Attendons pour voir…
Nabil EL BOUSAADI
Dans le chaos qui avait suivi l’entrée des troupes américaines en Irak, en Avril 2003, les médias venus du monde entier pour couvrir l’évènement, avaient assisté, médusés, à la dévastation, par des hordes de pillards, de tous les musées de la capitale irakienne et des trésors millénaires qu’ils renfermaient à telle enseigne qu’en quelques jours, à peine, plus de 15.000 pièces d’archéologie d’une valeur inestimable avaient disparus.
Il s’agissait notamment de vases et de colliers babyloniens, de bronzes akkadiens qui sont le parfait témoignage du développement de la « Cité-Etat » suméro-akkadienne qui avait dominé la Mésopotamie de la fin du XXIVe au début du XXIIe siècle av. J.-C, de poteries et de coutelas de la Perse antique ainsi que des tablettes en argile sur lesquelles étaient gravés des textes en cunéiforme, la plus ancienne écriture humaine connue.
C’est à croire que l’armée US, qui représente un pays qui a moins de 4 siècles d’existence et qui – qu’on veuille bien l’admettre ou non – est né d’un génocide, avait délibérément laissé disparaître des objets qui sont le précieux témoignage d’une civilisation millénaire.
Deux décennies plus tard, c’est l’armée israélienne qui prend le relais et qui poursuit, au Liban, et au nom de sa lutte contre le Hezbollah, l’œuvre commencée en Irak, par sa grande protectrice et ce, en bombardant la ville de Baalbek, au nord de la plaine de la Bekaa, au Nord-Est du pays, qui abrite des ruines qui sont un impressionnant témoignage de l’architecture romaine à l’époque impériale et qui sont inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Réputée pour sa vie intellectuelle et culturelle, Baalbek est multiconfessionnelle car si les 2/3 de ses habitants sont chiites, les sunnites et les chrétiens constituent le tiers restant.
Avec une histoire qui remonte jusqu’à la fin du IIIème millénaire av. J-C, Baalbek était une ville phénicienne où était célébré le culte de Baal, Dieu de la foudre qui, en formant avec Astarté le couple divin le plus populaire dans la zone phénico-cananéenne, donnait, également, des pluies bienfaitrices.
Les Romains y avaient édifié trois temples géants ; à savoir, le temple de Bacchus qui reste, à ce jour, l’un des temples les mieux conservés du monde gréco-romain, le temple de Jupiter qui ne comprend plus aujourd’hui que six colonnes de granite et le temple de Vénus.
Mais si, à la suite des multiples frappes aériennes lancées, dans la nuit de mardi à mercredi, contre plusieurs villes et localités situées dans les environs de Baalbek, on sait que 60 personnes auraient été tuées car, en réponse à l’avis d’évacuation adressé, par l’armée israélienne, à tous les habitants de la zone, nombreux étaient ceux qui avaient évacué la région, comme l’ont confirmé les photos publiées par les médias locaux et les images partagées sur les réseaux sociaux qui attestent, par ailleurs, que des frappes ont été lancées sur le site archéologique précité, on ignore, en revanche, l’étendue des dégâts.
Il ressort, également, d’un message publié sur les réseaux sociaux que, pour sauvegarder les sites archéologiques de la ville, le gouverneur de Baalbek a exhorté les habitants à ne pas essayer de se réfugier dans les temples romains et de bien vouloir se diriger vers Arsal, à 30 kilomètres au nord de Baalbek ou dans le gouvernorat du Nord.
L’armée expansionniste israélienne, qui cherche, clairement, à faire le vide autour de l’Etat d’Israël pour préserver les siens, et qui prétend viser des dépôts de carburant afin de stopper l’acheminement, au profit du Hezbollah, d’armes et d’artillerie en provenance d’Iran, va-t-elle se contenter de faire évacuer la zone de ses habitants tout en s’abstenant de détruire les sites archéologiques que renferme la ville de Baalbek et qu’elle a le devoir de protéger dès lors qu’ils sont inscrits, par l’UNESCO, au patrimoine mondial de l’Humanité ?
Rien n’est moins sûr, tant que le gouvernement le plus extrémiste qu’ait connu l’Etat juif depuis sa création reste sourd aux appels de la communauté internationale, mais attendons pour voir…
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