Dans le cadre du numéro spécial « Regards de Femmes sur le Maroc de demain », nous avons rencontré Madame Basma Khayat, Directrice Commerciale et Marketing de la CIMR. Forte de plus de 30 ans d’expérience, elle revient sur son parcours, son engagement pour la prévoyance sociale et les enjeux majeurs du système de retraite au Maroc. A travers cet entretien, elle partage sa vision des réformes nécessaires pour un système plus équilibré, inclusif et durable, tout en mettant en avant le rôle essentiel de la jeunesse et des femmes dans l’évolution socio-économique du pays.
A l’occasion du 8 mars, nous avons choisi de donner la parole à des femmes d’exception de divers horizons. Chaque témoignage se veut une évocation personnelle et professionnelle de parcours, au Maroc ou à l’international, de femmes qui honorent notre pays. A ce titre, Madame Basma Khayat pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je suis une maman comblée de deux jeunes adultes, j’ai eu la chance de naitre dans une famille d’artistes passionnés par l’art et professionnels du théâtre. Ma mère était comédienne et mon père réalisateur.
J’ai fait mes études dans un lycée public à Casablanca avant de rejoindre L’ISCAE. J’ai ensuite obtenu un MBA en Prévoyance sociale, de l’École Supérieure des Assurances de Paris, dans le cadre d’un programme conçu par et pour les caisses de retraite, avec le cabinet LMS et l’ESA.
Mon parcours professionnel s’étend sur plus de 30 ans. J’ai débuté dans l’audiovisuel, en particulier dans la production d’émissions télévisées à caractère économique pour le compte de 2M. Après un passage en agence de communication où j’ai eu l’opportunité de gérer les relations presse de plusieurs marques nationales et internationales, j’ai rejoint la CIMR pour mettre en place un service de communication interne et externe. Par la suite, j’ai également pris en charge la gestion de la relation client avant d’accéder, en 2011, à la direction commerciale, qui est devenue la Direction Commerciale et Marketing en 2018.
Justement, en tant que Directrice commerciale et Marketing de la CIMR, pouvez- vous faire pour nos lecteurs un bref état des lieux de ce secteur ?
Le secteur de la retraite au Maroc est un secteur stratégique qui répond à un enjeu social, celui d’assurer un revenu de substitution aux travailleurs marocains arrivés à l’âge de la retraite. Ce faisant, il contribue à lutter contre la précarisation d’une frange vulnérable de notre population. Il joue également un rôle économique majeur, en mobilisant une épargne annuelle considérable qui constitue un moteur important de l’économie marocaine.
Une réflexion sur la réforme de ce secteur a été lancée dès 2003. Et la mise en œuvre du chantier de généralisation de la protection sociale, voulu par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, vient de donner un nouvel élan au projet de réforme. Selon les annonces du gouvernement, des avancées majeures sont attendues en 2025.
Cette réforme est d’autant plus urgente que les réserves de la CMR sont déjà entamées, et que le déficit des autres caisses de retraite approche des horizons critiques. À ce jour, seule la CIMR a mené à bien sa réforme et retrouvé son équilibre et sa pérennité.
Les régimes de retraite au Maroc, comme partout dans le monde, sont impactés par des facteurs exogènes tels que le vieillissement de la population, l’allongement de l’espérance de vie et le faible taux de couverture des actifs. Ils doivent régulièrement ajuster leurs paramètres pour préserver leur équilibre financier. Il est donc impératif d’adopter un système global et cohérent qui garantisse à la fois la viabilité des régimes et la généralisation de la retraite à tous les travailleurs marocains. Le nouveau système devra avoir pour principal objectif de garantir un taux de remplacement suffisant pour préserver le niveau de vie des bénéficiaires, réduire les inégalités entre les régimes tout en assurant une meilleure coordination entre eux. En conclusion, je tiens à souligner qu’un système de retraite bien conçu, est un moteur de progrès formidable qui garantit un vieillissement digne et évite la paupérisation des personnes âgée. Et que, l’épargne considérable mobilisée par les caisses de retraite, constitue une manne importante pour le financement des investissements et permet ainsi de stabiliser l’économie de notre pays.
La CIMR étant une caisse de retraite complémentaire privée, avec des équilibres financier et actuariel assurés, quels en sont les principales clés ? Comment accompagnez-vous vos clients tout au long de leur vie professionnelle ?
Assurer la pérennité du régime et son équilibre est un enjeu majeur pour la CIMR. Les deux reposent sur une gouvernance rigoureuse et un pilotage actuariel permanent. La réforme de 2003 a marqué un tournant décisif pour la CIMR en instaurant un modèle de gestion préventif, que traduit le terme de pilotage. Dans ce cadre, un bilan actuariel projeté sur 60 ans est réalisé chaque année afin d’anticiper d’éventuels déséquilibres et d’apporter, si nécessaire est, des ajustements qui n’impactent ni les adhérents ni les bénéficiaires
L’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS) a également contribué à renforcer ce cadre de gouvernance en imposant des indicateurs de suivi stricts et en assurant un contrôle accru du régime.
Parallèlement à cela, nous nous sommes inscrits dans une démarche permanente d’amélioration de la qualité de service en améliorant nos prestations et services. Ainsi, sur le plan des prestations, nous avons mis en place le Capital aux héritiers, servi en cas de décès d’un cotisant sans conjoint ni enfants, ainsi qu’un capital au décès versé à la veuve ou aux héritiers au décès d’un allocataire.
Nous avons également lancé un nouveau produit, Al Moustakbal, qui permet à tout particulier de préparer sa retraite directement avec la CIMR. Ce produit est venu répondre à une attente forte exprimée par les professionnels et indépendants ainsi que par les salariés dont l’entreprise n’a pas souscrit à la CIMR ou qui souhaitent augmenter leur niveau de pension.
Pour les salariés qui cotisent à travers un employeur, nous avons mis en place des options Moubakkir et Mousabbak qui permettent de booster la pension pour rapprocher cette dernière du dernier salaire perçu.
Nous avons également procédé à la digitalisation de nos process. Aujourd’hui, tous nos services sont dématérialisés : Les déclarations de salaires, comme le paiement des contributions ou encore les demandes de liquidation des droits sont faites via le portail CIMR. Des applications mobiles destinées aux affiliés ou aux retraités sont également disponibles. Récemment, nous avons totalement supprimé la preuve de vie pour nos allocataires marocains résidant au Maroc grâce à la mise en place d’un processus d’échanges d’information dématérialisé avec le ministère de l’Intérieur.
Nous nous assurons également du suivi de la satisfaction de nos bénéficiaires grâce à des études régulières et un contrôle rigoureux des réclamations.
Notre objectif ultime est de garantir à l’ensemble de nos bénéficiaires une retraite sereine en garantissant leur revenu et en leur offrant des outils modernes et adaptés à chaque étape de leur carrière.
Comme, vous l’avez déjà dit, la retraite a un aspect social prononcé, mis en valeur par la récente politique sociale, vous le percevez comment à votre niveau de responsabilité ? Au-delà quels sont les aspects socio-économiques de la retraite dans une société, et pour les femmes en particulier ?
En effet, la retraite est un levier fondamental de stabilité sociale et économique. La vision de Sa Majesté en matière de protection sociale, notamment à travers la généralisation de la couverture sociale, met en lumière l’importance de ce sujet pour l’avenir du pays.
La généralisation de la retraite et l’inclusion de l’ensemble des citoyens dans ce dispositif, permettra de mieux préserver le pouvoir d’achat et la dignité de nos aînés, d’éviter leur paupérisation et précarisation et de les maintenir dans le système économique en tant que producteurs et consommateurs.
Donc, la mise en œuvre d’un système global et cohérent, permettra de réduire les inégalités et d’assurer une redistribution des richesses grâce à la solidarité, la coordination entre les régimes ou encore l’institution de mécanismes tels que la pension minimale pour assurer un revenu vieillesse à chacun. Par ailleurs, ce système devra aussi assurer de l’équité en permettant à chaque cotisant de percevoir une retraite à la hauteur de sa cotisation et sans trop de décalages avec son dernier revenu d’activité.
Les femmes sont particulièrement exposées aux inégalités en matière de retraite notamment en raison d’un faible taux d’activité (19 % contre 69 % pour les hommes, selon le HCP), des interruptions de carrières et des écarts salariaux. Pourtant, leur espérance de vie plus longue nécessiterait une épargne plus conséquente. Il est donc essentiel de favoriser leur inclusion dans le marché du travail et de mettre en place des dispositifs adaptés à leurs besoins.
Loin d’être un simple sujet technique, la retraite est un enjeu économique mais surtout touche à la dignité humaine et la justice sociale.
Mme Khayat, les contours de la réforme du secteur de la retraite sont connus et les solutions définies parce que ce dossier est sur la table depuis un certain temps et que l’État contribue substantiellement à maintenir certaines caisses à flot. Quels sont selon vous les principaux axes à solutionner pour l’avenir ?
Depuis 2003, plusieurs mesures ont été mises en place pour garder les caisses en difficultés à flot sans pour autant solutionner le problème. La mise en œuvre des directives royales en matière de protection sociale, nous donne une occasion en or pour doter le Maroc d’un système de retraite équilibré, plus inclusif.
Cela passe d’abord par le rééquilibrage des paramètres des régimes en difficulté et la revue du mode et de la performance de la gestion de leur réserve financière avant de pouvoir atteindre dans un horizon assez proche un système performant basé sur un premier palier de base obligatoire visant à assurer une pension minimale à l’ensemble des citoyens, un deuxième palier obligatoire basé sur l’équité. Sa vocation sera de permettre aux cotisants d’atteindre le taux de remplacement cible. Et enfin, un troisième palier supplémentaire et facultatif qui permettra aux travailleurs à revenu élevé de rapprocher leur revenu de retraite à celui d’activité.
En tant que haut cadre de la CIMR, à partir de votre expérience du terrain comment voyez-vous l’avenir du Maroc à travers la jeunesse de sa population, la réforme de la Moudawana et le développement économique en vue ?
Le Maroc a connu ces vingt dernières années, une transformation profonde, marquée par des avancées majeures dans divers domaines socio-économiques. Il y a d’abord les chantiers structurants engagés au niveau des infrastructures, de l’énergie verte, de l’industrie qui ont boosté l’économie Marocaine. La révision de la Moudawana constitue un autre jalon important de la modernisation du cadre juridique pour le mettre au diapason du Maroc qui se dessine. Il y a enfin les grandes réformes sociales audacieuses qui ont été entreprises (RSU, AMO, etc.) et qui transforment le quotidien de millions de marocains et placent notre pays sur la voie d’un développement inclusif et durable.
Grâce à une vision stratégique éclairée et des réformes structurelles de grande envergure, le Maroc se positionne aujourd’hui comme une puissance émergente, stable et attractive. Et l’avenir est porteur de grandes opportunités, pour notre jeunesse
La CIMR, en tant qu’acteur majeur de la prévoyance sociale, continuera d’accompagner ces transformations en apportant des solutions adaptées aux besoins des Marocains, tout en contribuant à la consolidation d’un système de retraite solide et équitable.
Entretien réalisé par Afifa Dassouli
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