Le sac en plastique fait son grand retour

Huit ans après la loi «Zéro Mika» Par Jamal Eddine Felhi En 2016, le Maroc s’est imposé comme un précurseur dans la lutte contre la pollution par les sacs en plastique en adoptant une loi audacieuse interdisant leur usage. Huit ans plus tard, cette initiative n’est plus qu’un lointain souvenir. La législation, autrefois saluée par... L’article Le sac en plastique fait son grand retour est apparu en premier sur ALBAYANE.

Le sac en plastique fait son grand retour
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Huit ans après la loi «Zéro Mika» Par Jamal Eddine Felhi En 2016, le Maroc s’est imposé comme un précurseur dans la lutte contre la pollution par les sacs en plastique en adoptant une loi audacieuse interdisant leur usage. Huit ans plus tard, cette initiative n’est plus qu’un lointain souvenir. La législation, autrefois saluée par les défenseurs de l’environnement, semble aujourd’hui reléguée aux oubliettes à cause d’un relâchement manifeste dans son application. La loi, pourtant claire, interdit strictement la fabrication, l’importation, l’exportation, la commercialisation et l’utilisation de sacs en plastique. Mais sur le terrain, la réalité est loin de correspondre aux ambitions initiales. Les campagnes de contrôle et les spots télévisés de sensibilisation ont disparu, alors que la loi est de moins en moins respectée. On en parle même plus ! Si les grandes surfaces ont cessé de distribuer des sacs en plastique gratuits, elles ont trouvé le moyen d’en tirer profit. Elles proposent à la vente, depuis l’entrée en vigueur de cette loi, des sacs tissés payants de différents formats. Une contrainte qu’elles ont transformée en une opportunité commerciale. En revanche, dans les marchés, les commerces de proximité et chez les vendeurs ambulants, où le plastique est de nouveau devenu, de nos jours, omniprésent, la situation est préoccupante. Les produits y sont systématiquement emballés dans des sachets en plastique de toutes les tailles. Et en prime, les commerçants offrent généreusement aux clients des sacs en plastique pour transporter l’ensemble de leurs achats, comme si la loi n’existait plus. Les jadis célèbres sacs noirs, qui continuent d’être utilisés aujourd’hui illégalement par les vendeurs des boissons alcoolisées, ont ainsi cédé la place à des versions de toutes les couleurs. Une évolution en apparence anodine, mais qui illustre le retour en force d’une pratique censée être révolue. Pourtant, le Maroc continue de jouer un rôle actif sur la scène internationale, affichant un discours volontariste en matière de lutte contre la pollution plastique. En février 2024, lors de la 13ᵉ conférence de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Abou Dhabi, il s’est illustré en coparrainant une déclaration en faveur de la réduction du commerce des plastiques. Une déclaration qui appelle, notamment, à l’adoption de mesures pour limiter les effets néfastes des plastiques sur l’environnement, en particulier ceux à usage unique et non essentiel, tels que les emballages. Décalage entre les engagements proclamés et la réalité Mais alors que notre pays s’érige en modèle de responsabilité environnementale à l’international, l’absence de contrôle et l’ineffectivité de la loi sur les sacs en plastique révèlent un profond décalage entre les engagements proclamés et la réalité vécue au niveau national. Il est cependant vrai que le problème de la pollution par le plastique dépasse largement les frontières marocaines et demeure un fléau environnemental majeur. Selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, sa production au niveau mondial dépasse annuellement les 430 millions de tonnes. Et pour ne rien arranger, les deux tiers de cette production concernent des articles à usage éphémère, qui se transforment rapidement en déchets, dont une grande partie finit dans les océans, où ils se fragmentent en micro-plastiques et contaminent non seulement la faune marine, mais aussi la chaîne alimentaire humaine. Tout le monde sait, par ailleurs, que le plastique, non biodégradable, peut persister durant des siècles avant de se décomposer, polluant les sols, infiltrant les nappes phréatiques et menaçant la biodiversité. Dans les océans, il piège et asphyxie les espèces marines, tandis que sur terre, il empoisonne les ressources en eau et représente un risque sanitaire majeur. Au-delà de son impact environnemental direct sur l’environnement, le plastique constitue également un puissant accélérateur de la crise climatique, alertent encore les experts onusiens. Sa production, particulièrement énergivore, repose sur l’exploitation intensive de combustibles fossiles, en premier lieu le pétrole brut, qui subit un processus complexe de transformation en polymères nécessitant d’importantes quantités d’énergie et l’utilisation de substances chimiques, alourdissant considérablement le bilan carbone mondial. En 2019, la production mondiale de plastique a généré 1,8 milliard de tonnes de gaz à effet de serre, soit 3,4 % des émissions globales. Un impact environnemental considérable qui souligne l’urgence d’une transition vers des alternatives durables. Au Maroc, certes des mesures ont été mises en place pour encadrer l’application de la loi, comme l’obligation de licence pour l’importation du polyéthylène, principal composant servant à la production des sacs en plastique. Mais sans un contrôle rigoureux sur le terrain, ces dispositifs restent insuffisants, d’autant plus que des unités clandestines de fabrication de plastique utilisent des matériaux hautement toxiques et nuisibles récupérés dans les décharges pour poursuivre illégalement la production des sacs en plastique, au mépris de la loi, et des normes sanitaires et environnementales. Aussi ambitieuse soit-elle, une législation ne peut porter ses fruits sans un suivi rigoureux à tous les niveaux et une sensibilisation continue. Faute de tels efforts, la loi risque de rester lettre morte, minée par des habitudes profondément ancrées et les intérêts économiques en jeu. Aujourd’hui, deux voies se présentent au Maroc : consolider son statut de précurseur dans la lutte contre la pollution plastique ou laisser s’installer un relâchement progressif qui compromettrait son image et ses engagements internationaux. La bataille contre le plastique est loin d’être gagnée, mais elle mérite d’être menée avec cohérence, persévérance et détermination sans faille aucune. L’article Le sac en plastique fait son grand retour est apparu en premier sur ALBAYANE.