L’Institut royal des études stratégiques (IRES) vient de publier un rapport sur l’avenir des écosystèmes forestiers face au changement climatique. Cette publication dresse un état des lieux des forêts marocaines ainsi que les défis auxquels elles sont confrontées. Elle formule également des recommandations.
L’Institut royal des études stratégiques (IRES) a publié un rapport sur l’avenir des écosystèmes forestiers marocains dans un contexte d’accélération du changement climatique. Il ressort de ce rapport que le changement climatique au Maroc a des effets dévastateurs sur les écosystèmes forestiers. En effet, les sécheresses récurrentes et la réduction des précipitations ont gravement perturbé le cycle hydrologique des écosystèmes forestiers, compromettant leur pérennité. Selon le rapport, les forêts marocaines, déjà fragilisées, peinent à se régénérer naturellement, une difficulté exacerbée par la fréquence des sécheresses et le manque d’eau. Le document souligne que les altérations du régime de précipitations et les températures élevées, provoquées par le réchauffement climatique, influencent non seulement la productivité, mais aussi l’étendue des forêts. Ce phénomène fragilise la santé des forêts dans de nombreuses régions du Maroc, entraînant des conséquences graves comme les incendies de forêt, les infestations d’insectes ravageurs et la perte de biodiversité. La modification des régimes de précipitations et l’intensification des périodes sèches augmentent également le stress hydrique des forêts, menaçant directement la survie des arbres dans un contexte où une grande partie du territoire marocain est marquée par l’aridité. Ainsi, le changement climatique progresse plus rapidement que la capacité d’adaptation des forêts. Pour s’adapter, ces écosystèmes doivent renforcer leur résilience. Pour faire face au changement climatique, le Maroc a déjà pris plusieurs mesures, notamment en actualisant en 2021 sa contribution déterminée au niveau national (CDN) dans le cadre de l’Accord de Paris. Cette stratégie prévoit des projets d’atténuation touchant sept secteurs, dont la foresterie, pour renforcer la résilience climatique du pays d’ici 2050. Toutefois, les impacts du changement climatique sur les forêts entraînent des répercussions socio-économiques importantes, compromettant les moyens de subsistance des populations qui dépendent des services écosystémiques fournis par les forêts. Cela a aussi des conséquences économiques directes sur des secteurs clés comme l’agriculture, le tourisme et l’industrie du bois.
47% des Marocains jugent que les foêts sont dans un état mauvais
Une enquête a été effectuée en ligne durant la période du 15 au 31 août 2024, ayant ciblé des experts, des professeurs universitaires ainsi que des acteurs de terrain ayant une bonne maîtrise de cette thématique. Les résultats de l’enquête avaient révélé que 47% des répondants ont jugé que les forêts sont dans un état mauvais ou très mauvais, tandis qu’environ 50% ont jugé que les forêts sont dans un état moyen. Parmi les impacts induits par la déforestation et la dégradation des forêts sur l’économie marocaine, les personnes enquêtées ont placé l’augmentation du coût de restauration des forêts en première position (86% des répondants). La réduction de l’offre des produits forestiers ligneux et non ligneux occupe la seconde position (83%) et la perte d’emploi dans le secteur de l’exploitation forestière occupe la troisième place (68%). La perte d’emploi dans l’industrie forestière vient en quatrième position (47%) et la perte de revenus dans le tourisme de nature occupe la cinquième positon (34%).
Des propositions stratégiques
Les experts ayant pris part à la journée d’étude et de réflexion organisée le 12 septembre par l’IRES sur les écosystèmes forestiers ont formulé plusieurs propositions stratégiques. Concernant l’optimisation de la gouvernance, il est question de renforcer l’application des lois et des décrets relatifs au secteur forestier. Dans ce cadre, les experts ont recommandé de mettre à jour la législation et veiller à l’opérationnalisation et l’application effective des lois pour tenir compte des évolutions socio-économiques et environnementales. Les experts ont aussi proposé d’établir une évaluation rigoureuse de la stratégie forestière actuelle (2020-2030), afin d’identifier ses forces et ses faiblesses et d’ajuster les orientations si nécessaire. Il s’agit aussi de revoir la temporalité de la stratégie forestière, actuellement prévue sur un horizon de dix ans, jugé trop court. Les experts ont jugé nécessaire d’intégrer une planification sur une durée plus longue, de l’ordre de 25 à 30 ans, ce qui permettra de garantir la durabilité des forêts et tenir compte des effets à long terme des décisions prises. S’agissant du renforcement de la résilience et l’adaptation au changement climatique, les experts recommandent d’élaborer un plan d’adaptation au changement climatique à l’échelle nationale et de revoir ou réadapter les plans d’aménagement des forêts en prenant en compte les impacts du changement climatique, pour assurer leur durabilité et leur capacité à fournir des services écosystémiques essentiels face aux futurs défis du changement climatique. Parmi les autres recommandations importantes figurent l’augmentation des ressources financières consacrées au secteur forestier, la mise en place d’un système de paiement pour les services écosystémiques et la mise en place des conditions nécessaires pour attirer les investissements privés dans le secteur de la foresterie durable. Par ailleurs, les experts recommandent de renforcer l’éducation, la sensibilisation et la formation afin d’accroître les capacités des forestiers face aux défis posés par le changement climatique. Dans ce cadre, il s’agit de renforcer la formation des ressources humaines ; mettre en place des programmes de formation continue sur les divers aspects de la gestion intégrée des forêts ; promouvoir des programmes d’éducation à l’environnement. Les experts suggèrent d’encourager la recherche scientifique et l’innovation technologique dans les domaines de la vulnérabilité, de la résilience et de la durabilité des écosystèmes forestiers, tout en garantissant la disponibilité d’informations fiables sur ce secteur. Il est aussi primordial d’actualiser les données afin de disposer d’informations récentes pour mieux comprendre les écosystèmes forestiers et suivre les dynamiques de peuplement.
C’est le titre de la boiteDomaine foncier forestier : 9 millions d’hectares
Statistiques : Selon les statistiques de l’Agence nationale des eaux et forêts (ANEF), le domaine foncier forestier marocain couvre 9 millions d’hectares, dont 5,8 millions d’hectares de formations forestières et 3,2 millions d’hectares de nappes alfatières. Ces forêts qui sont majoritairement domaniales renferment environ une quarantaine d’écosystèmes terrestres. Outre les forêts relevant du domaine forestier de l’État, il existe des forêts ayant d’autres statuts fonciers, principalement celles des collectivités ethniques, placées sous la tutelle du ministère de l’intérieur ainsi que des forêts privées. Le taux de boisement moyen est d’environ 8%, avec des disparités notables selon les régions forestières et les contextes bioécologiques, allant de 40% dans le Rif à seulement 4% dans les provinces du Sud et environ 30% dans la région du Moyen Atlas.