Le panier des ménages face aux répliques d’une inflation à deux chiffres

Après une fièvre inflationniste en 2023, dont les effets se font sentir encore aujourd’hui, l’inflation semble sous contrôle, selon le Conseil de la Concurrence qui dresse un constat timide sur les dysfonctionnements des marchés. Décryptage.   S’il y a un souci que partagent l’ensemble des citoyens, c’est celui du pouvoir d’achat. Qu’ils soient conservateurs, progressistes, politisés ou non, le panier est une préoccupation permanente pour tout le monde. Cela fait trois ans maintenant qu’on vit sous l’ombre de l’inflation dont la reprise post-Covid-19 et la guerre en Ukraine ont exacerbée avec des répercussions majeures sur les pays en développement, dont le Maroc où la cherté du coût de la vie fait l’objet d’un constat unanime. Cette hausse des prix, parfois à des niveaux excessifs, des produits de première nécessité étonne ou parfois scandalise les gens qui s’interrogent souvent sur les raisons sous-jacentes et questionnent le fonctionnement des mar

Le panier des ménages face aux répliques d’une inflation à deux chiffres
   lopinion.ma
Après une fièvre inflationniste en 2023, dont les effets se font sentir encore aujourd’hui, l’inflation semble sous contrôle, selon le Conseil de la Concurrence qui dresse un constat timide sur les dysfonctionnements des marchés. Décryptage.   S’il y a un souci que partagent l’ensemble des citoyens, c’est celui du pouvoir d’achat. Qu’ils soient conservateurs, progressistes, politisés ou non, le panier est une préoccupation permanente pour tout le monde. Cela fait trois ans maintenant qu’on vit sous l’ombre de l’inflation dont la reprise post-Covid-19 et la guerre en Ukraine ont exacerbée avec des répercussions majeures sur les pays en développement, dont le Maroc où la cherté du coût de la vie fait l’objet d’un constat unanime. Cette hausse des prix, parfois à des niveaux excessifs, des produits de première nécessité étonne ou parfois scandalise les gens qui s’interrogent souvent sur les raisons sous-jacentes et questionnent le fonctionnement des marchés.   L’heure à est l’accalmie !   Dans son rapport annuel couvrant l’année 2023, le Conseil de la Concurrence a consacré une partie importante à la problématique de l’inflation à laquelle fait face le gouvernement actuel depuis son investiture et qui a visiblement touché la poche des citoyens, surtout ceux de la classe moyenne. « Actuellement, la situation est moins critique que l’année précédente où on avait atteint le pic de 10% en février avec une moyenne annuelle de 5,5%. Grâce à la décélération à laquelle on assiste depuis lors, le Maroc serait à l’abri du risque d’une inflation galopante », estime le Conseil présidé par Ahmed Rahhou.   La maîtrise de l’inflation est due à plusieurs facteurs dont le faible niveau de la consommation intérieure qui est trop bas, du point de vue du Conseil, pour entraîner un excès de la demande. Le chômage et l’affaiblissement continu du pouvoir d’achat ont contribué à ce marasme de la consommation, rappelle le rapport. Par conséquent, poursuit la même source, la boucle salaire-prix est restée inactive et la spirale inflationniste est peu probable.   L’inflation cible l’alimentation   Le Conseil confirme que l’inflation au Maroc reste principalement tirée par les produits alimentaires, dont les prix sont volatils. “La progression de l’inflation totale a été la conséquence de la hausse moyenne de l’indice des produits alimentaires de 12,7% et de celui des produits non alimentaires de 1,7%, d’après les calculs du HCP”, lit-on sur le rapport qui souligne que les prix des produits alimentaires sont restés à un niveau supérieur à la moyenne de l’inflation à son paroxysme.   Le rapport reconnaît une chose importante, c’est que l’inflation a touché directement le panier des ménages, c'est-à-dire les produits les plus consommés quotidiennement, surtout les légumes (la tomate et l’oignon, les viandes rouges et les œufs). “Pour ces produits, l’inflation a atteint des taux à deux chiffres, en particulier les légumes (28,6%), les fruits (27,1%), les produits laitiers et œufs (13,3%) et les viandes (11,5%)”, explique la même source qui minimise, toutefois, l’effet de cette flambée sur l’inflation de façon générale. “L’effet de l’inflation des produits alimentaires, dont les prix sont généralement volatils, n’a pas été aussi brutal sur l’inflation totale étant donné qu’il a été amorti par le repli des prix des carburants et lubrifiants”, précise le Conseil de la Concurrence à cet égard.   Inflation importée ? Oui, mais…   Le Conseil revient sur les origines de la percée inflationniste dont les séquelles se font sentir jusqu’à aujourd’hui en se prononçant sur le débat sempiternel entre les adeptes de la théorie de l’inflation importée et ceux qui pointent du doigt les dysfonctionnements structurels des marchés et des chaînes d’approvisionnement. Le constat est clair : “L’hypothèse de l’inflation importée reste d’autant plus pertinente qu’elle coïncide avec un contexte international du moins instable, à l’image du secteur de l’énergie où les pays de l'OPEP+ ont continué à maintenir leur orientation vers une baisse de la production”.   La tentation de la cupidflation   Cependant, l’effet des chocs climatiques n'est pas à sous-estimer. Le rapport reconnaît l’impact de la succession des années de sécheresse sur la hausse des prix des biens alimentaires. Mais ceci ne saurait justifier tout. Les experts du Conseil soulignent également la responsabilité des entreprises ayant un pouvoir de marché et leur propension à augmenter leurs prix pour tirer profit de l’inflation, et ce, en augmentant la marge bénéficiaire de façon injustifiée. Ils mettent ainsi en garde contre le risque de la “cupidflation”, un phénomène théorisé par les économistes Isabella Weber et Evan Wasner en 2023 et qui pointe du doigt le rôle des profits dans le dérapage de l’inflation. Pour faire simple, on est face à une cupidflation lorsque les entreprises se prévalent de la hausse des prix pour augmenter abusivement leurs marges. Cette mise en garde tombe à point nommé et confirme une réalité souvent occultée qui reflète, hélas, un réflexe vicieux au sein de notre économie qui fait que chacun étant en position de force sur un marché, quelle que soit sa taille, soit enclin à tirer profit d’une situation dramatique pour les consommateurs. On a vu cela pendant la séquence de l’Aïd El-Kbir quand les prix du cheptel ont explosé à des niveaux extravagants malgré les subventions de l’Etat et la suspension des droits de douane sur les bovins.     Cela renvoie à l’approvisionnement des marchés et la capacité des pouvoirs publics à lutter contre les pratiques illégales telles que la succession des intermédiaires. Sur ce point, le Conseil de la Concurrence se contente d’un constat factuel, en rappelant que pour l’approvisionnement des marchés en matières premières et en produits de base, peu de perturbations ont été relevées malgré les pressions sur les stocks ou l’insuffisance de la production nationale de certains produits. Cependant, poursuit le régulateur, la forte dépendance des approvisionnements des productions importées a réaffirmé la nécessité d'une réflexion globale sur la sécurisation des approvisionnements.   En gros, le rapport explique que “les marchés marocains des produits de base ont continué, en 2023, à être affectés par les contraintes d’approvisionnement post-crise pandémique”. “Les pouvoirs publics ont dû, à cet effet, multiplier les efforts pour réduire la pression sur les stocks afin d’éviter les pénuries et permettre aux différents marchés de disposer de mécanismes réguliers d'approvisionnement”, ajoute le document, précisant que plusieurs de ces contraintes ont commencé à s’apaiser durant cette année 2023. “Ainsi, la production nationale s’est remise progressivement des effets de la crise, à travers une utilisation plus stable des capacités de production et une meilleure disponibilité des intrants. Le même phénomène a été enregistré pour les approvisionnements depuis les marchés internationaux et dont les tensions sur les prix ont pu relativement se détendre”, conclut la même source.