Interview avec Pr Mohamed Saïd Karrouk : «Il faut se préparer à vivre sous des chaleurs beaucoup plus importantes»

Les pluies d’automne et d’hiver sont fortement attendues pour sauver les ressources en eau et la prochaine campagne agricole. Si la saison d’automne commence à inquiéter certains, l’expert Pr Mohamed Saïd Karrouk, climatologue, rassure que c’est un phénomène normal qui caractérise cette période transitoire entre la saison estivale et l’hiver. Habituellement, à l’approche de l’hiver, le climat est pluvieux, contrairement à ce que nous vivons aujourd’hui. Y a-til de quoi s’inquiéter ? On est en saison d’automne qui se prolonge jusqu’au 21 décembre, et qui est une saison de transition entre l’été et l’hiver. La température baisse progressivement pour être définitive en hiver. Mais la saison de transition connaît souvent, et en règle générale, une alternance entre la chaleur qu’on a laissée derrière nous, et qu’on a héritée de l’été, et du froid vers lequel on se dirige, puisque la température atmosphérique baisse progressivement pendant cette pério

Interview avec Pr Mohamed Saïd Karrouk : «Il faut se préparer à vivre sous des chaleurs beaucoup plus importantes»
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Les pluies d’automne et d’hiver sont fortement attendues pour sauver les ressources en eau et la prochaine campagne agricole. Si la saison d’automne commence à inquiéter certains, l’expert Pr Mohamed Saïd Karrouk, climatologue, rassure que c’est un phénomène normal qui caractérise cette période transitoire entre la saison estivale et l’hiver. Habituellement, à l’approche de l’hiver, le climat est pluvieux, contrairement à ce que nous vivons aujourd’hui. Y a-til de quoi s’inquiéter ? On est en saison d’automne qui se prolonge jusqu’au 21 décembre, et qui est une saison de transition entre l’été et l’hiver. La température baisse progressivement pour être définitive en hiver. Mais la saison de transition connaît souvent, et en règle générale, une alternance entre la chaleur qu’on a laissée derrière nous, et qu’on a héritée de l’été, et du froid vers lequel on se dirige, puisque la température atmosphérique baisse progressivement pendant cette période dans nos latitudes.  Le bilan énergétique de la Terre, qui fait l’inventaire de la quantité d’énergie qui entre et sort du climat de la Terre, affiche un déséquilibre. Par conséquent, puisqu’il s’agit d’un excédent, il est suivi par une augmentation de température. Donc, la hausse des températures ressentie en novembre est plus ou moins “normale”. Nous avons remarqué, depuis l’année 2023, que la température planétaire a beaucoup augmenté, dépassant le seuil de 1,5 degré Celsius par rapport à l’époque préindustrielle. L’observatoire européen Copernicus nous a présenté, dans un récent rapport, le mois de novembre comme étant le mois le plus chaud jamais observé, depuis que nous disposons des relevés, et qui a dépassé le 1,5 degré Celsius. Il est très important d’en tenir compte.   Quelles sont vos projections ? Pour les prochains jours, si la température ne baisse pas chez nous, il sera difficile d’avoir des précipitations. Et parce qu’il y a beaucoup de vapeur d’eau dans l’atmosphère, Il y aurait beaucoup de précipitations. Ceci devrait s’accompagner par des inondations auxquelles il faut se préparer et gérer le stockage de l’eau. Sur le moyen et le long terme, il est clair que si le bilan énergétique de la Terre ne se stabilise pas, on doit assister, mois après mois, année après année, à des températures de plus en plus élevées. C’est une évidence, puisque nous subissons les mêmes conséquences de l’augmentation du bilan énergétique de la Terre et de la température qui s’ensuit.   Quelles sont les conséquences de ce retard des pluies sur les ressources hydriques et l’agriculture ? L’évolution de la température est très facile à suivre et à détecter dans l’avenir, parce qu’elle est liée directement au bilan énergétique de la Terre. Mais l’évolution des précipitations, c’est une autre chose. Les précipitations font partie du cycle de l’eau, qui n’a jamais été facile à prédire, depuis toujours. Je fais ici référence à tous les modèles sur lesquels s’est basé le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans ses rapports. Maintenant, on est dans une troisième phase de cette augmentation de températures. Je rappelle que la première phase remonte aux années 80. La seconde est située entre 2005 et 2017. Et puis il y a celle que nous vivons aujourd’hui, depuis 2018. Le cycle de l’eau est encore perturbé par l’augmentation de la température, qui entraîne l’évaporation de l’eau. Par conséquent, on assiste à l’augmentation de la vapeur de l’eau. Donc, le ciel va pomper encore davantage de l’eau du sol, qui va rester dans l’atmosphère. Après saturation, il y aura des précipitations, notamment dans les endroits où la température baisse. Ce qui n’est pas encore le cas chez nous. Il est préférable de ne pas lier l’agriculture à ce retour de l’eau car elle dépend de la quantité de cette eau. On est dans un cycle de l’eau complètement différent de la norme. On ne sait plus comment évolue le retour de l’eau. Il y a aussi des conditions atmosphériques qui pourraient surgir sans préavis, tels que le vent et les vagues de chaleur, qui pourraient perturber tout le cycle agricole.   Devrait-on s’habituer à cette situation dans les années à venir ? Il faut se préparer à vivre sous des chaleurs beaucoup plus importantes que celles qu’on a connues jusqu’à présent. On est dans une sorte d’obscurité visà-vis de l’avenir du cycle de l’eau puisqu’il y a une nouvelle distribution de l’eau sur le plan planétaire.    On a compris pourquoi la température augmente. Maintenant, comment faudrait-il agir face à cette nouvelle réalité ? Étant dans le flou vis-à-vis de ce nouveau cycle de l’eau, on peut s’attendre à trois scénarii. Le premier scénario, c’est que le retour de l’eau au Maroc ne sera pas différent de ce que nous connaissons. Dans ce cas, il faudrait continuer d’agir en fonction des ressources actuelles de l’eau, qui sont en moyenne autour de 22 milliards de mètres cubes, pas plus. Je rappelle que le retour de l’eau sur le plan hémisphérique s’est réalisé entre 2006 et 2017. Pendant cette période, chaque année, on assistait à des inondations quelque part dans l’hémisphère Nord, que ce soit en Afrique du Nord, en Europe, en Amérique ou en Asie. Et donc, ce retour de l’eau au Maroc était une exception et non pas une règle. Et malheureusement, nos responsables ont bâti le Plan Maroc Vert sur une base qui n’est pas la règle, mais une exception. Alors, je rappelle que pendant ces années, les ressources en eau ont dépassé les 50 milliards de mètres cubes, alors que la moyenne est de 22 milliards, selon les déclarations officielles du gouvernement et des services spécialisés dans la gestion de l’eau. Aujourd’hui, on est en train de payer les conséquences de ce Plan Maroc Vert qui a considéré notre pays comme étant une grande ferme et où la ressource en eau est stable, alors que ce n’est pas le cas.  Le deuxième scénario, c’est que ce nouveau cycle de l’eau pourrait ne pas revenir au niveau des territoires marocains. Et donc, l’eau pourrait manquer. Dans ce cas, il faudrait se préparer, le plus rapidement possible, au dessalement de l’eau de mer. Et le troisième scénario, c’est que cette eau pourrait revenir avec abondance. Dans ce cas-là, il faudrait se préparer à la gestion des inondations. D’une part, en pensant à sauvegarder les vies des citoyens et leurs biens, mais aussi à développer des outils de stockage, dont les barrages. Le gouvernement doit être avisé de ces trois scénarios et préparer ses plans pour ne pas avoir de surprise dans les mois et les années à venir. Plan Climat National : Feuille de route du Royaume pour l’Agenda 2030 Le Plan Climat National 2020- 2030 cherche à établir un modèle de développement durable en impliquant tous les acteurs locaux. Il inclut des plans régionaux pour anticiper les impacts climatiques et réduire les émissions de gaz à effet de serre à travers des projets d’adaptation et de mitigation. Le plan constitue un cadre pour mettre en œuvre les initiatives d’atténuation et d’adaptation alignées sur les contributions déterminées au niveau national (CDN) du Maroc à partir de 2021 afin de contribuer aux efforts internationaux visant à maintenir le réchauffement climatique à 1,5°C. Notons que les CDN du Royaume pour 2021 visent une réduction des émissions de 45,5 % d’ici 2030. La CDN 3.0 prévoit une ambition accrue avec des projets en énergies renouvelables, biomasse et hydrogène vert. Le deuxième pilier du plan est consacré au renforcement de la résilience aux risques climatiques, dont le point d’action 2.4 (réduire les effets du changement climatique sur la santé et le bien-être des populations) en surveillant les effets du changement climatique sur la santé, en renforçant la surveillance épidémiologique, en prévenant les risques sanitaires liés au changement climatique et en améliorant l’accès aux soins des populations en situation de vulnérabilité. Ce plan ainsi que le Nouveau Modèle de Développement (NMD) de 2021 interviennent dans le cadre de l’élaboration du Royaume, en 2014, de la politique nationale de lutte contre le changement climatique. L’objectif est de préserver les ressources naturelles et renforcer la résilience des territoires.