C’est un cri d’indignation et un appel à un patriotisme militant qu’explique Latévi-Atcho Elliott Lawson, écrivain togolais, dans cette nouvelle parution : «L’Afrique à la merci de la communauté internationale». En effet, écrit-il, outre les politiques d’hégémonie des puissances mondiales, cette situation met en évidence les responsabilités des classes dirigeantes africaines dans les nombreux freins à l’essor du continent. Entretien.
Vous venez de publier : «L’Afrique à la merci de la communauté internationale : Depuis la colonisation jusqu’à la démocratisation». Un livre qui au cœur de l’actualité du continent d’aujourd’hui. Pouvez-vous nous parler du contexte de la parution de cette œuvre ? Le livre parait à un moment où, après de nombreuses années de pratique et d’analyse dans les relations internationales, j’en suis arrivé à l’amer et indignant constat d’une situation devenue inacceptable par laquelle l’Afrique est systématiquement et diversement manœuvrée. Elle est maintenue dans une position de laissée pour compte en marge de la communauté internationale. Le continent est considéré comme une position d’entrepôt de matières premières à piller à volonté par les pays industrialisés. Mais aussi une position de fournisseuse de flux financiers illicites à ses bailleurs de fonds dont le montant (en moyenne 80 milliards de dollars par an) constitue, bon an, mal an, le double du montant total de l’aide publique au développement que ceux-ci lui accordent.Ce qui revient à dire que l’Afrique, supposée pauvre, transfère davantage de ressources financières à ses bailleurs de fonds riches qu’elle n’en reçoit ! Systématiquement !J’ai donc décidé de publier ce livre pour m’indigner qu’une telle situation ne soit pas renversée depuis si longtemps et réclamer une meilleure prise de responsabilités des élites africaines suivie d’actions fortes et efficientes. En tant que diplomate chevronné, d’après vous comment en est-on arrivé là ? Ma conviction est qu’on en est arrivé là parce que la décolonisation de l’Afrique n’a pas été totale mais a abouti à des «indépendances sous tutelle» que les puissances coloniales ont mis en place, soucieuses de continuer à tenir sous leur coupe des Etats prétendument indépendants. La question de l’affranchissement de l’Afrique de toutes les chaînes qui la tenaillent est au centre de votre réflexion. A votre avis pourquoi c’est aussi difficile que ça de s’affranchir ? Il existe des forces extérieures, notamment les anciennes puissances coloniales, qui s’emploient à maintenir leur présence militaire ainsi que de pressions diverses dans leurs anciennes colonies.Certains pays ont choisi de jouer le jeu de ces forces extérieures et d’accepter une «subordination consentie».De façon générale, c’est dans ces Etats que s’instaure une gouvernance sujette à caution et propice à l’emprise de la communauté internationale.Dans ces conditions, on comprend bien les difficultés qu’il y a à s’affranchir de cette emprise. Seul un changement de mentalité et de comportement, un réveil général, un patriotisme sans faille et un panafricanisme militant de ses fils et filles permettront à l’Afrique de se libérer de cette situation peu propice à son essor et à son développement. Vous dites dans votre livre : «Outre les politiques d’hégémonie des puissances mondiales, les exemples mettent en évidence les responsabilités des classes dirigeantes africaines dans les nombreux freins à l’essor du continent». Pouvez-vous nous éclairez davantage à ce sujet ? Nous ne pouvons pas nier ni ignorer le rôle que jouent certaines élites dans l’affaiblissement de l’Afrique sur la scène internationale. De fait, il y a dans nos pays des élites alléchées par les gains personnels et malhonnêtement acquis au détriment des populations laborieuses à moins que ce ne soient par des positions politiques, qui nouent volontiers des alliances de toutes sortes avec des transnationales et/ou des agents étrangers peu soucieux des intérêts africains.A cela s’ajoutent les rivalités régionales, communautaires, ethniques claniques, familiales, etc., que certaines élites entretiennent ou activent, faisant ainsi le jeu de la division si cher aux forces colonialistes et néo-colonialistes. Que recommandez-vous, en résumé, pour remédier à cette situation ? Pour remédier à cette situation, il faut que le patriotisme l’emporte sur tout. Le patriotisme mène tout naturellement au panafricanisme. Un panafricanisme militant, et pas de façade, qui place en avant l’union et la solidarité des pays africains pour mettre ensemble leurs efforts de développement et défendre leurs intérêts becs et ongles, avec leurs partenaires des autres continents.Tout cela suppose une remise en ordre de chacun de nos Etats, une gouvernance générale rigoureuse susceptible de les imposer comme Etats respectables dans le concert des nations. Votre œuvre interpelle la jeunesse africaine à plus d’un titre. Quel rôle majeur peut-elle jouer pour changer radicalement la donne ? L’avenir appartient aux jeunes et l’Afrique est le continent le plus jeune du monde. Les jeunes africains sont pleinement conscients des réalités actuelles qui durent depuis le temps de leurs grands-parents. Ils ne les acceptent pas et les rejettent parfois violemment.Les jeunes africains, taraudés par le chômage sans cesse croissant et les conditions de vie, de plus en plus difficiles, ne sont plus disposés à voir les ressources naturelles de leurs pays exportées vers les pays développés sans effet induit sur leurs conditions de vie. Les réseaux sociaux qu’ils utilisent, abondamment, leur font découvrir les diverses facettes d’une telle situation.Des livres comme le mien leur permettent de mieux connaître les détails et d’avoir à l’esprit le rôle qu’ils peuvent jouer quand ils en ont les moyens.Le monde a changé. J’ai l’intime conviction que les jeunes se battront efficacement pour que l’Afrique s’inscrive résolument dans ce changement et se fasse respecter au sein de la communauté internationale. Des organisations comme la Confédération des Etats du Sahel peuvent-elles constituer une alternative ou une bouée de sauvetage ? La Confédération des Etats du Sahel est la conséquence de crises qui ont secoué la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et qui n’ont pas trouvé de solutions heureuses pour les protagonistes. Elle est la preuve tangible des graves lacunes de cette organisation de la sous-région.Sans préjuger de l’avenir, je voudrais souhaiter que cela serve d’avertissement à la CEDEO et à la communauté internationale. Les Etats membres de la communauté ouest-africaine, quel que soit le nom qu’elle porte demain, doivent s’employer à faire revenir l’AES ou… la rejoindre. En tout état de cause, la «nouvelle» CEDEAO qu’il conviendra de redéfinir devra se fermer aux pressions extérieures quelles qu’elles soient et d’où qu’elles viennent.
Bon à savoir
M. Latévi-Atcho Elliott Lawison est un diplomate de carrière à la retraite, reconverti en essayiste. Directeur au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, ambassadeur, représentant du Togo auprès de l’Union Européenne, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, fonctionnaire international dans les missions de maintien de la paix de l’ONU au Kosovo et au Congo, il a consacré sa vie professionnelle à l’analyse et à la pratique des relations internationales. L’auteur n’est pas à sa première sortie contre les organisations panafricaines. Déjà en 2015, il s’interrogeait : «L'Union africaine sert-elle à quelque chose?», une question-choc que pose le diplomate togolais Latévi-Atcho Elliott Lawson, dans son livre «Pour une Afrique plus forte», aux éditions Graines de pensées. A l’époque, il soulignait : «L’Union africaine est une organisation, mais tant que ses membres ne feront pas preuve d’une volonté politique nécessaire, elle ne se dotera pas d'un mécanisme de suivi, elle ne sera que bureaucratique».
Billet : Bonnes perspectives économiques pour l'Afrique en 2025
Toutes les institutions financières internationales sont unanimes : l’Afrique devrait connaître une croissance soutenue pour l’année qui commence. Ainsi, ces perspectives pour l'Afrique en 2025 sont globalement positives, avec une croissance prévue qui devrait s'accélérer par rapport aux années précédentes. Cependant, il est important de noter que ces prévisions varient légèrement selon les sources et que des défis importants persistent. Il est donc crucial de continuer à surveiller l'évolution de la situation économique mondiale et de mettre en œuvre des politiques et des réformes appropriées pour assurer une croissance durable et inclusive qui bénéficie à tous les Africains. A cet effet, la plupart des cabinets d’analyse, tels que la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, prévoient une accélération de la croissance économique en Afrique subsaharienne en 2025, avec des taux se situant entre 4% et 4,3%. Cela représente une amélioration par rapport aux estimations de 2023 et 2024. Ces données devraient renforcer la résilience des économies du continent à condition que la bonne gouvernance et le patriotisme économique prédominent dans les politiques économiques des Etats africains. On ne cessera jamais de le répéter, en l’absence de la transparence dans la gestion des affaires étatiques, débarrassées de toute corruption, doublée d’un bon climat des affaires, aucun progrès n’est possible. Les perspectives économiques pour l'Afrique en 2025 sont globalement donc positives, avec une croissance prévue qui devrait s'accélérer par rapport aux années précédentes. Cependant, il est important de noter que ces prévisions varient légèrement selon les sources et que des défis importants persistent. Bref, tous les indicateurs sont là en cette année 2025. Car la croissance devrait être soutenue par plusieurs facteurs dont, entre autres, l'augmentation de la consommation privée et des investissements, l'amélioration des conditions financières et l'atténuation des pressions inflationnistes. A ceux-là s’ajoute la résilience des économies africaines face aux chocs économiques mondiaux. In fine, l’Afrique entre de plain-pied dans la nouvelle année, même si les performances économiques varieront d'une région à l'autre et d'un pays à l'autre. Wolondouka SIDIBE