Le Maroc teste le e-dirham

Finances. Les autorités monétaires accélèrent la mise en place d’une monnaie digitale avec la réalisation de premiers tests domestiques et le lancement prochain d’une expérience internationale. Les détails. Le e-dirham n’est plus un concept mais une réalité avec les premiers tests. C’est ce qui ressort de l’intervention du wali de Bank Al-Maghrib, (BAM). Abdelatif Jouahri […]

Le Maroc teste le e-dirham
   aujourdhui.ma
Finances. Les autorités monétaires accélèrent la mise en place d’une monnaie digitale avec la réalisation de premiers tests domestiques et le lancement prochain d’une expérience internationale. Les détails. Le e-dirham n’est plus un concept mais une réalité avec les premiers tests. C’est ce qui ressort de l’intervention du wali de Bank Al-Maghrib, (BAM). Abdelatif Jouahri qui s’exprimait lors de l’ouverture du séminaire continental de l’ABCA (Association des Banques centrales africaines) pour l’année 2025, placé sous le thème « Cyber-risques et technologies financières innovantes : défis et mesures stratégiques». Le Wali de la Banque centrale a profité de l’occasion pour faire le point sur le chantier de la monnaie digitale au Maroc. «La monnaie digitale de la Banque centrale (MDBC), en tant que monnaie souveraine, peut effectivement constituer une option de paiement numérique aussi bien dans sa version de gros que de détail. A l’instar d’autres pays du continent, nous avons réalisé au niveau de Bank Al-Maghrib des études sur l’émission d’une monnaie digitale de la Banque centrale avec l’appui de la Banque mondiale et du FMI. Ces travaux ont principalement porté sur la définition des objectifs stratégiques de la MDBC, ses éventuels impacts macroéconomiques, et sur les systèmes de paiement», a expliqué M. Jouahri. Première expérience Le numéro un de la BAM a ainsi révélé une première expérience. «Nous avons mené une première expérimentation qui a porté sur le cas d’usage de paiement (Peer-to-Peer) de détail. Nous sommes en train de mener une autre expérimentation, en collaboration avec la Banque centrale d’Egypte et avec l’appui de la Banque mondiale, sur le cas d’usage dans le transfert transfrontalier. Nous projetons de compléter ce projet par des études et analyses sur les aspects juridiques et règlementaires», a t-il expliqué. Les responsables marocains veulent aller encore plus loin en réglementant l’usage des cryptoactifs. «Au Maroc, nous venons de finaliser un projet de loi qui vise à mettre en place un cadre juridique sur l’usage des cryptoactifs ayant pour objectif de protéger de manière appropriée les consommateurs et les investisseurs ; de renforcer l’intégrité des marchés contre la fraude, la manipulation, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ; et de préserver la stabilité financière», ajoute la même source, faisant savoir que la digitalisation des services financiers a bien progressé au cours de ces dernières années. «Au Maroc, elle est portée par les banques traditionnelles qui sont en pleine adaptation aux transformations en cours, des établissements de paiement adoptant un modèle d’affaires agile et un écosystème FinTech en plein développement. Pour renforcer cet écosystème, nous avons créé récemment, dans le cadre d’un partenariat public-privé, le Morocco FinTech Center, plate-forme dédiée au soutien et à l’accompagnement des porteurs de projets innovants et au renforcement d’un écosystème digital dynamique et inclusif»; affirme M. Jouahri. Et d’ajouter: «Nous voulons que notre dialogue avec les fintechs soit constant afin de leur offrir un cadre réglementaire souple, adapté aux spécificités de leurs services et pour favoriser la collaboration entre acteurs établis et nouveaux entrants». Cyber-risques Mais les responsables savent que la digitalisation galopante au cours des dernières années, expose à la fois les banques et les usagers à une nouvelle forme de risques. «Cette transformation numérique rapide accroît notre exposition aux cyber-risques ce qui induit l’exigence fondamentale de la cyber résilience, qui devient désormais incontournable au bon fonctionnement des marchés et à la stabilité financière. La prolifération des attaques de type phishing, la fraude aux paiements digitaux et les menaces ciblant nos infrastructures financières critiques imposent un renforcement continu et concerté de nos dispositifs de cybersécurité. Pour illustration, en 2024, selon la Banque mondiale, le coût moyen d’une cyberattaque par institution financière africaine a dépassé les 2,5 millions de dollars», explique la même source. «Sans une confiance totale, dont la cybersécurité est le socle, aucun modèle financier ne peut prospérer. Interpol a récemment rappelé que l’Afrique est particulièrement vulnérable et constitue une cible préférentielle en raison des nombreuses menaces pesant sur ses systèmes. La cyber résilience est aujourd’hui centrale dans les discussions internationales, notamment au sein du Comité de Bâle, du Conseil de stabilité financière (FSB) et de la Banque centrale européenne qui ont publié récemment des standards pour la gestion des risques cyber dans les infrastructures critiques», a fait savoir le wali de BAM. Et de conclure: «Le Royaume s’est doté également d’une loi sur la cybersécurité et d’une stratégie nationale de cybersécurité. En complément au dispositif de sécurité national auquel sont soumis les acteurs financiers, ces derniers sont tenus de respecter également les directives sectorielles émises par les autorités de régulation. Le cadre institutionnel de la cybersécurité n’a pas cessé de se renforcer au Maroc au cours de ces dernières années. Il s’appuie sur le Comité stratégique de la cybersécurité, présidé par le ministre délégué auprès du Chef du gouvernement chargé de l’administration de la défense nationale, le comité de gestion des crises et évènements cybernétiques majeurs comprenant les autorités sécuritaires, la Direction générale de la sécurité des systèmes d’information relevant de l’administration de la défense nationale et les coordonnateurs représentés par les régulateurs sectoriels». M. Jouahri a lancé un appel pour «mutualiser nos efforts via des plateformes d’échange d’informations sur les menaces et incidents; harmoniser nos cadres réglementaires, particulièrement concernant les cryptoactifs, les stablecoins et l’intelligence artificielle appliquée à la finance; et renforcer nos compétences locales en créant des centres d’excellence en cyber sécurité et en technologies financières». Open Banking Transformation digitale. La Banque centrale s’apprête à désigner un cabinet privé pour encadrer le lancement de l’Open Banking. C’est ce qui ressort de l’intervention d’un responsable de Bank Al-Maghrib. En effet, Abdelilah Harrat, responsable de la surveillance des plateformes et opérateurs des services financiers digitaux à Bank Al-Maghrib, avait annoncé récemment qu’un cabinet spécialisé sera désigné d’ici la fin de l’année 2025 pour encadrer la mise en œuvre du modèle Open Banking au Maroc à travers un cadre juridique dédié. Cette initiative vise à créer un environnement sécurisé et interopérable, indispensable pour une ouverture maîtrisée des données bancaires. Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, avait déjà mis en avant le rôle de l’Open Banking comme un levier d’innovation et de développement dans le secteur bancaire. Il a souligné son potentiel pour stimuler la recherche et le développement, tout en notant l’importance de la cybersécurité dans ce contexte. l’Open Banking, qui permet aux tiers prestataires d’accéder aux données bancaires des clients via des API sécurisées, est considéré comme un moyen de favoriser l’interopérabilité et l’innovation dans le secteur financier. Les responsables encouragent son adoption pour dynamiser le marché et améliorer l’offre de services financiers. Alors que plus de 70 pays ont déjà lancé ou expérimenté des cadres réglementaires pour l’Open Banking, et que les investissements dans les fintechs ont dépassé 150 milliards de dollars en 2023 dans le monde (KPMG, 2024), le Maroc s’engage résolument sur cette voie stratégique avec des banques marocaines qui s’y préparent déjà. L’Open Banking, ou banque ouverte, est un concept qui permet aux tiers, comme des fintechs, d’accéder aux données financières des clients via des interfaces de programmation d’applications (API) avec le consentement du client. L’Open Banking au Maroc devrait permettre de décloisonner les données bancaires et faciliter un accès sécurisé aux données financières des clients par des prestataires tiers autorisés. Le but est d’encourager le développement de nouveaux services financiers et de produits innovants par les fintechs et autres acteurs. Il s’agit également de faciliter l’accès au financement pour les petites et moyennes entreprises (TPE) et les particuliers.