Par El Mostapha BAHRI, Economiste
L’Internet est devenu l’un des outils les plus redoutables pour toucher le maximum de consommateurs en vue de leur proposer des produits et des services à l’achat. Ce e-commerce gagne du terrain de jour en jour. Les e-commerçants sont soit des commerçants qui ont déjà leurs magasins ou dépôts et proposent parallèlement leurs produits et services ou à partir de leurs domiciles ou sans lieu fixe qui font des offres de vente à travers des publicités sur la toile.
Dans ce genre de commerce plusieurs consommateurs trouvent un grand intérêt, puisqu’il leur évite tout déplacement et leur donne une occasion pour réfléchir avant de passer à l’acte d’achat. Mais, ce genre de commerce n’est pas sans conséquences, du fait que le consommateur qui se décide d’après de simples images ou descriptions, risque de recevoir un objet ou une offre de service qui ne correspond pas exactement à ce qu’il attendait. De même, la question de fiabilité et de sécurité d’un matériel électronique ou mécanique, en raison d’une mauvaise mise en œuvre, n’est pas à écarter.
Actuellement, le problème du délai de livraison est presque résolu et la majorité des e-commerçants installés au Maroc, livre dans les 24 ou 48 heures et les paiements se font en général après la livraison. Il reste cependant certaines difficultés lorsque l’acheteur constate après paiement et livraison un défaut. Dans ce cas, il risque d’éprouver quelques difficultés à faire valoir ses droits contre un vendeur éloigné et dans plusieurs cas, non identifié.
A souligner que la loi marocaine sur la protection du consommateur (loi n° 31-08 du 18 février 2011) a défini la technique de communication, l’opérateur de technique de communication ainsi que le cyber commerçant, pour éviter toute confusion ou éventuelle mauvaise interprétation.
Ainsi, les personnes concernées sont : « toute personne physique ou morale exerçant une activité à distance ou proposant, par un moyen électronique, la fourniture d’un produit, d’un bien ou la prestation d’un service au consommateur et également à tout contrat résultant de cette opération entre un consommateur et un fournisseur au moyen d’une technique de communication à distance ».
Ce genre de vente allait crescendo depuis la Covid 19. En effet, la multiplication de microentreprises de e-commerce et de sites web de commerce électronique, et d’annonces de vente de produits et services sur Facebook et autres plateformes ne cesse de se développer, notamment avec des encouragements de création de PME, voire des TPE. Les ventes concernent les produits de tous les secteurs d’activités (ustensiles de cuisine, équipements électriques, vêtements, tissu, matériel électronique grand public, séjours dans des maisons d’hôtes dans les montagnes, excursions, voyages organisés, ainsi que les produits alimentaires, ainsi que les plats cuisinés livrés à domicile, etc. D’ailleurs, avec les possibilités offertes par le commerce international et les prix proposés s’agissant d’achat de grandes quantités, il suffit de disposer d’un espace de stockage et de lancer des spots publicitaires pour commercer à distance.
Néanmoins, le développement de ce type de vente attire certaines personnes indélicates et malhonnêtes qui proposent des réductions alléchantes pour attirer les consommateurs à la recherche des bonnes affaires à tomber dans leurs pièges. Seul moyen de contact avec ces vendeurs, est un numéro de WhatsApp. D’ailleurs, une simple consultation de Facebook donnera une idée sur le nombre d’annonces et les numéros de WhatsApp à contacter par les consommateurs, pour toute opération d’achat. La suite à donner aux appels du consommateur, en cas de problème, est liée à la bonne volonté des vendeurs et non pas au respect de la loi sur la protection du consommateur.
D’ailleurs, le portail mis en place par le Département de commerce (www.khidmat-almostahlik.ma) dédié au consommateur, permet à ce dernier de déposer des requêtes soit pour demander des renseignements ou pour signaler des faits susceptibles de tomber sur le coup des dispositions de la loi n° 31-08 (plaintes). Ce site reçoit régulièrement des requêtes signalant des problèmes engendrés par les ventes à distance. Mais, le nombre de cas résolu n’est pas signalé au niveau de cette plateforme.
Dans ce cadre, et en cas de problème, c’est la recherche de solutions à l’amiable qui est la plus pratiquée, comme l’a affirmé Ouadie Madih, secrétaire général de la Fédération Nationale des Associations du consommateur : « Actuellement, on essaie de résoudre les problèmes à l’amiable avec les commerçants inscrits au registre de commerce, et qui dispose d’une adresse physique connue[1]« . D’où les limites des dispositions de la loi sur la protection consommateur en ce qui concerne le e-commerce. Par ailleurs, dans une interview publiée par Al Bayane[2], Monsieur Ouadie a signalé que « Nous rencontrons énormément de problèmes avec ce genre de pratiques parce qu’ils ne se basent sur aucun fondement contractuel tel que la loi le définit. C’est là où il y a beaucoup d’arnaques et des problèmes dans la vente du produit, l’échange, la rétractation, la livraison ou encore le paiement ».
D’ailleurs, « ces professionnels (du e-commerce) refusent souvent d’appliquer le droit de rétraction et refusent le remboursement. De ce fait, au moment de la livraison, le consommateur doit, avant de signer le bon de livraison et d’accepter le colis, procéder à un examen rapide de l’état de la marchandise (avant d’effectuer le payement[3]), vérifier que le bon de livraison correspond à la marchandise livrée : nature de la marchandise, quantité, etc., et aussi vérifier que la marchandise livrée correspond à la commande effectuée: nature de la marchandise, quantité, etc[4] ».
A souligner que, vis-à-vis de la loi suscitée, le fournisseur est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient à exécuter par le fournisseur qui a conclu ce contrat ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.
De même, et en principe, toute vente à distance doit obligatoirement donner lieu à l’établissement d’un contrat. Malheureusement, le consommateur ne reçoit ni contrat, ni facture. La seule trace de certaines transactions qui restent est lorsque le paiement se fait par carte électronique. Mais quand il s’agit de paiement à la livraison, le consommateur ne reçoit que le produit acheté en contrepartie du paiement effectué en espèce. Enfin, le consommateur ne doit faire confiance à toutes les réductions et les soldes proposées sur la toile. Il est tenu de s’assurer de ces offres et faire des comparaisons. D’ailleurs, une simple recherche sur Internet facilite ces opérations de comparaison des prix et de la qualité.
En conclusion, bien que le e-commerce continue d’évoluer et de s’affirmer comme un pilier incontournable de l’économie moderne, il est crucial de reconnaître les défis et les risques qui l’accompagnent. La croissance rapide de ce secteur, exacerbée par des pratiques parfois peu scrupuleuses, appelle à une régulation plus stricte et à une meilleure protection des consommateurs. Il est impératif que les autorités renforcent les contrôles, obligent à une facturation systématique et favorisent la transparence dans les transactions en ligne. De plus, l’écoute, le soutien et l’accompagnement des consommateurs par les associations doivent être accentués pour les sensibiliser aux dangers potentiels du commerce à distance. En agissant collectivement pour instaurer un cadre réglementaire solide, il sera possible d’assurer un environnement d’achat en ligne plus sûr et plus fiable pour tous.
Pour protéger le consommateur des risques liés du e-commerce, il est proposé les mesures suivantes :
Le renforcement du corps des enquêteurs relevant des différents départements ministériels par des spécialistes dans le domaine du e-commerce. Il y a lieu d’établir des exigences claires pour les e-commerçants, notamment l’obligation de fournir des informations transparentes sur leurs identités, leurs adresses physiques et leurs conditions de vente.
L’obligation de facturation : Exiger que toutes les transactions en ligne donnent lieu à l’émission d’une facture, quelle que soit la méthode de paiement, afin de garantir une traçabilité et une preuve de l’achat.
La mise en place d’un registre des vendeurs : Créer un registre national des e-commerçants, où chaque vendeur doit s’inscrire avant de pouvoir opérer, facilitant ainsi l’identification et le suivi des vendeurs.
Les contrôles et enquêtes renforcés : Mettre en place un dispositif qui permet de contrôler les sites de e-commerce pour s’assurer qu’ils respectent les lois en vigueur, notamment en matière de sécurité des produits et de protection des consommateurs.
Les campagnes de sensibilisation : Lancer des campagnes d’information destinées aux consommateurs pour les éduquer sur leurs droits, les risques du e-commerce et sur les bonnes pratiques à adopter lors de leurs achats en ligne.
La création d’une plateforme de signalement : Améliorer le portail existant pour permettre aux consommateurs de signaler facilement les pratiques abusives et d’accéder à des conseils sur la manière de résoudre leurs litiges.
Le rôle des associations des consommateurs : Il doit être renforcé davantage pour être à l’écoute du consommateur et le sensibilise sur les risques encourus lors des achats à distance.
La mise en place d’un système de médiation : Créer un dispositif de médiation entre les consommateurs et les e-commerçants pour résoudre les litiges de manière rapide et efficace, avant d’envisager des actions judiciaires.
Le droit de rétractation : Veiller à ce que le droit de rétractation soit clairement communiqué aux consommateurs et systématiquement appliqué, permettant ainsi un retour des produits en cas de non-satisfaction.
Etablir une liste noire des vendeurs défaillants : Publier une liste noire des e-commerçants qui ne respectent pas leurs obligations, afin d’avertir les consommateurs et de les aider à éviter les arnaques. Cette liste doit comporter les numéros de WhatsApp et éventuellement les adresses des défaillants, s’il s’agit de commerçants disposant d’un local.
En adoptant ces mesures, l’administration pourrait non seulement renforcer la protection des consommateurs, mais aussi encourager un développement sain et durable du secteur du e-commerce.
[1] Média 24, du 12 Mai 2020.
[2] https://albayane.press.ma/ du 1er juin 2022.
[3] Note de l’auteur de l’article.
[4] Al Bayane, Op.cit.
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