La communauté internationale continue d'espérer un cessez-le-feu à Gaza, au moment où l’opposition israélienne appelle à un plan de paix avec la participation des pays arabes. Un espoir qui ne tient qu’à un fil. Décryptage.
Les armes se taisent enfin au Liban après huit semaines du début de la croisade israélienne contre le Hezbollah. Suite à une médiation fructueuse menée par les Etats-Unis et la France, les belligérants ont finalement accepté une trêve à partir de mercredi. Un soulagement pour le président américain, Joe Biden, qui cherchait inlassablement une prouesse diplomatique pour faire oublier son bilan catastrophique au Proche-Orient où son Administration était incapable de maîtriser la folie belliciste d’Israël depuis le 7 octobre 2023. Israël s’est résigné à cesser les hostilités après avoir atteint une grande partie de ses objectifs initiaux. Son armée a décapité le haut commandement du Hezbollah et liquidé la majeure partie de son leadership, dont son guide historique, Hassan Nasrallah, tué dans un raid d’une précision chirurgicale. Le mouvement chiite, inféodé à Téhéran, se trouve aujourd’hui orphelin de ses commandants les plus emblématiques et de ses unités d’élite. C’est tout ce que cherchait Israël depuis le début de son offensive. La trêve lui est aussi favorable puisqu’elle pousse le Hezbollah hors du Sud du Liban pour y rétablir l’Armée libanaise et les casques bleus. La transition devrait s’accomplir en 60 jours. L’horreur continue à Gaza De l’autre côté de la frontière, Israël continue sa guerre meurtrière à Gaza,alors que la communauté internationale appelle quasi-unanimement à un cessez-le-feu immédiat, d’autant plus que l’Etat hébreu a anéanti le Hamas et tué la majeure partie de ses dirigeants, dont le responsable du 7 octobre, Yahya Sinouar. L'Administration américaine s’efforce maintenant de pousser les belligérants à négocier un accord global comprenant la libération des otages avec l’aide des Qataris, des Egyptiens et d’autres pays de la région, comme l’a fait savoir le conseiller de Joe Biden, Jack Sullivan, à la télévision américaine. Mais le sort des otages semble peu préoccuper le Premier ministre Netanyahu qui a intérêt à ce que la guerre dure pour s’accrocher au pouvoir. “La trêve libanaise ne signifie pas forcément un cessez-le-feu à Gaza”, fait observer Mohamed Badine El Yattioui, professeur d'études stratégiques au Collège de défense nationale des Émirats arabes unis (EAU), qui estime que les conflits au Liban et à Gaza sont perçus différemment par les autorités israéliennes, que ce soit au gouvernement ou dans l’armée. L’opposition israélienne propose un plan de paix Jusqu’à présent, la situation est insoutenable dans la bande martyrisée réduite en champ de ruines avec une population qui a subi toutes les horreurs imaginables. Plus de 44.000 personnes ont péri depuis le début du carnage lancé par Tsahal. Pourtant, Benjamin Netanyahu n’a, pour l’instant, pas l'intention de cesser les hostilités. Une sorte de fuite en avant au moment où il est embarrassé par le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale et compromis par les révélations accablantes d’une commission civile sur sa forfaiture pendant le 7 octobre. Entre-temps, l’opposition, qui rejette complètement la fuite en avant de l’extrême droite au pouvoir et son projet messianique, se projette déjà dans le futur et semble disposée à parler de la paix avec l’Autorité palestinienne. L’ancien Premier ministre Yair Lapid a proposé un plan de paix avec une trêve de six mois sous contrôle d’une force internationale composée des pays arabes, dont le Maroc. Une sorte de période transitoire avant de négocier une solution politique dans le cadre d’une conférence régionale avec l’Arabie Saoudite et l’ensemble des pays signataires des accords d’Abraham. L’ancien Premier ministre est favorable à ce que l’Autorité palestinienne joue un rôle dans la gouvernance de Gaza après la guerre. Mais, la présence d’une force arabe peut être mal perçue par les populations gazaouies. “La mise en place d’un cessez-le-feu et son respect dans une phase de désescalade peuvent certes bénéficier du soutien de forces auxiliaires, mais le véritable enjeu sera celui de la gouvernance de Gaza dans l’après-guerre”, explique Yasmina Asrarguis, spécialiste du Moyen-Orient et chercheure à la Fondation Jean Jaurès. Le Maroc rappelle les prérequis Pour sa part, le Maroc ne s’est pas encore prononcé spécifiquement sur ce mécanisme, mais demeure disposé à tirer profit de sa capacité de parler avec les Palestiniens et les Israéliens pour pousser vers des négociations, comme l’a fait savoir SM le Roi dans la lettre qu’Il a adressée, le 26 novembre, au Président du Comité des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien. Le Maroc demeure droit dans ses bottes et refuse d’adhérer à tout processus qui ne mène pas vers une solution à deux Etats. “Le Maroc a prouvé son poids lorsqu’il a réussi à faire entrer de l’aide humanitaire par voie terrestre à Gaza”, rappelle Yasmina Asrarguis, qui estime que le Royaume a un rôle à jouer. Les pays arabes demeurent, eux aussi, unanimement favorables à une solution à deux Etats, qui fait l'objet d’un consensus international. “On compte sur les pays arabes, surtout les monarchies du Golfe, pour financer la reconstruction et soutenir l’économie palestinienne”, explique, de son côté, Fabrice Balanche, spécialiste du Proche-Orient. L’ultime obstacle ! Aveuglés par leur convictions bibliques, Benjamin Netanyahu et ses alliés fanatiques au gouvernement demeurent une épine sur le chemin de la paix, vu qu’ils refusent l’idée d’un Etat palestinien et veulent une administration militaire à Gaza après la guerre. Des faucons, comme Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich, appellent à annexer Gaza et à chasser la moitié de sa population. Ces appels extravagants décrédibilisent le gouvernement actuel, qui poursuit en même temps la colonisation de la Cisjordanie. Selon M. El Yattioui, les chances qu’un plan de paix réussisse dépendent de la capacité de l’opposition à revenir au pouvoir avec une majorité solide. “Les juifs orthodoxes pèsent politiquement et électoralement en Israël, vu leur poids démographique”, rappelle Fabrice Balanche, soulignant que le Likoud a toujours besoin des partis religieux pour gouverner. Donald Trump pèse dans la balance Maintenant, tout dépend de la future Administration américaine. L’arrivée de Donald Trump, l’artisan des accords d’Abraham, peut changer beaucoup de choses. Soutien inconditionnel d’Israël, le nouveau président élu a promis de mettre un terme à la guerre et aurait même demandé à Netanyahu d’achever les hostilités avant son investiture. Les chances d’une paix n’en restent pas moins tributaires de la capacité du nouveau président à faire pression sur son allié pour que les pays arabes reprennent confiance dans l’Etat hébreu.
Trois questions à Mohammed Badine El Yattioui : “Les chances d’une véritable paix dépendent de la future configuration politique en Israël”
Pourquoi, à votre avis, le gouvernement israélien si belliqueux a finalement mis un terme à son offensive contre le Hezbollah ? Le gouvernement israélien s’est rendu compte qu’il est difficile de faire la guerre sur deux fronts simultanément. En termes d’armement, d’hommes et de logistique, c’est difficile d’endurer un tel effort à long terme. L’accord de trêve, chapeauté par les Américains et les Français, permet de garantir les frontières israéliennes, ce qui est très important pour Israël, qui cherche dès le début à sécuriser ses frontières Nord, à détruire les capacités du Hezbollah et à anéantir son leadership et son haut commandement. La priorité majeure pour les Israéliens est de pousser les combattants du Hezbollah hors de la zone entre la ligne bleue et le fleuve Litani pour les remplacer par l’Armée libanaise soutenue par une force internationale. Israël a obtenu ainsi ce qu’il voulait, c'est ce qui explique son acceptation. L'opposition en Israël a proposé un plan de paix avec la participation des pays arabes, y compris le Maroc. Quel rôle peut jouer le Royaume dans le processus de paix ? L’opposition a effectivement proposé un plan de paix très détaillé avec la participation des pays arabes. Le Royaume est en capacité de jouer un rôle déterminant, comme l’Egypte et les Emirats arabes unis. Maintenant, l’opposition israélienne attend le sort du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui risque de quitter le pouvoir s’il est désigné responsable de manquement dans l’attaque du 7 octobre. N’oublions pas ses déboires judiciaires. L'opposition cherche une nouvelle vision alternative crédible pour parvenir à une paix durable en associant les pays arabes. Le Maroc fait figure d’acteur crédible pour contribuer à enclencher un nouveau processus de paix. Mais cela n’est pas acquis tant que la coalition très extrémiste en Israël est au pouvoir. En cas de retour de l’opposition, tout dépendra de la configuration politique parce que le jeu politique israélien est tel qu’il est difficile de contrôler totalement la Knesset, qui se donne parfois des alliances contre-nature. A mon avis, les chances qu’un plan de paix réussisse dépendent de la capacité de Yair Lapid à remporter une majorité solide. Faut-il exiger le départ des extrémistes du gouvernement Netanyahu comme condition de rétablir le dialogue ? Il faut évidemment être ferme là-dessus. Encore faut-il que les Israéliens soient convaincus de la nécessité de se débarrasser des extrémistes, parce que, finalement, ce sont eux qui élisent leur gouvernement. Il est embarrassant pour les Israéliens d’avoir un Premier ministre et un ancien ministre de la Défense poursuivis par la Cour pénale internationale. Ce qui compromet l’image de leur pays. Comme il y a un grand risque qu’Israël se transforme en Etat paria, il y aura forcément une forte pression de la part de la société civile et des partis de l’opposition pour faire tomber le gouvernement actuel afin de permettre à Israël de rebondir politiquement. Recueillis par Anass MACHLOUKH
Forum Néguev : Vers la renaissance d’un format oublié ?
Mis en place pour assurer la coordination entre Israël et les pays arabes après les accords d’Abraham, le forum Néguev est toujours suspendu depuis que le Maroc l’a ajourné en 2023, avant même l’éclatement de la guerre à Gaza, à cause des provocations incessantes du gouvernement israélien à Al-Qods. Bien qu’embryonnaire, ce mécanisme demeure encore important aux yeux des Israéliens. Le leader de l’opposition Yair Lapid veut s’appuyer sur ce forum comme base de renforcement du dialogue et de la coopération avec les Etats arabes, dont l’Arabie Saoudite, dans le cadre de son plan de paix. Rappelons qu’Israël voulait faire de ce forum un événement annuel. La guerre à Gaza et toutes ses horreurs l’ont condamné à une suspension jusqu’à nouvel ordre.
Paix : La feuille de route Royale
À l’occasion de la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, SM le Roi Mohammed VI a adressé un message au Président du Comité des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, Cheikh Niang. Le Souverain y a exposé une feuille de route claire pour parvenir à la paix avec des conditions indispensables. SM le Roi a indiqué la nécessité de parvenir à un cessez-le-feu immédiat et durable dans la bande de Gaza et la cessation des agressions répétées visant les paisibles populations en Cisjordanie et à Al-Qods. Le Souverain a appelé à assurer la protection des civils sur l’ensemble des territoires palestiniens et empêcher de les prendre pour cible et de les mettre en danger de mort. Au moment où la situation humanitaire reste alarmante à Gaza, où le risque de malnutrition est si grand et les hôpitaux menacés de pénurie, l’acheminement de l’aide alimentaire et médicale n’a jamais été aussi urgent. SM le Roi a souligné la nécessité de procéder sans condition ni réserve à une ouverture immédiate et permanente de tous les points de passage. Le but est d’assurer avec la fluidité requise l’arrivée en quantités suffisantes des aides humanitaires, des secours, des différentes fournitures médicales et des produits de première nécessité aux habitants de la bande de Gaza et du reste des territoires palestiniens. Le plan Royal plaide pour préserver, renforcer et soutenir la mission de l'UNRWA et s’appose à tout déplacement des Palestiniens. Pour ce qui est de la paix, le Maroc est favorable à des négociations sur la base des Résolutions des Nations Unies et de la légalité internationale.