Au-delà de son effet stabilisateur, la méthadone joue un rôle clé dans la réduction des risques liés à la consommation de drogues injectables, notamment la transmission du VIH et de l’hépatite C. Un bénéfice sanitaire majeur qui place ce traitement au cœur des stratégies de santé publique.
Depuis l’introduction des programmes de substitution à la méthadone au Maroc, des centaines de patients en situation d’addiction aux opiacés ont pu retrouver une stabilité et un espoir de réinsertion.
Pourtant, malgré ses bénéfices avérés, ce traitement reste difficile d’accès et souffre encore de nombreux préjugés. Décryptage d’une avancée médicale qui peine à atteindre son plein potentiel.
Une alternative à l’enfer de l’addiction
L’addiction aux opiacés, notamment à l’héroïne, est une spirale infernale. Entre craving insatiable, sevrage douloureux et risques sanitaires majeurs, les personnes dépendantes se retrouvent souvent prises dans un cercle vicieux dont il est difficile de sortir.
C’est ici qu’intervient la méthadone. Ce traitement de substitution, utilisé dans de nombreux pays, agit comme un agoniste opioïde en ciblant les mêmes récepteurs que l’héroïne, mais avec une action prolongée et sans effet euphorique. «Elle bloque les symptômes de manque et réduit considérablement les envies compulsives, permettant ainsi aux patients de reprendre progressivement une vie sociale et professionnelle», explique le Dr. Imane Kendili, psychiatre spécialisée en addictologie et pathologies associées.
Au-delà de son effet stabilisateur, la méthadone joue un rôle clé dans la réduction des risques liés à la consommation de drogues injectables, notamment la transmission du VIH et de l’hépatite C. Un bénéfice sanitaire majeur qui place ce traitement au cœur des stratégies de santé publique.
Un traitement efficace, mais loin d’être une solution miracle
Si la méthadone est reconnue pour son efficacité dans la réduction de la consommation de drogues illicites, elle n’est pas pour autant une solution universelle.
Certains patients parviennent à s’en sevrer progressivement, tandis que d’autres doivent la prendre à long terme.
«Cela soulève une question essentielle : faut-il viser une abstinence totale ou considérer la substitution prolongée comme un moindre mal ?» interroge le Dr. Kendili. «L’addiction n’est pas qu’une dépendance physique, elle est aussi liée à des facteurs psychologiques, sociaux et environnementaux. Sans un accompagnement psychothérapeutique, le traitement médicamenteux seul ne suffit pas.»
En effet, la réussite d’un parcours de soins repose sur une prise en charge globale, incluant un suivi psychiatrique, des thérapies comportementales et un soutien social. L’objectif : aider les patients à reconstruire leur vie, loin des drogues et de la marginalisation.
Un accès encore trop limité et une stigmatisation persistante
Si le Maroc a fait des progrès en matière de prise en charge des addictions, notamment avec la mise en place de centres spécialisés à Casablanca, Rabat et Tanger, l’accès à la méthadone reste encore insuffisant.
«En dehors des grandes villes, les patients peinent à obtenir un suivi régulier et doivent parcourir de longues distances pour recevoir leur traitement», regrette le Dr. Kendili. Une contrainte qui peut décourager certains et les pousser à replonger dans la consommation de drogues illicites.
Un autre frein majeur est la stigmatisation. Dans la société marocaine, être sous méthadone est encore perçu comme un signe de faiblesse ou d’échec. «Beaucoup de patients hésitent à demander de l’aide par peur du regard des autres. Or, il est fondamental de changer cette perception et de reconnaître que l’addiction est une maladie chronique, qui nécessite un traitement adapté et un suivi sur le long terme», insiste la psychiatre.
Des défis à relever pour une meilleure prise en charge
Si la méthadone représente une avancée indéniable, plusieurs défis restent à relever pour améliorer la prise en charge des patients dépendants aux opiacés au Maroc :
• Élargir l’accès aux traitements, notamment en développant des centres de substitution en dehors des grandes villes.
• Former davantage de professionnels de santé pour mieux accompagner les patients dans leur parcours de soins.
• Développer des alternatives thérapeutiques, comme la buprénorphine, qui offre une approche différente de la substitution.
• Mener des campagnes de sensibilisation pour lutter contre la stigmatisation et encourager les personnes en difficulté à se faire accompagner.
«La méthadone est un outil précieux dans la lutte contre l’addiction aux opiacés, mais elle ne peut être efficace que si elle est intégrée dans une approche globale et humaine», conclut Dr. Kendili.
En offrant aux patients des solutions adaptées et un suivi de qualité, le Maroc peut espérer non seulement réduire les ravages de l’addiction, mais aussi favoriser une réinsertion durable et réussie de ces personnes en quête de rédemption.