Il y a un certain nombre de choses qui prospèrent au Royaume Chérifien. Parmi elles, nous retrouvons les mouettes d’Essaouira, le calme bleuté de Chefchaouen, la neige immaculée d’Ifrane, les portes impériales de Meknès, mais aussi le sable fin du Sahara Marocain.
Le développement socio-économique des Provinces du Sud, qui comptent plus d’un million d’habitants, fait l’objet de l’attention particulière de Sa Majesté. (1) Le Nouveau Modèle de Développement des Provinces du Sud (NMDPS) (2) a émergé en conséquence, doté d’un budget de 81 milliards de dirhams au service de nombreux projets d’utilité publique, souhaités comme disruptifs et structurants. Nous retrouvons parmi eux le désenclavement, à travers la construction d’une autoroute stratégique entre Tiznit et Dakhla (3) ou encore une zone portuaire de classe mondiale à Al Argoub (4), des infrastructures pourvoyeuses de ressources hydriques tels que les stations de dessalement d’eau de l’Atlantique (5), mais aussi le développement sérieux et ambitieux des énergies renouvelables. Les valeurs d’irradiation annuelle sont supérieures à 2200 kWh/m², réparties sur les 266 000 km² d’étendues sablées (6) , soit une énergie solaire presque équivalente à ce que reçoit l’ensemble de la France métropolitaine deux fois plus vaste. La vitesse moyenne annuelle du vent oscille entre 7.5 et 10 m/s à 100 m d’altitude (7), qui correspond à peu près à ce que nécessite une éolienne pour délivrer sa puissance nominale (8). Ainsi suffit-il au fils du Sahara d’orienter son regard vers le ciel pour apercevoir l’opportunité providentielle d’un développement pérenne et continuel, propice au rayonnement de sa destinée. Ce potentiel naturel et exceptionnel est susceptible, à travers le photovoltaïque, le solaire thermodynamique et l’éolien, d’alimenter en électricité les foyers et industrie alentours, voire même le reste du Royaume avec l’infrastructure qui convient (9). Cette utilisation trouve toutefois ses limites dans l’instabilité intrinsèque de l’énergie électrique qui sera intégrée au réseau, à cause de l’intermittence de l’ensoleillement et l’irrégularité des vents (10). La non pilotabilité de ces sources requiert une stabilisation du réseau, qui passe notamment par l’utilisation d’infrastructures de stockage encore immatures lorsqu’il s’agit d’énergie électrique (11). Il existe toutefois un phénomène électrochimique qui consiste à fracturer une molécule d’eau à l’aide d’un courant électrique afin de récolter de l’hydrogène et de l’oxygène : c’est l’électrolyse de l’eau (12). Et c’est précisément en redirigeant cette électricité “verte” vers cette application qu’il est possible de faire du Sahara Marocain un hub mondial pour la production de l’hydrogène “vert” (13), conformément aux dernières directives de Sa Majesté (14). L’hydrogène, qui peut se targuer d’une densité énergétique trois fois supérieure à l’essence (15) en n’émettant au cours de sa combustion rien de plus que de la vapeur d’eau, pourrait représenter 14% de la demande mondiale d’énergie d’ici 2050 (16). A l’heure de la décarbonation globale, l’hydrogène vert, dont l’intégralité du cycle de vie est neutre en carbone, s’impose naturellement comme une ressource sollicitée des économies modernes. Aujourd’hui, selon une étude dernièrement parue à l’International Journal of Hydrogen Energy, le Sahara Marocain est capable de produire un kilogramme d’hydrogène vert à un coût plancher de $2.54 (17). Selon cette même étude, ce coût continuera à diminuer par effet d’échelle à mesure que les capacités installées d’énergie renouvelable augmenteront, le corrélant fortement au coût de l’électricité. Il avoisine aujourd’hui une moyenne de $7.50 en Europe (18), mais reste généralement en dessous de $2.5 pour le kilogramme d’hydrogène issu du vaporeformage du méthane (19), particulièrement polluant, et qui représente 95% de l’hydrogène actuellement produit. Aussitôt le coût de production et de transport (l’hydrogène est un gaz coûteux à stocker et transporter à cause de sa grande volatilité) sera-t-il compétitif avec celui de l’hydrogène européen issu du vaporeformage, que ce soit en valeur nominale ou à l’aide de “taxes carbone”, nous pouvons raisonnablement nous attendre à voir le Sahara Marocain se muer en premier exportateur d’énergie bas-carbone vers l’Europe. C’est dans cette continuité que se dessine aujourd’hui une part substantielle des relations diplomatiques entre le Royaume Chérifien et le continent Européen (20) (21), et plus encore lorsqu’il s’agit de la renaissance de ses accointances avec la France (22) (23). Le gouvernement, sous l’impulsion de Sa Majesté, a agi en conséquence et a proposé aux investisseurs du monde entier une offre globale (24) constituée, outre de nombreux avantages fiscaux, d’un espace foncier d’un million d’hectares pour développer des solutions industrielles de production d’hydrogène vert. C’est ce type d’initiatives qui, en plus de favoriser la baisse des coûts de production et stimuler la compétitivité de l’hydrogène ainsi produit, peut constituer un point de rupture dans le développement socio-économique des Provinces du Sud par la création d’un certain nombres d’emplois durables, directs et indirects, stimulant un cercle vertueux dans l’économie locale et nationale. C’est ainsi que le ministre de l’Inclusion économique annonçait dernièrement compter sur le secteur de l’hydrogène vert pour générer 300 000 emplois directs d’ici 2030 (25). Effet d’annonce politique ou projection fondée ? Nous rappelons que la région compte un million d’habitants. Cet ordre de grandeur est toutefois audible aux conditions suivantes : Que la compétitivité de l’hydrogène vert produit au Maroc (incluant son coût de production et de transport) puisse rivaliser avec celle d’hydrogène gris d’Afrique du Nord et d’Europe, que cela soit nominalement ou relativement (par l’application d’une taxe carbone). Que l’attractivité du territoire et le pouvoir de négociation des pouvoirs publics permettent le développement local d’unités industrielles de fabrication de composants essentiels à la chaîne de valeur de l’hydrogène vert. Ainsi serait-il éminemment souhaitable de voir les composants électrotechniques tels que les transformateurs ou alternateurs, les pâles et mats d’éoliennes, voire même les panneaux photovoltaïques, développés et produits dans le Sahara ou le territoire national, profitant d’une force de travail de plus en plus qualifiée et d'une proximité géographique immédiate. Un tel développement pourrait sans conteste fleurir sur la scène internationale comme la démonstration éloquente d’une transition énergétique vertueuse et empreinte de justice sociale. Ainsi l’hydrogène vert aura-t-il été au service du Sahara Marocain. Ainsi le Sahara Marocain aura-t-il été au service du monde de demain.
(1) https://www.sahara.ma/fr/discours-royaux/discours-de-sa-majeste-le-roi-mohammed-vi-loccasion-du-40eme-anniversaire-de-la (2) https://www.cese.ma/docs/nouveau-modele-de-developpement-pour-les-provinces-du-sud/ (3) https://fr.hespress.com/373777-avancement-a-97-lautoroute-tiznit-dakhla-ouvre-ses-troncons-cles-au-coeur-du-sahara.html (4) https://telquel.ma/2023/12/15/dix-choses-a-savoir-sur-le-nouveau-port-de-dakhla-atlantique_1848330 (5) https://www.lavieeco.com/au-royaume/stress-hydrique-le-maroc-a-lance-plusieurs-mega-projets/ (6) https://solaratlas.masen.ma/map?c=28.886494:-9.05077:5&s=31.625815:-7.989137 (7) https://www.amee.ma/sites/default/files/inline-files/Atlas_Eolien_Numerique_1.pdf (8) https://www.refletsdelaphysique.fr/articles/refdp/pdf/2024/01/refdp202477p67.pdf (9) https://fr.le360.ma/economie/sahara-lonee-va-construire-une-nouvelle-autoroute-electrique-reliant-dakhla-a-casablanca_HJTH2L6T7RHHLPTOU7Z5PDYSOQ/ (10) https://eepower.com/tech-insights/intermittent-and-volatile-renewable-energy-challenges-grid-stability/# (11) https://www.weforum.org/agenda/2023/08/storage-is-the-key-to-the-renewable-energy-revolution/ (12) https://www.futura-sciences.com/sciences/definitions/physique-electrolyse-339/ (13) https://www.leconomiste.com/flash-infos/le-maroc-hub-mondial-en-devenir-pour-la-production-d-hydrogene-vert#:~:text=Le Maroc%2C avec ses vastes,et respectueuse de l'environnement (14) https://www.cg.gov.ma/fr/node/11357 (15) https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/hydrogene-energie (16) https://www.irena.org/Publications/2023/Dec/International-trade-and-green-hydrogen-Supporting-the-global-transition-to-a-low-carbon-economy (17) Ourya, Ilham; Nabil, Nouhaila; Abderafi, Souad; Boutammachte, Noureddine; Rachidi, Samir (2023). Assessment of green hydrogen production in Morocco, using hybrid renewable sources (PV and wind), International Journal of Hydrogen Energy. (18) https://observatory.clean-hydrogen.europa.eu/sites/default/files/2024-02/Report 01 - The European hydrogen market landscape - February update.pdf (19) https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/le-veritable-cout-de-lhydrogene-vert-122235/ (20) https://www.maroc-hebdo.press.ma/ruee-europeenne-lhydrogene-vert-marocain (21) https://www.lavieeco.com/affaires/energie-renouvelables-le-sahara-marocain-pourrait-satisfaire-10-des-besoins-de-leurope/ (22) https://www.lexpress.fr/environnement/transition-energetique-pourquoi-la-france-ne-doit-pas-se-refacher-avec-le-maroc-TOC7LI53RRAQBBP2PDDH2D7PPA (23) https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/04/29/au-maroc-bruno-le-maire-vante-la-transition-energetique-comme-nouveau-levier-de-la-relance-avec-la-france_6230573_3212.html (24) https://www.masen.ma/fr/hydrogene-vert-maroc (25) https://telquel.ma/instant-t/2024/10/08/younes-sekkouri-le-secteur-de-lhydrogene-vert-devrait-generer-environ-300-000-emplois-directs-dici-2030_1897689/