Interview avec Hassan Sentissi El Idrissi : «Nous avons un trésor dans nos océans, et il est de notre devoir de le valoriser avec intelligence et responsabilité»

Acteur incontournable du secteur halieutique marocain, la Fédération Nationale des Industries de Transformation et de Valorisation des Produits de la Pêche (FENIP) joue un rôle central dans la structuration et la valorisation d’une industrie stratégique pour l’économie nationale.. Entre défis de durabilité, ambitions panafricaines et modernisation des infrastructures, son président, M. Hassan Sentissi El Idrissi, revient sur les priorités et les initiatives phares pour bâtir une filière compétitive et résiliente. Quel rôle joue la FENIP dans le développement de l’industrie halieutique ? Depuis sa création en 1996, la FENIP s’est imposée comme une organisation professionnelle créée pour structurer et valoriser un secteur clé de l’économie nationale. L’industrie halieutique marocaine, forte de 3500 km de côtes et d’une biodiversité marine exceptionnelle, génère aujourd’hui 1,42 million de tonnes de production annuelle. Par ailleurs, l’industrie de

Interview avec Hassan Sentissi El Idrissi : «Nous avons un trésor dans nos océans, et il est de notre devoir de le valoriser avec intelligence et responsabilité»
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Acteur incontournable du secteur halieutique marocain, la Fédération Nationale des Industries de Transformation et de Valorisation des Produits de la Pêche (FENIP) joue un rôle central dans la structuration et la valorisation d’une industrie stratégique pour l’économie nationale.. Entre défis de durabilité, ambitions panafricaines et modernisation des infrastructures, son président, M. Hassan Sentissi El Idrissi, revient sur les priorités et les initiatives phares pour bâtir une filière compétitive et résiliente. Quel rôle joue la FENIP dans le développement de l’industrie halieutique ? Depuis sa création en 1996, la FENIP s’est imposée comme une organisation professionnelle créée pour structurer et valoriser un secteur clé de l’économie nationale. L’industrie halieutique marocaine, forte de 3500 km de côtes et d’une biodiversité marine exceptionnelle, génère aujourd’hui 1,42 million de tonnes de production annuelle. Par ailleurs, l’industrie de transformation des produits de la pêche exporte 85% de sa production vers plus de 140 pays à travers le monde, générant ainsi un chiffre d’affaires à l’export de 30 milliards de dirhams. Ces performances illustrent le potentiel économique stratégique de ce secteur, tout en mettant en évidence les défis d’une meilleure valorisation locale. La FENIP a été créée pour répondre à un besoin fondamental de coordination et de structuration. Notre mission est de transformer les défis en opportunités et de valoriser durablement les ressources halieutiques du Maroc.   Quels sont les principaux défis que vous jugez importants à relever, et quelles sont les ambitions de la FENIP au niveau continental ? L’industrie est encore trop dépendante de quelques espèces phares comme la sardine et l’anchois, tandis que des produits bruts dominent encore les exportations. À l’inverse, des pays partenaires valorisent nos ressources marines pour produire une trentaine de produits, contre seulement 4 ou 5 produits au Maroc. La FENIP milite pour une approche plus diversifiée et durable, intégrant la recherche, l’innovation et la coopération régionale. L’ambition de la FENIP dépasse les frontières nationales. Conformément aux Hautes Orientations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu l’Assiste, elle s’engage dans une vision panafricaine, visant à renforcer les partenariats Sud-Sud et à développer une chaîne de valeur intégrée sur le continent. À cet effet, la création d’un centre africain de formation, d’excellence et de R&D à Dakhla est une priorité. Ce centre incarnera la coopération africaine en formant les talents, en promouvant l’innovation et en partageant les meilleures pratiques de gestion des ressources marines.    L’événement Seafood 4 Africa est un moment clé pour le secteur. Que représente-t-il pour la FENIP et pour le Maroc ? Seafood 4 Africa, organisé du 4 au 6 décembre à Dakhla, est bien plus qu’un simple événement professionnel. Il symbolise l’ambition du Maroc de devenir un leader régional et mondial dans l’économie bleue. Inspiré par les Orientations Royales, cet événement est une plateforme stratégique pour renforcer la coopération intra-africaine, en rassemblant les décideurs, les industriels et les experts, et ce à travers la création d’un espace d’échange et de réflexion sur les opportunités offertes par l’économie bleue pour l’Afrique. Il y est également question de promouvoir la durabilité puisque l’événement met l’accent sur la gestion responsable des ressources, en encourageant des initiatives comme l’aquaculture et l’économie circulaire. Seafood 4 Africa est aussi une opportunité pour diversifier les produits et les marchés, à travers des initiatives telles que la création d’une Bourse Halieutique Africaine qui vise à fluidifier les échanges et à valoriser les produits de la mer à l’échelle continentale. Pour la FENIP, cet événement est également l’occasion de présenter des initiatives concrètes. Par exemple, les efforts pour moderniser les infrastructures, renforcer la chaîne du froid et adopter des technologies numériques qui montrent l’engagement du secteur à répondre aux exigences des marchés internationaux. Seafood 4 Africa est une étape clé pour montrer ce que nous avons accompli, mais aussi pour construire des alliances stratégiques avec nos partenaires africains. C’est un moment de partage et de dialogue, mais aussi d’action concrète pour transformer le potentiel en réalité.   Quelles propositions la FENIP formule-t-elle pour relever les défis actuels et accompagner les ambitions nationales et africaines ? En tant que fédération professionnelle, la FENIP joue un rôle de conseil et de plaidoyer auprès des autorités publiques et des acteurs privés pour garantir un développement équilibré et durable du secteur halieutique. Parmi les propositions clés formulées pour relever les défis du secteur, on peut évoquer l’enjeu d’investissement dans les infrastructures. Moderniser les ports, les plateformes de débarquements, la chaîne de froid et les systèmes de traçabilité est essentiel pour garantir la qualité et la compétitivité des produits. Il est également primordial de développer une nouvelle génération de chantiers navals, puisque la modernisation de la flotte de pêche est indispensable pour améliorer les conditions de travail des pêcheurs, réduire l’impact environnemental des activités et garantir une meilleure conservation des captures. La FENIP préconise la création de chantiers navals de nouvelle génération, équipés pour construire et entretenir des navires répondant aux normes les plus strictes en matière de durabilité, d’efficacité énergétique et de sécurité. Ces infrastructures joueront un rôle clé dans le repositionnement stratégique de l’industrie halieutique marocaine et permettront de renforcer l’intégration locale des chaînes de valeur maritimes.   Pour atteindre ces objectifs la question du financement sera déterminante… Effectivement. A cet effet, la FENIP propose et recommande la création d’un crédit maritime dédié pour accompagner la modernisation de la flotte de pêche, l’acquisition d’équipements modernes et durables, et le développement de l’innovation dans l’industrie de transformation et l’aquaculture. Ce financement ciblé renforcera la compétitivité des entreprises tout en soutenant une transition vers des pratiques plus durables et performantes. De même, nous proposons d’accélérer la diversification des produits à travers le développement des produits à forte valeur ajoutée, les compléments alimentaires d’Oméga-3 en gélules ou en sirop, les encres marines ou encore les plats cuisinés prêts à consommer. Cela permettra d’améliorer la compétitivité sur les marchés internationaux.   Quid de la durabilité des pratiques, de la collaboration régionale, de la digitalisation et de la promotion des produits ? La gestion responsable des ressources marines est cruciale. La FENIP propose de soutenir des initiatives telles que l’aquaculture durable, d’introduire des mécanismes de suivi rigoureux pour protéger les écosystèmes, et de renforcer les dispositifs de contrôle et de traçabilité afin d’éradiquer les pratiques informelles qui fragilisent le secteur. Concernant la création de plateformes de collaboration régionale, cela peut se faire à travers des initiatives comme la Bourse Halieutique Africaine : la FENIP milite pour des mécanismes de coopération qui fluidifient les échanges commerciaux et renforcent les synergies entre les pays africains. La question de la digitalisation des chaînes de valeur est également primordiale à travers l’adoption d’outils numériques pour optimiser la traçabilité et la gestion des ressources, ce qui permettra non seulement de satisfaire les exigences des marchés internationaux, mais aussi d’améliorer la gestion durable des stocks. Enfin, la promotion de la «Made in Morocco» ainsi  que le « Made in Africa» permettra de renforcer la visibilité des produits marocains et grâce à des campagnes de communication ciblées et une participation accrue aux grands salons internationaux, comme Seafood 4 Africa.   La mise en œuvre de ces recommandations nécessitera une implication et un engagement d’un large spectre de parties prenantes et de partenaires…  En effet, ces propositions ne relèvent pas uniquement de la FENIP, mais nécessitent une collaboration étroite avec le ministère de la Pêche Maritime, les partenaires publics et privés, et les institutions internationales. Nous sommes là pour accompagner et catalyser ces initiatives. Inspirée par les Orientations Royales et portée par une vision collective, la FENIP continue de travailler avec humilité et ambition pour faire de l’économie bleue un levier stratégique de développement. Seafood 4 Africa marque un tournant dans cette dynamique, en consolidant les bases d’une coopération régionale renforcée et d’une valorisation optimale des ressources marines. Nous avons un trésor dans nos océans, et il est de notre devoir de le valoriser avec intelligence et responsabilité. C’est ensemble, avec nos partenaires africains, que nous pourrons bâtir un avenir prometteur pour notre continent. ZLECAf : un levier pour une économie bleue africaine intégrée La Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) représente une opportunité stratégique pour le développement de l’économie bleue en Afrique. En éliminant les barrières tarifaires et non tarifaires, cet accord ouvre la voie à une intégration régionale renforcée et à une fluidité accrue des échanges commerciaux entre les pays africains. Pour la FENIP, la ZLECAf est une plateforme idéale pour promouvoir les produits de la mer transformés au Maroc et consolider la coopération Sud-Sud. En tant que leader régional dans la valorisation des produits halieutiques, le Maroc peut jouer un rôle moteur en partageant son expertise et en facilitant le développement de chaînes de valeur intégrées. Cependant, pour tirer pleinement parti des opportunités offertes par la ZLECAf, plusieurs défis doivent être relevés, notamment la standardisation et harmonisation des normes sanitaires et phytosanitaires entre les pays africains pour garantir la compétitivité et la sécurité des produits échangés. L’amélioration des systèmes de transport et de stockage est également cruciale pour réduire les coûts et les délais d’acheminement des produits halieutiques. L’accès équitable aux marchés est aussi un enjeu majeur et, à cet égard, la FENIP plaide pour des mécanismes qui assurent un accès équitable aux marchés africains pour les acteurs de toutes tailles : des petites entreprises aux grands exportateurs. « La ZLECAf est bien plus qu’un accord commercial. Elle est une chance de bâtir une économie bleue africaine forte et résiliente », souligne M. Hassan Sentissi El Idrissi.« C’est à nous, en tant qu’acteurs engagés, de transformer cette vision en réalité », conclut-il.