Déçu, stoppé dans son élan, Emmanuel Macron s’est subitement débarrassé de ses illusions algériennes. Ce régime qu’il avait publiquement accusé de vivre sur la rente mémorielle et la haine de la France est devenu un lourd boulet qu’il va falloir gérer, avec ses sautes d’humeur et ses réactions sanguines comme le montrent l’arrestation de Boualem Sansal et la surenchère politique dans laquelle Alger s’est lancé avec Paris.
S’il y a une région où la relation avec la France est en train de vivre une extrême tension c’est bien le Maghreb, notamment avec le régime algérien. À tel point que le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau propose que les deux pays puissent «s’oublier » un peu pour faire baisser cette frustration. Bruno Retailleau, dont le nom est régulièrement cité pour succéder à Michel Barnier en cas de censure et de chute du gouvernement, s’est redit encore une fois favorable à la dénonciation du fameux accord de 1968, organisant de manière préférentielle les flux migratoires entre la France et l’Algérie.
Il est vrai que le ministre francais de l’intérieur réagissait après les nombreuses attitudes jugées agressives et inamicales du régime algérien à l’égard de la France. Une concentration médiatique et judiciaire excessive sur deux icônes de la littérature franco-algérienne que sont Kamel Daoud et Boualem Sansal avait fini par plonger la relation entre Paris et Alger dans des méandres dangereux. Mais le ministre Bruno Retailleau avait la présence d’esprit de rappeler que cette dégradation ne date ni de cette crise autour des ces deux écrivains, ni de la reconnaissance française de la souveraineté marocaine sur le Sahara. Les indicateurs d’animosité et de francophobie étaient déjà présents depuis des années, sans aucun doute accentués sous l’ère du président Abdelmajid Tebboune.
Elles sont loin, en effet, les images des deux présidents Emmanuel Macron et Abdelmajid Tebboune, s’échangeant d’intimes salamalecs comme de vieux camarades de régiment. Cela date de cette période qui paraît appartenir à une autre ère de notre temps où le président de la République Emmanuel Macron avait choisi de miser sur le régime algérien dans ses alliances régionales.
Ce rapprochement politique avait pris les allures d’un besoin de réconciliation mémorielle. Déçu, stoppé dans son élan, Emmanuel Macron s’est subitement débarrassé de ses illusions algériennes. Ce régime qu’il avait publiquement accusé de vivre sur la rente mémorielle et la haine de la France est devenu un lourd boulet qu’il va falloir gérer, avec ses sautes d’humeur et ses réactions sanguines comme le montrent l’arrestation de Boualem Sansal et la surenchère politique dans laquelle Alger s’est lancé avec Paris.
Comme dans un effet de balancier, avec le Maroc tout semble aller dans le meilleur des mondes. À titre de récents exemples de belles ententes et de vigoureuses coopérations, l’affaire des laisser-aller consulaires demandés par la France aux pays du Maghreb pour récupérer leurs clandestins nationaux. Au moment où le régime algérien exerce un chantage migratoire mettant les autorités françaises dans l’embarras, la France et le Maroc organisent une réunion inédite à Paris où participaient de nombreux hauts responsables des ministères de l’intérieur et des affaires étrangères pour huiler la machine des délivrances de laisser -passer consulaires pour les sans-papier marocains sous obligation de quitter le territoire, les fameux OQTF.
Autant avec le Maroc, le dialogue de Paris est lancé sur de bonnes bases, autant avec le régime algérien les blocages, les obstructions et les tensions sont légion. D’ailleurs il a été remarqué à juste titre une évolution dans la sémantique politique utilisée par les responsables français qui n’hésitent plus à utiliser le terme «régime algérien» pour désigner le pays Algérie. Comme si le message subliminal est de suggérer que les divergences et les tensions actuelles ne sont nullement le fruit du peuple algérien dans son ensemble et sa diversité mais d’une minorité gouvernante qui a fait le choix de la haine de la France comme carburant à son existence et à son fonctionnement.
L’idée d’un ménage à trois dans les relations de la France avec les pays du Maghreb paraît aujourd’hui une vue de l’esprit. Son impossibilité réside dans le fait qu’un des partenaires de ce trio, le régime algérien, s’est construit sur la tension guerrière à l’égard du voisin marocain et la détestation atavique à l’égard de la France, ancienne puissance coloniale. Un ménage à trois réussi ne sera possible que si ce régime algérien procède à une vraie révolution culturelle où il change radicalement ses perceptions et ses agendas.
Le premier mandat de Tebboune avait installé cette haine à l’égard de Paris et de Rabat. Le second l’a presque institutionnalisé. Toutes les structures du pouvoir algérien, politiques, militaires, médiatiques, respirent le défi à l’égard du Maroc et de la France. Ce qui fait actuellement du régime algérien une dangereuse menace pour la paix et la stabilité aussi bien au Maghreb qu’en Méditerranée.