L’Ia est en train de produire des bouleversements dans tous les secteurs de la vie sociale et économique. Même la Justice tente de prendre le train en marche pour se coller aux réalités des algorithmes, mais il faudra trouver les mécanismes d’encadrement afin de conserver le facteur humain dans la prise de décisions.
Par Justin GOMIS – Avec l’avènement de l’Intelligence artificielle, tous les secteurs sont contraints de s’adapter, à l’image de la Justice qui ne veut pas rater le train de la modernité. Ce secteur veut améliorer la pratique de la justice en utilisant l’Ia dont les capacités d’analyse et de traitement de données ont fini de transformer la société. Le Centre de formation judiciaire (Cfj) organise, depuis hier, un atelier de renforcement de capacités, en collaboration avec l’Unesco, sur le thème : «L’Intelligence artificielle et l’Etat de Droit en Afrique de l’Ouest.» Il vise à renforcer la capacité du pouvoir judiciaire à prendre des décisions relatives aux systèmes d’Ia, dans le respect de l’Etat de Droit et conformément aux normes et au Droit international. «L’Intelligence artificielle transforme aujourd’hui de nombreux secteurs, y compris celui de la Justice. Elle est utilisée pour automatiser certaines tâches juridiques, améliorer l’efficacité des tribunaux», explique Souleymane Teliko, le Directeur général du Cfj. D’après l’ancien président de l’Ums, «l’Ia est en train de transformer profondément les pratiques judiciaires dans le monde». Mais, son utilisation présente beaucoup de risques. «Cette évolution soulève des questions majeures en ce qui concerne notamment la transformation des algorithmes, l’équité des décisions et les risques liés aux biais algorithmiques. L’un des cas les plus emblématiques des défis posés par l’Ia dans le domaine judiciaire est celui du domaine Compass, utilisé aux Etats-Unis pour évaluer le risque de récidive des justiciables», expose M. Teliko. «Cette affaire illustre les implications de l’Ia dans la prise de décision judiciaire, les bénéfices potentiels de son utilisation, mais aussi les risques liés à l’amplification des discriminations, à la remise en cause de l’autonomie des juges», poursuit le juge Teliko.
Cet avis est partagé par Samba Kane, Conseiller technique du ministre de la Justice. «L’impact de l’Ia sur notre système judiciaire mérite une attention particulière, bien que ce phénomène soit encore moins visible dans notre région. Il est indéniable que l’Intelligence artificielle est en train d’impacter le domaine judiciaire à travers notamment les évaluations de risques, la définition des peines, la justice prédictive. Cette transformation systémique soulève des défis considérables», alerte M. Kane.
Face à cette réalité, il est urgent de «mettre en place des mécanismes de contrôle pour éviter les biais discriminatoires». Le défi est de «maintenir l’autonomie des magistrats et veiller à ce que l’Ia reste un outil d’aide à la décision, et non un substitut au jugement humain», prévient Souleymane Teliko.
Au Cfj, il faudra s’adapter. Comment ? «L’un des défis majeurs est de développer des modules d’apprentissage adaptés aux réalités locales, en prenant en compte certains aspects comme : l’évolution du Droit face à l’Ia, comment former les magistrats à statuer sur des affaires impliquant l’Ia ? L’Ia comme outil pour les professionnels du Droit ? Quelles technologies peuvent être utilisées par les magistrats pour accélérer et fiabiliser le traitement des dossiers ? L’éthique et la régulation de l’Ia en Afrique : comment encadrer juridiquement l’Ia tout en garantissant un Etat de Droit juste et équitable ? L’intégration des modules sur l’intelligence artificielle dans les cursus de formation des magistrats et des responsables judiciaires ne peut se limiter à une simple transposition de modèles étrangers», propose le directeur du Cfj.
Aujourd’hui, il faut une ingénierie pédagogique adaptée aux spécificités des systèmes judiciaires africains, prenant en compte les réalités légales, institutionnelles et technologiques locales. «Il faudra procéder à une identification des compétences-clés que les magistrats doivent acquérir pour comprendre, encadrer et utiliser l’Ia dans leurs décisions, un développement de supports pédagogiques adaptés (cas pratiques, études de décisions assistées par l’Ia, simulations interactives)», ajoute M. Teliko.
Il faut noter que cette rencontre a réuni des pays comme le Burkina, le Mali, la Côte d’Ivoire, qui réfléchissent sur les meilleures méthodes d’intégration des modules de formation sur l’Ia dans les programmes de formation initiale et continue au niveau des institutions de formation judiciaire.
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