Entre la crise de l’eau virtuelle et le gaspillage dans les chaînes d’approvisionnement alimentaire

Le gaspillage alimentaire n’est pas seulement une question de pertes économiques ; c’est aussi une problématique environnementale majeure. Chaque fois qu’un aliment est jeté, l’eau utilisée pour sa production est également perdue. Les 450 millions de tonnes de fruits et légumes jetées ne représentent qu’une fraction du gaspillage alimentaire qui atteint un tiers de la […]

Entre la crise de l’eau virtuelle et le gaspillage dans les chaînes d’approvisionnement alimentaire
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Le gaspillage alimentaire n’est pas seulement une question de pertes économiques ; c’est aussi une problématique environnementale majeure. Chaque fois qu’un aliment est jeté, l’eau utilisée pour sa production est également perdue. Les 450 millions de tonnes de fruits et légumes jetées ne représentent qu’une fraction du gaspillage alimentaire qui atteint un tiers de la production mondiale. Selon la FAO, 13% de ce gaspillage se produit lors du transport et du stockage. Derrière ce gaspillage, une réalité moins visible émerge : l’eau virtuelle. En d’autres termes, en gaspillant un produit, nous gaspillons également l’eau «cachée» utilisée tout au long de sa fabrication. Dans un contexte où l’ONU alerte sur le risque imminent de pénurie mondiale d’eau potable, il est crucial de comprendre notre responsabilité et d’explorer comment sensibiliser les entreprises et les décideurs à l’empreinte eau dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Qu’est-ce que l’empreinte eau ? L’empreinte eau mesure la quantité totale d’eau douce utilisée pour produire des biens et des services, et se divise en trois catégories : – «Eau bleue» : l’eau douce prélevée des rivières, lacs et aquifères, – «Eau verte» : l’eau de pluie utilisée pour la culture des plantes, – «Eau grise» : l’eau nécessaire pour diluer les polluants et respecter les normes de qualité de l’eau. Cette mesure est essentielle pour évaluer l’impact environnemental des entreprises, notamment dans l’agriculture, un secteur particulièrement gourmand en eau. Quel lien entre le gaspillage alimentaire et l’empreinte eau ? Le gaspillage alimentaire n’est pas seulement une question de pertes économiques ; c’est aussi une problématique environnementale majeure. Chaque fois qu’un aliment est jeté, l’eau utilisée pour sa production est également perdue. Par exemple, la production d’un kilogramme de viande de bœuf nécessite environ 15.000 litres d’eau et un kilogramme de blé nécessite environ 1.300 litres. Ainsi, en gaspillant des aliments, nous gaspillons également d’énormes quantités d’eau. En 2021, la FAO a estimé que le gaspillage alimentaire représentait environ 931 millions de tonnes par an, ce qui correspond à environ 23% de la production alimentaire mondiale. Un rapport de l’Institut de recherche environnementale du WWF souligne que si le gaspillage alimentaire était un pays, il serait le troisième plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde, après la Chine et les États-Unis. Cette situation souligne l’importance d’une approche plus intégrée qui considère à la fois le gaspillage alimentaire et l’empreinte eau. Selon la Banque mondiale, la pénurie d’eau en Afrique du Nord et au Proche et Moyen-Orient atteint des proportions alarmantes, avec 60% de la population vivant dans des zones de stress hydrique où l’approvisionnement est inférieur à 1.000 m³ par personne et par an. Il est estimé que 14 des 22 pays de la Ligue arabe pourraient faire face à une grave pénurie, alors que la population devrait augmenter de 50% d’ici 2050, exacerbant la pression sur des ressources déjà limitées. L’agriculture, qui consomme 85% de l’eau dans des pays comme l’Égypte et la Jordanie, intensifie la compétition pour cette précieuse ressource, tandis que les aquifères, tels que celui de Nubien, souffrent d’une surexploitation alarmante, avec des niveaux d’eau qui baissent de 1 à 3 mètres par an. Cette situation critique appelle à des actions urgentes et innovantes pour garantir un avenir durable. Est-ce que les entreprises peuvent encore négliger l’empreinte eau ? La négligence de l’empreinte eau peut entraîner des risques significatifs pour les entreprises. Les pénuries d’eau et la dégradation de la qualité de l’eau peuvent perturber les chaînes d’approvisionnement, affectant ainsi la production et la rentabilité. Un rapport du Forum économique mondial a identifié la pénurie d’eau comme le risque global numéro un qui peut affecter les activités et les rentabilités des entreprises. Les entreprises doivent être conscientes que le gaspillage alimentaire, associé à l’empreinte eau, peut entraîner des répercussions économiques. La gestion inefficace des ressources en eau peut entraîner des coûts accrus, des pénalités réglementaires et une mauvaise réputation auprès des consommateurs de plus en plus soucieux de l’environnement. La solution est de sensibiliser non seulement la population mais aussi les managers. Sensibiliser les managers à l’empreinte eau et au gaspillage alimentaire est essentiel, car ce sont eux qui ont la capacité d’agir. En premier lieu, les entreprises sont de plus en plus jugées sur leurs pratiques durables. Comprendre le lien entre l’empreinte eau et le gaspillage alimentaire permet aux futurs leaders de prendre des décisions éclairées qui respectent l’environnement. En second lieu, en intégrant la gestion de l’eau et la réduction du gaspillage dans leur stratégie, les entreprises peuvent innover et développer des solutions durables qui améliorent leur efficacité tout en réduisant leur impact environnemental. Et enfin, les entreprises qui adoptent des pratiques durables peuvent se démarquer sur le marché, attirant ainsi des consommateurs de plus en plus soucieux de l’environnement, notamment la génération alpha. Alors, comment agir ? Pour sensibiliser les managers à l’empreinte eau et au gaspillage alimentaire, il est essentiel d’organiser des ateliers tout en impliquant activement employés, clients et fournisseurs dans des initiatives concrètes, ainsi que d’envisager la mise en place de la norme ISO 14046. Cette norme internationale fournit un cadre pour évaluer et communiquer l’empreinte eau des produits et services, permettant ainsi aux entreprises de mieux comprendre leur impact sur cette ressource précieuse. En adoptant l’ISO 14046, les organisations peuvent non seulement améliorer leur gestion de l’eau, mais aussi renforcer leur engagement envers la durabilité, tout en répondant aux attentes croissantes des consommateurs et des parties prenantes. Pour conclure, l’empreinte eau est un enjeu crucial que les entreprises ne peuvent plus ignorer, surtout dans le contexte du gaspillage alimentaire. En sensibilisant les entreprises à cette problématique, nous pouvons contribuer à une gestion plus durable des ressources en eau et garantir un avenir durable pour les générations à venir. Sources : • FAO – Gaspillage alimentaire : https://www.fao.org/food-loss-and-waste/en/ • WWF – Gaspillage alimentaire et empreinte carbone : https://www.wwf.org.uk/updates/food-waste-what-you-need-know • https://www.ifac.org/knowledge-gateway/discussion/les-risques-et-les-opportunites-poses-par-l-eau-ne-peuvent-etre-ignores-par-les-entreprises-les. Par Dr. Benyamin Shajari, Professeur assistant, Excelia.