Gestion des déchets : Le grand virage vers l’économie circulaire [INTÉGRAL]

Résolue à convertir les défis environnementaux en leviers économiques, la Coalition pour la Valorisation des Déchets (COVAD) a réuni les acteurs institutionnels lors d’une conférence pour aligner leurs efforts vers une économie circulaire et bas carbone. Les contours de la gestion et de la valorisation des déchets se précisent au Maroc, dans un contexte où le Royaume s’engage profondément dans l’économie circulaire et bas carbone. A l’heure où les déchets deviennent des ressources énergiques d’envergure, plusieurs initiatives prennent forme, accélérant une transition qui va bien au-delà des enjeux environnementaux pour toucher également l’économie et le social.  La Coupe du Monde 2030, qui se tiendra au Maroc conjointement avec le Portugal et l’Espagne, représente, d’ailleurs, une opportunité unique de promouvoir les bonnes pratiques en matière de gestion des déchets. Le dossier de candidature prévoit, dans ce sillage, des plans d’atténuation qui comp

Gestion des déchets : Le grand virage vers l’économie circulaire [INTÉGRAL]
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Résolue à convertir les défis environnementaux en leviers économiques, la Coalition pour la Valorisation des Déchets (COVAD) a réuni les acteurs institutionnels lors d’une conférence pour aligner leurs efforts vers une économie circulaire et bas carbone. Les contours de la gestion et de la valorisation des déchets se précisent au Maroc, dans un contexte où le Royaume s’engage profondément dans l’économie circulaire et bas carbone. A l’heure où les déchets deviennent des ressources énergiques d’envergure, plusieurs initiatives prennent forme, accélérant une transition qui va bien au-delà des enjeux environnementaux pour toucher également l’économie et le social.  La Coupe du Monde 2030, qui se tiendra au Maroc conjointement avec le Portugal et l’Espagne, représente, d’ailleurs, une opportunité unique de promouvoir les bonnes pratiques en matière de gestion des déchets. Le dossier de candidature prévoit, dans ce sillage, des plans d’atténuation qui comprennent la mise en place d’une stratégie circulaire fondée sur les normes internationales. Celle-ci prévoit notamment l’établissement de plans de gestion des déchets en collaboration avec les villes hôtes, le respect des pratiques d’approvisionnement durables, ou encore la contribution au changement des mentalités en donnant l’exemple par l’adoption des meilleures pratiques, notamment l’interdiction des plastiques à usage unique. Dans cette optique de transformation, la Coalition pour la Valorisation des Déchets (COVAD) a organisé, le 10 novembre dernier, une conférence plénière intitulée «Transition vers une Économie Circulaire et Bas Carbone». Plus de 100 participants issus des secteurs public et privé, des ONG et des organismes internationaux se sont réunis autour d’une même volonté : partager leurs expériences et co-construire les solutions de demain. L’agenda de la conférence a été marqué par des interventions de haut niveau, des panels enrichissants avec des idées concrètes et des opportunités d’action. Plusieurs recommandations clés ont émergé, appelant à un engagement collectif pour une transition indispensable vers un avenir plus durable.   Réinventer la souveraineté industrielle ! Sous cette impulsion, Mounir El Bari, président de la COVAD, a affirmé la prise de conscience accrue du Maroc quant à l’importance de renforcer sa souveraineté industrielle, un processus accéléré par la crise du Covid-19. Il a ainsi fait ressortir que  « depuis la pandémie du Covid, le Maroc a pris conscience de l’importance de la souveraineté industrielle. La crise a révélé les pénuries de matières premières dues aux confinements et à la fermeture des frontières, notamment en Chine. Cela souligne la nécessité de développer la production locale en valorisant les déchets pour remplacer certaines importations». «Aujourd’hui, une grande partie des déchets est incinérée sans valorisation. C’est dans ce contexte que COVAD intervient. Le Maroc génère près de 26 millions de tonnes de déchets, dont 7 à 8 millions de tonnes industriels peuvent être traités en BtoB. Ces déchets, tels que le plastique, le carton, le verre, le caoutchouc et la ferraille, peuvent être réutilisés, réduisant ainsi la dépendance aux importations», a-t-il ajouté. «Certaines industries, comme celle du caoutchouc, importent près de 300.000 tonnes par an depuis l’UE, malgré l’existence de ressources locales, notamment à travers le recyclage du caoutchouc usagé. Ce processus, qui s’inscrit pleinement dans la politique bas carbone du pays, présente des avantages écologiques et économiques : il consomme moins d’énergie et réduit les coûts». «En développant une véritable industrie de recyclage, le pays favorise l’économie circulaire tout en avançant vers ses objectifs de décarbonation. Par conséquent, il s’engage également à atteindre ses objectifs en matière d’énergies renouvelables d’ici 2030, soutenu par des mesures juridiques récentes». «L’intégration des énergies renouvelables et la réutilisation des ressources sont des leviers clés pour l’avenir. Ainsi, le pays ambitionne que 50% de son mix énergétique provienne des énergies renouvelables d’ici 2030». Il souligne dans le même sillage que : «Plusieurs projets en énergies renouvelables sont déjà en cours. De plus, une législation renforcée est en préparation pour accélérer cette transition». Objectifs 2030 : Réduire et valoriser En ligne avec cet engagement de transformation environnementale, les propos du ministre de l'Intérieur, Abdelouafi Laftit, prononcés en novembre dernier, prennent une importance capitale. Il a souligné l'engagement du Maroc à réduire de 45% les déchets enfouis et à atteindre 25% de valorisation d'ici 2030. En parallèle, le taux de collecte des déchets a progressé, atteignant 96% contre 44% en 2008, grâce à 122 contrats de gestion déléguée. Le taux de mise en décharge a également atteint 63%, contre 11% auparavant, avec la création de 23 décharges contrôlées. Toutefois, le recyclage des déchets ménagers reste limité à 8%, en raison de contraintes foncières et de la résistance des populations locales. Compte tenu de ces enjeux environnementaux de plus en plus pressants, la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leila Benali, a révélé sous un angle nouveau l'urgence de cette transformation. Elle a promptement tiré la sonnette d'alarme en affirmant «la déforestation massive, qui entraîne la disparition de 10 millions d'hectares de forêts chaque année, ainsi que l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre, menacent notre biodiversité et notre climat, la pollution et le changement climatique pèsent ainsi lourdement sur l’économie nationale». «Le modèle économique linéaire actuel, basé sur une consommation excessive et une production de déchets, n'est plus tenable», rappelle fermement le ministre.   Un cadre législatif renforcé Conscient de ces enjeux, le Royaume souhaite désormais concilier croissance économique et préservation de l'environnement. L'objectif est de passer d'un taux de croissance de 3% à 6% du PIB, tout en réduisant l'empreinte écologique du pays. Afin de soutenir cette transition, le gouvernement marocain a mis en place un cadre législatif ambitieux. De nouvelles lois et stratégies ont été adoptées pour encourager le développement des énergies renouvelables, la valorisation des ressources naturelles et la lutte contre la pollution. Cependant, la réussite de cette transition repose également sur l'engagement de chaque citoyen. La ministre a appelé à un changement de comportement, en insistant sur l'importance du tri des déchets et de la réduction de notre consommation. De surcroît, la ministre fait part de l'importance de renforcer le cadre législatif et réglementaire pour mieux lutter contre la pollution plastique. La création d'instruments d'incitation, tels que des pénalités financières, pourrait favoriser un changement de comportement et accélérer la transition vers une économie circulaire.   Adapter l'économie circulaire aux réalités locales Le Maroc est un pays diversifié, avec des régions aux spécificités propres. Il est donc essentiel d'adapter les stratégies de gestion des déchets à chaque contexte, selon la ministre. Le gouvernement travaille actuellement à mettre en place des solutions adaptées aux petites communes, qui produisent moins de 50.000 tonnes de déchets par an, tout en impliquant le secteur informel dans la valorisation des déchets.   Mariem LEMRAJNI 3 questions à Mounir El Bari : «Augmenter le taux de collecte de 9 à %20 pour générer jusqu‘à 60.000 emplois» Comment le pays prévoit-il de concilier croissance économique et transition vers une économie circulaire ? La COVAD collabore avec le ministère de la Transition énergétique sur plusieurs projets, dont une étude avec l’ONUDI sur l’économie circulaire. Elle participe également à la rédaction des bases légales pour une future loi. Le Maroc génère 26 millions de tonnes de déchets par an, dont 25% industriels. Passer d’un taux de collecte des déchets de 9 à 20% pourrait réduire la pollution tout en créant entre 50.000 et 60.000 emplois, principalement destinés aux personnes peu qualifiées, offrant ainsi des opportunités d’insertion professionnelle.   Comment le pays prévoit-il de lutter contre l’expansion des décharges sauvages ? Depuis notre création en 2015, nous collaborons avec le ministère de l’Intérieur sur plusieurs dossiers. Une convention a été signée entre le ministère, l’APC et les cimentiers pour valoriser énergétiquement les déchets des décharges publiques, utilisés par les cimentiers pour remplacer les fossiles.   Comment le Maroc envisage-t-il la formalisation du métier de chiffonnier pour garantir une meilleure gestion des déchets ? Pour les chiffonniers, il est nécessaire de passer de l’informel au formel. C’est un défi majeur sur lequel nous travaillons activement pour trouver des solutions. Nous envisageons la création de coopératives et de petites entreprises, mais la culture actuelle de ces chiffonniers rend cette transition difficile. Il existe une certaine résistance à cette organisation. Dans son étude, la COVAD a proposé des solutions pour structurer l’écosystème vert, mais l’intervention du ministère compétent est essentielle pour que ce projet aboutisse. «Zéro Mica» : L’inévitable réforme Lors de la conférence organisée par la COVAD, la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leila Benali, a pris la parole pour aborder la Loi n°77-15 de 2015, mieux connue sous le nom de «Zéro Mika». Cette loi, qui interdit la fabrication, l’importation, l’exportation, la commercialisation et l’utilisation des sacs en plastique, a été au cœur de ses préoccupations. «Il faut reconnaître que ce programme n’a pas atteint ses objectifs. Sa mise en œuvre reste insuffisante, faute de leviers coercitifs et incitatifs efficaces. Il devient donc impératif de renforcer le cadre législatif, réglementaire et institutionnel», a-t-elle affirmé. Malgré des années de sensibilisation et d’encadrement juridique, la proportion de déchets plastiques dans les ordures ménagères stagne encore à 12%, un constat qui témoigne de la persistance du problème. Et comme si cela ne suffisait pas, la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 a exacerbé cette dépendance au plastique, avec une augmentation significative de l’utilisation de produits à usage unique. Face à ces défis, la ministre a souligné la nécessité urgente d’adapter et de durcir les stratégies pour enfin réduire l’omniprésence du plastique et réussir la transition vers une économie plus circulaire et durable. Economie circulaire : 250 millions de dollars de la Banque Mondiale pour la gestion des déchets au Maroc La Banque Mondiale a récemment renforcé son partenariat avec le Maroc en approuvant une aide de 250 millions de dollars pour améliorer la gestion des déchets ménagers et assimilés. Ce programme s’inscrit dans le cadre du Programme national de valorisation des déchets ménagers (PNVDM) et vise à répondre à des défis environnementaux et financiers persistants. Moustapha Ndiaye, directeur de la Banque Mondiale pour le Maghreb, a salué cette initiative, soulignant l’importance de rendre les villes marocaines plus agréables à vivre, tout en améliorant les infrastructures clés dans les zones urbaines. Cette aide permettra notamment de renforcer la gestion des décharges contrôlées, de fermer les sites non conformes et de promouvoir des modèles de valorisation financièrement viables. Le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) a souligné à cette occasion l’importance de définir des objectifs quantitatifs spécifiques à chaque territoire pour réduire les déchets envoyés en décharge et favoriser l’émergence de territoires «zéro déchet». Il recommande aussi de revoir les contrats entre les collectivités et les opérateurs privés afin d’intégrer des engagements ambitieux concernant la valorisation des déchets. Au-delà des infrastructures, le Conseil insiste sur l’importance des comportements et des mentalités. En l’absence de tri à la source, la valorisation des déchets demeure coûteuse et inefficace.