Le président historique du Comité Stratégique de M5-RFP n’aura que trop longtemps résisté au sort qui lui pendait au nez, depuis sa longue absence pour cause de maladie et son retour au forceps dans le fauteuil primatorial. En dépit de ses envolées dithyrambiques et de ses talents en panégyriques des pouvoirs kaki, il est finalement remplacé par le même Premier ministre intérimaire qui allait lui ravir la vedette. Faute de le prendre en défaut sur l’inaptitude physique et sa santé fragile, Choguel Maïga est débarqué au détour de sa lassitude de l’ostracisme qui lui était infligé dans un appareil d’Etat affecté par la duplicité décisionnelle et la fracture gouvernementale, selon ses propres dénonciations. C’était visiblement une compromission longtemps refoulée, mais aussi la couleuvre qu’il fallait digérer pour résister au coup de balai des « anciens colonels ». Or le président du M5, il y une dizaine de jours, choisissait de s’y prendre par une expression de ras-le-bol inédite dans l’histoire des rapports interinstitutionnels. Excipant, en effet, d’une commémoration de la reprise de Kidal par l’armée, le « PM clivant » a littéralement mis les pieds dans le plat, à coups de dénonciations du traitement qui lui est infligé à travers des décisions gouvernementales qui lui passaient par-dessus la tête en tant que chef de l’administration. C’est le cas, parmi tant d’autres, du report des élections que Choguel Maïga affirme avoir appris au même titre que le citoyen lambda.
C’était le Rubicon qu’il ne fallait pas franchir pour s’épargner le limogeage qu’une certaine opinion attendait depuis l’adhésion assumée de la Primature au foudroyant Mémorandum du M5 et l’arrestation de proches au nez et à la barbe du locataire des lieux. Ainsi, en dépit du pacte d’honneur dont il est seul à se prévaloir, le président du Comité Stratégique a peut-être échappé de peu au même sort qu’avaient connu certains de ses prédécesseurs en délicatesse avec les militaires. Mais, quoique remercié sans le moindre remerciement, la discourtoisie à son égard n’est en rien comparable à la brutalité infligée à un certain Cheick Modibo Diarra ou Moctar Ouane. Son départ de la Primature reste néanmoins un pied-de-nez, au regard de son remplacement par la même personne avec laquelle une sournoise rivalité est entretenue depuis la fin de la période intérimaire au sommet du gouvernement et l’avènement d’un ministre d’Etat.
Le retour aux fonctions de PM du ministre de l’Administration sortant, puisqu’il s’agit de lui, intervenu seulement quelques heures après la rupture d’avec de Choguel Maïga, marque par ailleurs l’accomplissement d’une instrumentalisation politique longtemps cautionnée, au détour du vocale «aile politique de la Transition». Et pour cause, la mainmise des anciens «5 Colonels» sur les rênes de l’Etat n’a jamais été aussi effective et totale qu’avec l’avènement d’un attelage institutionnel exclusivement militaire et qui parachève du coup une œuvre de dépolitisation pressentie depuis la formation de l’équipe sortante, avec la bénédiction du PM évincé.
En plus d’en profiter pour porter un Général de Division à la tête de l’administration d’Etat, l’explosion du duo entre Choguel-Assimi aura produit la brèche par laquelle le gouvernement s’est purgé de ce qu’il restait de ses rares composantes partisanes. Elles ont été emportées par la vague des huit (7) ministres virés en même temps que le président du M5 et remplacés par des arrivants sans relief apparent. Hormis l’ancienne ambassadrice, Oumou Sall Seck devenue nouvelle ministre de l’emploi et de l’entrepreneuriat, l’opinion n’a de cesse de s’interroger sur la provenance des autres nouveaux membres de l’équipe que dirige le super PM Abdoulaye Maïga en conservant son portefeuille de ministre de l’Administration territoriale. Les autres rescapés gardent également intacts leurs portefeuilles respectifs, si bien que l’ancienne architecture gouvernementale n’en est altérée que par l’avènement d’un département délégué (auprès du Premier ministre) en charge du processus électoral. La composition de l’équipe gouvernementale, en revanche, subit une modification au tiers de sa taille. Laquelle s’opère aux dépens de plusieurs caciques, dont de fidèles serviteurs du PM et non moins porteurs de ce que le M5 pouvait encore prétendre partager avec le pouvoir : la Refondation. Fille ou faire-valoir du RFP d’obédience Choguel Maïga, elle demeure toujours une composante de l’action gouvernementale mais en étant orpheline de précurseurs comme Ibrahim Ikassa Maïga ou encore la ministre déléguée Mme Dicko Fatoumata, entre autres personnalités virées du gouvernement. Sauf qu’aux représentants de la tendance adversaire du M5, on a préféré des nouveaux arrivants sortis du chapeau de la présidence pour la plupart et dont le choix consacre une marginalisation définitive de l’aile politique de la Transition et de ses leaders. C’est le prolongement, au fait, d’une dynamique de militarisation qu’annonce depuis longtemps l’abondance de porteurs d’uniforme dans l’administration et les chancelleries maliennes et que le M5, toutes tendances confondues, pensaient cautionner aux seuls dépens des tendances hostiles à une perpétuation de la Transition. Or l’avènement d’un chef du Gouvernement, avec le cumul d’un portefeuille en charge des élections, préfigure un retour à l’ordre constitutionnel à la perte de l’ensemble de la classe politique.
A KEÏTA