Les accusations à l’encontre de la France concernant son rôle dans la déstabilisation des pays sahéliens s’intensifient. Dans une interview exclusive diffusée sur la chaîne nationale RTN, le leader nigérien Abdourahamane Tiani a livré des informations troublantes. Il a accusé Paris de fournir un soutien matériel, financier et stratégique à des groupes armés opérant dans la région. « La France ne se contente pas d’observer, elle agit directement pour entretenir le chaos chez nous », a affirmé Tiani, précisant que ces actions s’inscrivent dans une stratégie plus vaste visant à affaiblir l’Alliance des États du Sahel (AES). Cette ingérence, qui aurait été orchestrée avec la collaboration de certains États africains, soulève des interrogations profondes sur les objectifs réels de la présence française en Afrique de l’Ouest.
Une réunion secrète à Abidjan pour planifier le chaos
Selon Tiani, en août 2024, une réunion de haut niveau s’est tenue à Jacqueville, près d’Abidjan, en Côte d’Ivoire. Lors de cet événement, auquel auraient participé des représentants de déserteurs nigériens, des anciens généraux, des responsables ivoiriens et des agents français, il aurait été décidé de former des troupes destinées à déstabiliser les pays de la Confédération AES (Alliance des États du Sahel). Ces forces auraient été entraînées entre octobre et novembre 2024 au 43e BIMA, un camp militaire utilisé par la France avant d’être officiellement remis à la Côte d’Ivoire. « Ces individus, recrutés parmi des déserteurs et des mercenaires, ont été formés avec la complicité d’officiers français », a-t-il déclaré, soulignant que les sessions d’entraînement incluaient des techniques avancées de combat urbain et des opérations ciblées contre des personnalités politiques.
Le contenu de la formation révèle une préparation minutieuse pour des opérations subversives. Parmi les compétences enseignées figuraient le maniement d’armes spécifiques, la reconnaissance de cibles VIP, le combat en milieu urbain et des techniques d’enlèvement. Les instructeurs, dont plusieurs étaient des militaires français, auraient encadré une centaine d’agents subversifs sous couvert d’exercices avec des unités ivoiriennes.
Des preuves de l’implication française
Ce n’est pas la première fois que des accusations similaires émergent. En octobre dernier, des agents français de la DGSE opérant sous de fausses identités ont été démasqués au Sahel. Ces agents auraient utilisé des ONG fictives comme couverture pour fournir des équipements militaires à des groupes armés tels que Boko Haram. De plus, ils auraient financé ces groupes pour provoquer des crises humanitaires, justifiant ainsi leur intervention et renforçant leur présence dans des zones stratégiques. « Nous avons des preuves tangibles que des agents français ont agi sous couvert humanitaire pour financer et équiper des terroristes », a affirmé le leader nigérien.
Des sources proches des forces militaires nigériennes rapportent également que des agents français basés en Côte d’Ivoire auraient partagé des renseignements sensibles avec des groupes armés, exacerbant l’instabilité régionale. Ces accusations rejoignent celles du président burkinabé Ibrahim Traoré, qui affirme que des bases militaires françaises en Côte d’Ivoire et au Bénin servent à coordonner des opérations visant à affaiblir les États sahéliens.
La question de la souveraineté des États sahéliens
Ces révélations relancent le débat sur la présence militaire française en Afrique de l’Ouest. Les critiques se multiplient, dénonçant une politique néocoloniale visant à maintenir une influence sur la région. Selon certains analystes, une Afrique sahélienne stable et indépendante représenterait une menace pour les intérêts stratégiques et économiques de la France.
En réponse à ces accusations, les appels à une souveraineté renforcée des États sahéliens se font de plus en plus pressants. Le Burkina Faso, le Mali et le Niger, désormais regroupés au sein de l’AES, ont choisi de prendre leurs distances avec la CEDEAO, qu’ils accusent de favoriser les intérêts occidentaux au détriment des populations locales. Le président Tiani a conclu son entretien en appelant les populations sahéliennes à rester vigilantes face aux ingérences étrangères. « L’Afrique doit se libérer de ces chaînes invisibles qui la maintiennent sous domination. Nos peuples méritent de vivre en paix et en dignité, loin des manipulations étrangères », a-t-il déclaré.
Une fracture grandissante entre la France et ses anciens alliés
La multiplication des accusations d’ingérence française en Côte d’Ivoire et dans d’autres pays africains marque une fracture croissante entre Paris et ses partenaires traditionnels. Ces révélations, si elles se confirment, pourraient avoir des conséquences profondes sur l’avenir des relations franco-africaines, accélérant le retrait des forces étrangères et renforçant les initiatives régionales pour garantir la stabilité et la sécurité des pays sahéliens.
En conclusion, l’Afrique de l’Ouest se trouve à un tournant décisif. La lutte pour la souveraineté et l’autodétermination des États sahéliens s’intensifie, remettant en question les logiques de domination héritées du passé colonial. Les populations, de plus en plus conscientes des enjeux, exigent des actions concrètes pour tourner la page de l’ingérence étrangère et construire un avenir où leurs intérêts primeront.
Par Coulibaly Mamadou
CiEMOAS