La gestion des acariens en culture de tomate sous serre représente un défi majeur pour les producteurs, notamment au Maroc où les conditions climatiques favorisent leur prolifération. L’acarien tétranyque à deux points (Tetranychus urticae) est l’une des principales espèces à surveiller. Elle se développe particulièrement bien dans les climats chauds et secs, comme ceux des régions majeures de production de tomates, telles que le Souss-Massa.
Identification et surveillance
Une bonne surveillance peut améliorer la détection précoce et limiter l’impact des infestations. Le principal symptôme, observé à l’œil nu, est le jaunissement des feuilles. Les premiers points de piqûre de nutrition de ces tétranyques, de couleur jaune pâle, peuvent évoluer en un jaunissement généralisé entraînant un retard de croissance, voire une défoliation. Ce qui peut entraîner une diminution de la production de fruits et par conséquent du rendement. De telles tâches sont aussi visibles sur la tige et les pétioles, mais aussi sur certains fruits.
Comme les symptômes foliaires sont souvent facilement visibles, les foyers peuvent être confirmés simplement en retournant la feuille afin de vérifier la présence d’acariens. C’est en effet là qu’ils se trouvent généralement. Cependant, il est recommandé de surveiller régulièrement la face inférieure des feuilles afin de repérer le ravageur avant même qu’il ne produise des dégâts visibles .
L’acarien tisserand apparaît souvent sur les feuilles plus anciennes, avant de migrer vers le haut, en colonisant au fur et à mesure les feuilles les plus jeunes vers le sommet de la plante. Une fois regroupés en grand nombre, les acariens créent souvent des toiles, qui leur confèrent une certaine protection contre les pesticides et certains ennemis naturels.
A noter que les plantes taillées, et donc plus ‘’poussantes’’, sont plus favorables au développement des acariens. De même, les périodes chaudes et sèches leur sont propices. En fait, tous les facteurs défavorisant les auxiliaires (températures trop basses, applications d’insecticides) contribuent à l’extension de T. urticae.
Dispersion dans la culture
Les individus qui ont atteint la cime de la plante peuvent facilement être transportés par le vent (ou autre moyen mécanique) vers d’autres plantes hôtes. Les acariens peuvent aussi tomber sur le sol et gagner d’autres plantes ou le faire par l’intermédiaire des fils de culture. Ils sont également transportés par les ouvriers, le matériel et les outils, ou encore disséminés par les plants.
Stratégies de lutte intégrée
Les hausses de température, particulièrement ressenties au Maroc ces dernières années, accentuent les infestations d’acariens. Le changement climatique allonge les saisons favorables aux ravageurs, nécessitant une gestion plus rigoureuse tout au long de l’année.
Les producteurs doivent s’adapter à ces changements en diversifiant leurs approches de lutte, en raisonnant les interventions chimiques, en intégrant davantage la lutte biologique et en suivant de près l’évolution des populations d’acariens à travers les techniques de surveillance avancée. Les producteurs qui ont suivi ces approches commencent ont vu les bénéfices, notamment en termes de réduction des coûts et d’amélioration des rendements.
La première ligne de défense
La lutte prophylactique implique la prévention de l’installation des acariens par la mise en place de mesures précises. Certaines actions permettent de limiter les foyers d’infestation et d’assurer une meilleure protection des cultures dès le départ. Par exemple, éviter la plantation de cultures attractives pour les acariens à proximité des serres de tomate, comme les framboisiers, les cucurbitacées ou les haricots, qui peuvent servir de réservoirs à acariens. Une attention particulière doit être portée à l’absence de plantes hôtes potentielles autour et à l’intérieur des serres grâce au désherbage. De même, il faut contrôler la qualité sanitaire des plants à la réception et désinfecter le matériel utilisé dans les serres.
De plus, la désinfection régulière du matériel utilisé dans les serres (systèmes de goutte-à-goutte, caisses, etc.) est primordiale, car les tétranyques peuvent se loger dans des zones comme les tiges creuses, les raccords de tuyauterie, les fissures ou les crevasses.
En cours de culture, il est essentiel d’éviter l’excès de fertilisation azotée qui favorise une croissance excessive du feuillage, attirant ainsi les acariens.
En fin de culture, si des populations importantes de ravageurs sont constatées, un traitement acaricide des plantes avant l’arrachage est nécessaire pour éviter que la culture suivante ne soit infestée dès le début. Les parois des abris, les poteaux et les allées doivent également être traités avec un insecticide ou un acaricide de contact afin de maximiser la protection.
Des producteurs ont constaté que la pulvérisation d’eau en brouillard sur les plants et l’élévation des niveaux d’humidité contribuent à éradiquer les populations de tétranyques. Ainsi, à 20 °C et à 36 % d’humidité relative, les femelles pondent environ 7 œufs/ jour, alors qu’à 95% d’humidité relative, elles pondent environ 30 % d’œufs en moins.
La lutte biologique
C’est un autre pilier important. L’introduction d’ennemis naturels comme des acariens prédateurs, a prouvé son efficacité. Ces prédateurs se nourrissent des acariens nuisibles, réduisant ainsi leur population de manière naturelle. La clé du succès est d’intervenir rapidement sur les foyers naissants.
Les solutions biologiques telles que les huiles horticoles, les savons insecticides et les acides gras peuvent être utilisées pour réduire les populations d’acariens tétranyques. Ces produits agissent en perturbant les membranes cellulaires des acariens, les privant ainsi de leur protection et les éliminant.
Certains producteurs estiment que leur efficacité est partielle et ne suffit pas pour lutter efficacement contre le tétranyque tisserand. Elles ont cependant les avantages d’être compatibles avec la présence d’auxiliaires prédateurs (acariens ou insectes) et de ne pas avoir de limitation concernant le nombre d’applications au cours de la saison.
La lutte chimique
Compte tenu de la difficulté de la maitrise de l’ensemble des paramètres dans une culture, il arrive que les ravageurs dépassent le seuil de tolérance avant qu’ils ne soient maitrisés par les moyens de lutte précités. Dans ces situations, le recours à un traitement chimique s’impose. L’intervention à l’aide de produits acaricides a pour but de maintenir les acariens à un niveau économiquement tolérable.
Le choix du produit et du moment d’application, et la dose doivent être raisonnés selon la situation de la culture (stades de développement des acariens, niveau d’installation des auxiliaires, climat, niveau des autres ravageurs) et selon la liste des pesticides autorisés qui visent les formes mobiles ou les œufs.
Selon l’index phytosanitaire, 35 produits sont homologués contre les acariens de la tomate au Maroc, dont certains sont purement acaricides et d’autres à effet combiné acaricides-insecticides. Mais quand on examine de plus près la liste, on constate qu’il y a très peu de molécules actives et que 10 produits sont à base d’abamectine et 9 base de Bifenazate, ce qui augmente le risque de développement de résistances. L’alternance de produits ayant des modes d’action différents est recommandée afin de limiter ce risque.
Il est important de suivre strictement les recommandations concernant les doses et les fréquences d’application, non seulement pour garantir l’efficacité du traitement, mais aussi pour minimiser les effets secondaires sur l’environnement et la santé humaine. En outre, l’application de ces produits doit être précise et ciblée, notamment sur la face inférieure des feuilles, où les acariens se regroupent souvent. Les fortes pressions de jet doivent être dirigées vers les zones denses pour atteindre les acariens et les œufs sous la toile.
On remarque aussi la disponibilité de nouvelles solutions biologiques telles que : Beauveria bassiana, extraits de Capsicum oleorésine, d’Ail, Huile de soja, l’essence de Girofle et l’huile de graine de coton.
Les nouvelles technologies
La surveillance des cultures par des capteurs connectés est en pleine expansion dans certains pays. Ces technologies permettent de détecter les infestations d’acariens à un stade précoce, ce qui offre aux producteurs la possibilité d’intervenir rapidement et de manière ciblée. Par exemple, l’utilisation de capteurs pour mesurer les variations de l’humidité et de la température permet de prédire les conditions favorables au développement des acariens (ou autres ennemi de culture).
Réglementation et résidus de pesticides
Avec l’intensification des échanges commerciaux, des normes internationales strictes sont imposées sur les résidus de pesticides. En Europe, les exigences en matière de limites maximales de résidus (LMR) sont rigoureuses, et les producteurs de pays comme le Maroc doivent respecter ces normes pour continuer à exporter. Les conséquences d’un non-respect de ces règles peuvent avoir de lourdes conséquences.
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