qu’un moyen pour les partisans du Premier ministre nationaliste indien, Narendra Modi, de discréditer le nouveau Premier ministre du Bangladesh et le nouveau vent de démocratie qui a soufflé sur le pays et poussé l’ancienne Première ministre à le fuir.
C’est à ce titre que, lors d’une réunion tenue, ce mercredi, avec les différents leaders politiques, Muhammad Yunus a appelé ses compatriotes à faire front commun contre « l’agression indienne » qui, pour « saper les efforts » déployés pour la construction d’un « nouveau Bangladesh (…) propage des histoires fictives ».
Mais si, à la moindre tension, l’Inde dénonce un « génocide » alors que le Bangladesh dément l’existence d’une quelconque violence dirigée contre les hindous, l’arrestation, la semaine dernière, d’un moine hindou, à Dacca, n’a fait qu’envenimer la situation.
Niant, toutefois, à la tribune de l’ONU, tout ciblage des hindous sur des bases religieuses, le Bangladesh a tenu à préciser que l’intéressé, qui répond au nom de Krishna Das et qui appartient au mouvement ISKCON, une secte religieuse plus connue sous l’appellation « Hare Krishna », s’est rendu coupable d’activités séditieuses en organisant des manifestations au cours desquelles il était demandé à l’Inde d’envahir le Bangladesh afin de restituer le pouvoir à l’ancienne Première ministre déchue ; ce que dément New Delhi.
L’arrestation de Krishna Das n’étant pas un cas isolé, celle de deux autres moines appartenant au même mouvement, n’a fait qu’ajouter de l’huile sur un brasier déjà fumant à telle enseigne qu’à l’appel de l’ensemble des composantes de la classe politique hindoue, vivement préoccupées par le sort réservé à leurs compatriotes au Bangladesh, de violentes manifestations de dénonciation ont eu lieu à Calcutta, aux abords du siège de la Haute Commission du Bangladesh et les protestataires ont même brûlé des drapeaux du Bangladesh.
L’exacerbation des tensions entre les deux pays a pour cause le fait que l’Inde, qui a soutenu le parti de l’ancienne Première ministre Sheikh Hasina depuis l’indépendance du Bangladesh en 1971, et qui a vu son « influence » diminuer avec l’éviction de cette dernière et son exil à New-Delhi, est, désormais, accusée d’organiser une campagne de dénigrement contre le nouveau gouvernement intérimaire du Bangladesh, emmené par « le banquier des pauvres », Muhammad Yunus pour éviter, à la Première ministre déchue, toute comparution devant la justice de son pays alors que ses compatriotes voudraient qu’elle soit jugée pour « crimes contre l’humanité » mais aussi pour les contrats contestés – portant notamment sur le commerce de poisson – qu’elle avait négociés avec le géant industriel indien « Adani ».
Enfin, si, comme l’affirment certains observateurs, par l’exacerbation des tensions religieuses entre les deux pays, New Delhi viserait à déstabiliser le Bangladesh, attendons pour voir…
Nabil EL BOUSAADI
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