L’ICARDA (Centre International de Recherche Agricole dans les Zones Arides), en partenariat avec l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), et sous l’égide du Ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, a inauguré le 16 mai 2025, une nouvelle plateforme de pointe : l’African Breeding Accelerator.
Cette initiative, dédiée à l’accélération de la sélection végétale, marque une avancée majeure pour la recherche agricole sur le continent. L’objectif est de renforcer les capacités de recherche pour le développement de variétés agricoles résilientes, adaptées aux conditions climatiques arides et semi-arides, contribuant ainsi à la sécurité alimentaire et à la durabilité des systèmes agricoles africains.
L’inauguration officielle de l’African Breeding Accelerator s’est déroulée en présence de M. Redouane Arrach, secrétaire général du Ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, de Pr Lamiae Ghaouti, directrice de l’INRA, de M. Aly Abousabaa, Directeur Général de l’ICARDA ainsi que de plusieurs partenaires scientifiques et institutionnels, tant nationaux qu’internationaux.
Installée au sein du campus de l’INRA à Rabat, cette nouvelle plateforme renforce considérablement les capacités de recherche du Maroc et de l’Afrique, en les alignant sur les exigences scientifiques des deux prochaines décennies. « Il s’agit de l’une des dernières innovations scientifiques mises en place par l’ICARDA au Maroc, avec le soutien des autorités marocaines », a précisé M. Aly Abousabaa.
Réponse scientifique aux urgences climatiques
Le changement climatique pose un défi majeur à l’agriculture, rendant indispensable le développement de variétés végétales résistantes à la sécheresse et aux maladies. Ce processus, souvent long et coûteux, freine l’adoption à grande échelle de solutions adaptées. Pour répondre à l’urgence climatique, la recherche doit accélérer son rythme. « Nous devons aller plus vite que les défis auxquels nous sommes confrontés pour pouvoir y répondre efficacement », a expliqué Miguel Sanchez Garcia, améliorateur d’orge à l’ICARDA.
C’est dans cette optique que l’African Breeding Accelerator vise à diviser par quatre à six le temps nécessaire au développement de nouvelles variétés, grâce à des technologies avancées, offrant ainsi un accès plus rapide aux agriculteurs. « C’est un progrès remarquable qui permettra un transfert technologique bien plus rapide vers les agriculteurs, en attente urgente de solutions face à l’intensification du changement climatique et à la raréfaction des ressources naturelles », a affirmé Pr Lamiae Ghaouti.
Hafssa Kabbaj, chercheuse à l’ICARDA a souligné l’impact impressionnant de ce dispositif : « les plants semés le 21 mars sont déjà en floraison un mois et demi plus tard, alors qu’en conditions normales de champ, ce stade ne serait atteint qu’après 4 à 5 mois. »
Lumière artificielle, progrès naturel
S’étendant sur près de 1 000 m², l’African Breeding Accelerator abrite quatre bâtiments, dont deux serres ultramodernes équipées d’un éclairage LED innovant. « L’idée derrière cette plateforme repose sur une technologie développée initialement par la NASA pour l’agriculture spatiale, qui a été adaptée ici pour favoriser une croissance rapide des plantes en environnement artificiel. Cela permet d’accélérer significativement l’amélioration génétique et le développement de nouvelles variétés » , a expliqué M. Aly Abousabaa.
Offrant jusqu’à 22 heures de lumière par jour, ce système permet d’accélérer significativement la croissance des cultures. L’installation peut ainsi accueillir jusqu’à 150 000 plants de céréales (blé, orge), de légumineuses et de cactus, renforçant les capacités de recherche et d’innovation variétale sur le continent. « Cette technologie LED permet de ne pas dépendre uniquement de la lumière solaire, elle favorise une croissance végétale accélérée, facilitant ainsi un transfert des variétés vers les agriculteurs beaucoup plus rapidement », a souligné Pr Ghaouti.
Science et terrain, une synergie essentielle
La recherche à l’African Breeding Accelerator repose sur une collaboration étroite avec les partenaires nationaux de l’ICARDA, notamment l’INRA, qui bénéficie d’une chambre de culture dédiée à ses chercheurs. Grâce à un réseau de partenaires internationaux, les travaux scientifiques sont directement connectés aux besoins du terrain. Cette proximité avec les agriculteurs permet d’identifier les variétés les plus prometteuses et de cibler celles qui s’adaptent le mieux aux conditions climatiques locales. « Nous travaillons principalement sur le blé, l’orge, les pois chiches, les lentilles et les pois fourragers », a précisé M. Abousabaa. Il a souligné que le changement climatique atteint aujourd’hui un niveau extrême, avec des vagues de sécheresse inédites et un dérèglement prononcé des saisons agricoles. « Cette instabilité, associée à l’émergence de nouvelles maladies et ravageurs, complique fortement la planification pour les agriculteurs, qui peinent à déterminer les bonnes périodes de semis ainsi que les besoins en eau, intrants et engrais. » M. Abousabaa a indiqué que les ressources génétiques conservées dans la banque de gènes de l’ICARDA (plus de 155 000 accessions couvrant six cultures principales ainsi que des espèces fourragères) offrent un levier essentiel pour faire face à cette situation. « Nous explorons des variétés naturellement résistantes à ces menaces, capables de mieux tolérer la chaleur, la salinité et le stress hydrique. »
Hafssa Kabbaj a affirmé que plus de 7 000 lignées de blé dur, conservées dans une chambre de culture, sont destinées à différentes régions du monde : l’Asie de l’Ouest, l’Asie du Sud, l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique de l’Est, et bien sûr l’Afrique du Nord, avec en priorité le Maroc.
Innovation et durabilité pour l’agriculture africaine
L’African Breeding Accelerator incarne une agriculture moderne et responsable, intégrant des pratiques éco-durables à tous ses niveaux. « Pour garantir la durabilité, l’électricité provient de panneaux solaires installés sur les toits des deux bâtiments de l’infrastructure, l’eau est recyclée pour irriguer les jardins environnants, et la terre ainsi que la paille sont envoyées à l’unité de compostage pour créer un nouveau sol », a mentionné Miguel Sanchez Garcia.
Cette plateforme d’accélération de sélection végétale reflète l’engagement renforcé de l’ICARDA et de ses partenaires à améliorer les conditions de vie des communautés rurales, tout en plaçant l’innovation scientifique au cœur de leurs actions. Elle représente un véritable saut technologique qui positionne le Maroc comme un acteur clé de la recherche agricole en Afrique et de la lutte contre les impacts du changement climatique. « Le choix du site au Maroc repose sur plusieurs facteurs : un climat favorable qui permet de maintenir des températures modérées pour la croissance des plantes, ainsi qu’un approvisionnement électrique stable et un personnel qualifié, des conditions difficiles à trouver dans d’autres pays de la région », a précisé Miguel Sanchez Garcia.
L’inauguration de ce projet marque également une double célébration : les 50 ans de l’ICARDA et les 40 ans d’un partenariat solide avec le Maroc. Une collaboration historique qui continue de produire des résultats concrets au service du développement rural et de la recherche agronomique. « Notre objectif est aussi améliorer les revenus des petits exploitants, élever leur niveau de vie et créer davantage d’opportunités d’emploi », a conclu M. Abousabaa.
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