Entretien avec Pr. Cherki Karkaba, fondateur et directeur du Festival international «Corps et culture en mouvement» : La culture s’impose comme un élément incontournable dans la compréhension du monde

M. Karkaba nous fait part de ses réflexions sur l’organisation de ce festival dont les travaux se sont déroulés les 27 et 28 février 2025 et qui s’assignait pour objectif de briser les frontières culturelles et disciplinaires tout en mettant l’accent sur les enjeux sociétaux, l’importance de la culture dans la société, la compréhension mutuelle, […]

Entretien avec Pr. Cherki Karkaba, fondateur et directeur du Festival international  «Corps et culture en mouvement» : La culture s’impose comme un élément incontournable dans la compréhension du monde
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M. Karkaba nous fait part de ses réflexions sur l’organisation de ce festival dont les travaux se sont déroulés les 27 et 28 février 2025 et qui s’assignait pour objectif de briser les frontières culturelles et disciplinaires tout en mettant l’accent sur les enjeux sociétaux, l’importance de la culture dans la société, la compréhension mutuelle, le rapprochement entre les cultures… ALM : Pourriez-vous nous parler de l’organisation de la deuxième édition de ce festival international ? Pr Cherki Karkaba : Le festival s’est tenu dans sa deuxième édition, sachant que la première édition a eu lieu les 11 et 12 février 2020, juste avant le premier confinement suite à la pandémie Covid-19, ce qui explique l’écart de temps entre les deux éditions. L’idée du festival a mûri, elle a pris le temps de réfléchir à son avenir et avec la conviction qui l’anime, nous avons pu organiser cette édition. À vrai dire, ce festival est né d’une rencontre en France, dans une salle d’exposition, avec trois artistes: Rodrigo, Céline et Karine. L’axe de ma recherche, en tant qu’enseignant-chercheur, est la différence, la diversité, l’interculturalité, le dialogue culturel et l’importance de la culture dans ce monde extrêmement volatil. Ma rencontre avec ces artistes a renforcé ma conviction que, face aux défis qui se dressent devant les sociétés du XXIème siècle, la culture peut apporter des solutions ; elle s’impose comme un élément incontournable dans la compréhension du monde. Ces photographes et chorégraphes que j’ai rencontrés sont devenus des amis (Rodrigo et sa femme Céline, ainsi que la chorégraphe Karine Ghalmi considèrent le Maroc comme leur deuxième pays depuis leur participation à la première édition du festival. Ils sont enthousiastes pour collaborer dans plusieurs projets à l’avenir). Le point qui mérite d’être souligné est le constat que ces artistes partagent des questionnements similaires aux miens en tant que chercheur. Leur objectif est de déconstruire les stéréotypes culturels, lutter contre la haine et les divisions, favoriser le dialogue culturel, le rapprochement entre les cultures, la compréhension mutuelle et l’acceptation de la différence. Cette problématique est le thème fédérateur du festival, réunissant enseignants-chercheurs et artistes autour d’une même ambition : promouvoir la diversité linguistique et culturelle. Ce même esprit anime certaines sociétés civiles, telles que l’association Al Intilaka. C’est pour cela que j’ai décidé d’inviter ces artistes à visiter l’université de Beni Mellal, rencontrer les étudiants et collaborer avec l’association Al Intilaka. Nous avions déjà un master sur le genre et un autre sur les études culturelles ; il était donc évident que cette initiative soit bénéfique. C’est ainsi qu’est née l’idée de créer un festival international. La première édition de Corps en Mouvement a vu le jour les 11 et 12 février 2020. Quels sont les objectifs de ce festival international ? Cette édition 2025 poursuit les mêmes objectifs : briser les frontières culturelles et disciplinaires. L’université, les établissements d’enseignement, la société civile, les associations et les artistes doivent conjuguer leurs efforts pour atteindre ces objectifs. Ce festival réunit des artistes, des acteurs de la société civile, des associations et des chercheurs universitaires afin de réfléchir aux enjeux sociétaux et à l’importance de la culture dans la société. Les associations et le tissu associatif possèdent une connaissance intime des problèmes de la société. Les acteurs culturels et les animateurs offrent des solutions et des remèdes, apaisant ainsi les douleurs sociétales. C’est une vision moderne de la recherche universitaire, ancrée dans la réalité sociale. Ce modèle est appelé «recherche-action», une approche qui rompt avec l’isolement universitaire et vise à transformer la société. L’objectif principal du festival est de mettre en œuvre cette recherche-action. Parmi les objectifs spécifiques figurent la promotion de la diversité linguistique et culturelle, ainsi que la déconstruction des stéréotypes liés au corps. Pourriez-vous nous donner quelques explications sur la thématique du festival Corps et culture en mouvement ? Le corps n’est pas seulement fait de chair et d’os, il est aussi composé de représentations mentales et culturelles, un concept que Pierre Bourdieu définit par «habitus». La culture influence notre manière de penser et de nous comporter. Elle est ancrée dans notre corps et réciproquement ; la culture est dans le corps et le corps est dans la culture. Cette vision dynamique de la culture est au cœur du festival. Le corps bouge, exprime, envoie des signaux et construit du sens dans son environnement naturel et socioculturel. La culture, en tant que système de symboles, structure tout processus de signification ; elle construit le sens ; elle donne un sens aux mouvements du corps. Quelle est la stratégie qui gouverne l’organisation de ce festival ? Les activités du festival réunissent des chercheurs universitaires spécialistes des questions culturelles, ainsi que des artistes (chorégraphes, peintres, photographes, dramaturges) et des représentants du tissu associatif. Cette édition a invité des enseignants-chercheurs, des artistes tels que Karine Ghalmi, chorégraphe explorant le lien entre calligraphie arabe et danse moderne, et Céline Poulet, spécialiste de l’accompagnement des femmes à travers la culture. Un groupe de chanteuses basques a rencontré des chanteuses de Haïdous pour un échange culturel. Nous avons aussi présenté un défilé Caftan en Mouvement, illustrant la fusion des cultures. L’événement s’est achevé avec une fâchia, pratique culturelle marocaine en lien avec le Ramadan, suivie d’une prestation de psalmodieurs, donnant une dimension spirituelle à la clôture du festival. Quelles sont vos perspectives d’avenir ? La présence de l’ambassadeur de Colombie, suite à l’implication du photographe Rodrigo, témoigne de l’intérêt grandissant pour ce festival. Il envisage d’intensifier la participation d’artistes colombiens. L’avenir du festival suivra la même stratégie : réunir chercheurs, artistes et société civile autour des questions culturelles pour renforcer la recherche-action et l’engagement culturel. Beaucoup d’artistes et chercheurs internationaux d’Irlande, d’Espagne de Colombie, de Serbie, de France notamment ont exprimé leur satisfaction d’avoir participé à ce festival qui a réalisé les objectifs escomptés. Ainsi, on ambitionne d’organiser la troisième édition de cette rencontre internationale qui sera pour nous encore une fois une consécration grâce aux efforts inlassables des organisateurs, des partenaires et des participants.