Le secteur des semi-conserves joue un rôle central dans l’économie bleue marocaine. Ahmed Amjoud, président de l’Association Marocaine de la Semi-Conserve, nous dresse l’état des lieux d’un pilier du commerce maritime national.
Quelle est la place des semi-conserves dans l’économie bleue marocaine et sur les marchés internationaux ? Avec un chiffre d’affaires à l’export de 1,537 milliard de dirhams en 2022, le secteur des semi-conserves représente une source précieuse de devises et une vitrine du savoir-faire marocain à l’international. Nos produits, principalement les anchois et les sardines, se distinguent par leur qualité, issue de notre accès à des ressources halieutiques de premier choix comme l’Anchoi Engraulis Encrasicolus, très prisée sur les marchés européens et nord-américains. Le Maroc est le deuxième exportateur mondial d’anchois marinés, ce qui reflète la reconnaissance de nos produits sur le marché international. Nos exportations, totalisant 19 369 tonnes en 2022, sont en majorité orientées vers l’Europe du Sud et les États-Unis. Sur le plan social, ce secteur contribue directement à l’emploi de 8000 personnes, soutenant ainsi les économies locales des zones côtières. Quels sont les principaux défis confrontés par le secteur ? Le secteur des semi-conserves doit relever plusieurs défis majeurs, dont l’irrégularité de l’approvisionnement. La dépendance à l’anchois frais, combinée aux aléas environnementaux et aux variations des stocks, fragilise notre chaîne de production. De plus, le coût élevé de la matière première locale par rapport aux importations impacte notre compétitivité. Nous citons également les contraintes réglementaires. Le cadre juridique national limite l’utilisation d’une même ligne de production pour plusieurs types de matières premières, ce qui freine la diversification de l’offre. Par ailleurs, sur les marchés internationaux, nos concurrents historiques comme l’Espagne et l’Italie continuent de dominer grâce à une forte valorisation de leurs produits, soutenue par une identité de marque solide. Il y a aussi le problème de la règle d’origine demeure un défi de taille pour les exportateurs. Cette règle impose que pour bénéficier d’accords commerciaux préférentiels, une proportion significative des matières premières utilisées doit provenir du pays exportateur. Dans le cas du Maroc, cette contrainte est particulièrement problématique, car une partie des matières premières, notamment le poisson, doit être importée pour répondre à la demande des usines locales. Cette situation limite l’accès des produits marocains aux marchés internationaux à des conditions compétitives, malgré la haute qualité et le savoir-faire reconnu de l’industrie nationale. Quelles sont les initiatives prises et à prendre pour surmonter ces défis ? Il faut tout d’abord commencer par la diversification des produits. Nous avons élargi notre portefeuille en introduisant de nouveaux types de semi-conserves, comme les produits hybrides combinant marinade et salaison. Les unités industrielles marocaines adoptent, en outre, des technologies avancées pour améliorer la qualité des produits et réduire leur empreinte écologique. Nous devons par ailleurs bâtir une identité forte pour les semi-conserves marocaines afin de rivaliser avec les marques européennes, notamment à travers des campagnes de communication ciblées sur nos marchés clés. Il s’agit également de revoir les barrières réglementaires pour permettre à l’industrie de la semi-conserve de se développer pleinement. L’AMASCOP s’engage à poursuivre les discussions avec les autorités compétentes et les partenaires commerciaux pour assouplir la règle d’origine, tout en travaillant à renforcer l’intégration locale des chaînes de valeur. Comment le secteur intègre-t-il les impératifs écologiques tout en répondant aux exigences du marché ? La durabilité est un enjeu central pour le secteur. Nous avons adopté plusieurs mesures pour minimiser notre impact environnemental. Il y a tout d’abord la gestion responsable des ressources. En collaboration avec l’INRH et d’autres partenaires, nous veillons à respecter les quotas de capture et à privilégier des pratiques de pêche durables. De plus, les entreprises investissent dans des technologies visant à réduire la consommation d’eau et à limiter les déchets générés lors de la production. Nous travaillons aussi sur l’économie circulaire. Nous explorons des solutions pour valoriser les sous-produits, comme les arêtes ou les restes de poissons, dans d’autres industries, notamment l’alimentation animale ou les biotechnologies. Ces efforts reflètent notre engagement à aligner notre croissance économique sur les objectifs de développement durable. Quelles sont les ambitions à long terme du secteur, et comment envisagez-vous son avenir ? Nous avons une vision claire pour le futur du secteur : consolider la position du Maroc comme leader mondial des semi-conserves de poisson. Pour y parvenir, nos ambitions s’articulent autour de quatre axes à savoir Accroître la valeur ajoutée, renforcer la compétitivité internationale, diversifier les marchés et soutenir l’innovation. Contrairement, nous devons développer des produits premium, prêts à consommer, et mieux adaptés aux goûts des consommateurs des marchés cibles. Le deuxième axe passe par une réduction des coûts de production et une amélioration des délais de livraison, notamment en modernisant nos infrastructures logistiques. Côté marchés, nous devons explorer de nouveaux débouchés en Asie et en Amérique latine, tout en consolidant nos positions traditionnelles en Europe et aux États-Unis. Et finalement, la recherche et le développement joueront un rôle crucial pour différencier nos produits et répondre aux attentes des consommateurs, qu’il s’agisse de qualité, de durabilité ou de traçabilité. Ceci dit, le secteur de la semi-conserve est un joyau de l’économie bleue marocaine, combinant tradition artisanale et innovation. Nous avons tous les atouts pour relever les défis qui se présentent, grâce à la qualité de nos produits, au savoir-faire de nos équipes et au soutien croissant des autorités et des partenaires internationaux. Ensemble, nous pouvons transformer ces défis en opportunités et inscrire durablement le Maroc parmi les leaders mondiaux de cette industrie.