Entretien avec Mohamed Ali Eddadi : Défis, Opportunités et Perspectives d’un secteur stratégique

Malgré les avancées enregistrées par l’aquaculture, les résultats demeurent en deçà des aspirations. Mohamed Ali Eddadi, Président de l’Association Marocaine de l’Aquaculture, nous explique les facteurs qui empêche le secteur de prendre son rhytme de croisière. L’aquaculture semble encore émergente au Maroc. Pouvez-vous nous donner un aperçu de son état actuel et de son rôle dans l’économie bleue nationale ? En effet, l’aquaculture marocaine est encore à ses débuts, mais son potentiel est immense. Actuellement, la production reste INSIGNIFIANTE : nous sommes passés de 600 tonnes en 2017 à 1 100 tonnes en 2021, ce qui représente à peine 1 % de la production totale des produits de la mer au Maroc. Comparé à la moyenne mondiale, où l’aquaculture contribue déjà à 56 % de la production halieutique, nous avons une marge de progression considérable. Cependant, les bases d’une croissance durable ont été posées. 143 fermes aquacoles sont opérationne

Entretien avec Mohamed Ali Eddadi : Défis, Opportunités et Perspectives d’un secteur stratégique
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Malgré les avancées enregistrées par l’aquaculture, les résultats demeurent en deçà des aspirations. Mohamed Ali Eddadi, Président de l’Association Marocaine de l’Aquaculture, nous explique les facteurs qui empêche le secteur de prendre son rhytme de croisière. L’aquaculture semble encore émergente au Maroc. Pouvez-vous nous donner un aperçu de son état actuel et de son rôle dans l’économie bleue nationale ? En effet, l’aquaculture marocaine est encore à ses débuts, mais son potentiel est immense. Actuellement, la production reste INSIGNIFIANTE : nous sommes passés de 600 tonnes en 2017 à 1 100 tonnes en 2021, ce qui représente à peine 1 % de la production totale des produits de la mer au Maroc. Comparé à la moyenne mondiale, où l’aquaculture contribue déjà à 56 % de la production halieutique, nous avons une marge de progression considérable. Cependant, les bases d’une croissance durable ont été posées. 143 fermes aquacoles sont opérationnelles à travers le Royaume, avec une projection de production de 75 000 tonnes annuelles dans les années à venir. Ces installations devraient générer plus de 2000 emplois directs et bien plus d’emplois indirects, particulièrement dans les zones côtières. Le développement de l’aquaculture marocaine bénéficie du soutien actif de l’Agence Nationale pour le Développement de l’Aquaculture (ANDA). Par son rôle d’accompagnement et de facilitation, l’ANDA contribue à identifier les sites propices, à appuyer les investisseurs et à promouvoir des pratiques respectueuses de l’environnement. Grâce à ses efforts, des bases solides sont posées pour structurer cette filière stratégique et en faire un levier de croissance durable. Ces actions renforcent l’intégration de l’aquaculture dans l’économie bleue marocaine, tout en offrant des perspectives prometteuses pour l’avenir de la filière et pour les acteurs comme l’AMA, qui en font partie intégrante.  L’aquaculture est un levier clé pour diversifier et renforcer l’économie bleue marocaine. Elle complète la pêche traditionnelle, qui atteint ses limites face à la stagnation des stocks mondiaux. Grâce à ses caractéristiques, comme une plus grande prévisibilité et un contrôle accru sur les chaînes de production, l’aquaculture peut répondre aux besoins croissants en protéines tout en soulageant la pression sur les écosystèmes marins.   Quels sont les principaux défis auxquels fait face l’aquaculture au Maroc, et comment envisagez-vous les surmonter ? L’aquaculture marocaine, bien que prometteuse, doit surmonter plusieurs obstacles pour réaliser son plein potentiel. Côté financement et investissement, laquaculture exige des investissements initiaux élevés, ce qui dissuade souvent les nouveaux entrants. De plus, la rentabilité peut être un défi, notamment pour les petits producteurs qui peinent à accéder aux financements nécessaires. Par ailleurs, Notre littoral, bien que riche, est souvent houleux et peut poser des défis logistiques pour les opérations aquacoles. Cela requiert des infrastructures robustes et des technologies adaptées, encore sous-développées dans certaines régions. Il y a aussi les défis liés à la réglementation et l’accompagnement. Bien que des avancées significatives aient été réalisées avec des cadres juridiques comme la loi n° 84.21, il reste des ajustements à faire pour rendre les procédures plus claires et attractives pour les investisseurs.   Et pour relever ces défis ?  Du côté de la diversification des espèces et des marchés, nous explorons de nouvelles espèces aquacoles pour réduire la dépendance à un petit nombre de produits et pénétrer de nouveaux segments, notamment ceux des marchés haut de gamme. Des efforts sont également fournis pour introduire des technologies modernes qui permettent d’améliorer la qualité, la traçabilité et la durabilité des produits aquacoles. Nous plaidons, en outre, pour des mécanismes de financement adaptés, comme des garanties publiques ou des fonds spécifiques pour l’aquaculture, en collaboration avec les institutions financières. Enfin, nous participons à des salons internationaux pour mettre en lumière le potentiel de l’aquaculture marocaine et attirer des investisseurs étrangers.   Comment l’aquaculture peut-elle contribuer à renforcer la sécurité alimentaire et les exportations marocaines ? L’aquaculture est une solution stratégique face à la demande croissante en protéines marines. Contrairement à la pêche traditionnelle, elle offre une production plus prévisible et moins dépendante des fluctuations environnementales. Par exemple, avec des espèces comme la dorade royale, le loup de mer ou les coquillages, nous pouvons répondre à des besoins variés, aussi bien sur le marché local qu’international.   Le développement de l’aquaculture marocaine bénéficie du soutien actif de l’Agence Nationale pour le Développement de l’Aquaculture (ANDA). Les 75 000 tonnes projetées d’ici quelques années ne serviront pas seulement à l’exportation. Une part significative sera destinée à alimenter le marché marocain, contribuant ainsi à réduire la dépendance aux importations et à améliorer la sécurité alimentaire. Sur le plan international, l’aquaculture marocaine bénéficie d’un positionnement géographique stratégique, à proximité des grands marchés européens. Cela nous permet d’exporter rapidement des produits frais et surgelés tout en maintenant une empreinte carbone réduite.   Quel rôle joue l’Association Marocaine de l’Aquaculture (AMA) dans cette dynamique de transformation ?   Notre association agit comme un catalyseur entre les acteurs publics, privés et institutionnels. Nous facilitons le dialogue et travaillons à créer un écosystème favorable à l’innovation et à la durabilité. En plaidant pour des politiques publiques adaptées, nous veillons à ce que les efforts de l’ANDAet des autres partenaires se traduisent par des opportunités concrètes pour nos membres. Nous encourageons également la collaboration régionale et internationale. Le partenariat Sud-Sud est particulièrement prometteur : partager nos expériences avec d’autres pays africains peut accélérer l’intégration régionale et faire de l’aquaculture un levier de développement pour tout le continent. L’aquaculture marocaine est à un moment charnière. Avec les bonnes stratégies et le soutien de tous les acteurs, nous pouvons non seulement renforcer notre économie bleue, mais aussi contribuer activement à la sécurité alimentaire mondiale. Ce secteur incarne l’avenir de la durabilité et de l’innovation au Maroc, et nous sommes prêts à relever les défis pour bâtir un modèle inspirant.