Université annuelle du PPS
Khalid Darfaf
Les participants au deuxième panel organisé dans le cadre des activités de l’Université annuelle du Parti du progrès et du socialisme (PPS), qui s’est tenue samedi 9 novembre 2024 au siège du Parti à Rabat, ont été invités à répondre à la question portant sur les moyens envisageables de la réhabilitation de l’action politique. Ce débat, qui fut modéré par le journaliste, Younes Masskine, a vu la participation d’Amina Mae El Ainine, membre du Secrétariat général du Parti de la justice et du développement (PJD), Ahmed El Farhane, membre du bureau politique du Parti socialiste unifié (PSU), Salah El Ouadie, président du mouvement Damir et Fatima Zahra Barassat, membre du bureau politique du PPS.
Amina Mae El Ainine : « la gestion du pouvoir se fait en dehors de la logique constitutionnelle ».
Pour la militante du Parti de la justice et du développement (PJD), la réponse à une telle question requiert d’abord de se poser la question sur la définition de la politique elle-même.
La politique c’est d’abord le management des hommes ou encore l’art de la gestion du possible. Mais pour ce faire, il faut être doté d’une vision tout en faisant preuve d’un sens communicationnel à l’égard des citoyens », a-t-elle indiqué. Malheureusement, la réalité des choses nous renseigne aujourd’hui sur le fait que la politique fait défaut d’un « fil conducteur ». Autrement dit, la réhabilitation de l’action politique à besoin d’une véritable reconsidération de la théorie politique au lieu de sombrer dans une léthargie idéologique, a-t-elle clarifié. Selon elle, «on assiste à une dépréciation systématique de la politique ».
Toujours, selon l’ex-députée du PJD, la politique se définit aussi par une compétition positive autour du pouvoir. Or, force est de constater que la gestion du pouvoir se fait en dehors de la logique constitutionnelle, en se contentant seulement d’une démocratie procédurale.
En dépit de ces facteurs de blocages, la conférencière s’est dite optimiste tout en mettant l’accent sur le fait que l’exercice de l’action politique ne devait point se baser sur une approche unique prétendant gérer l’espace politique et les différances et reléguer les partis au second plan.
Il s’agit là d’une vision étroite, car la démocratie ne peut point fonctionner sans corps intermédiaires, en l’occurrence les instances partisanes.
Toutefois, les organisations partisanes sont tenues de faire leur aggiornamento en faisant prévaloir les valeurs éthiques, sinon elles vont se transformer en un bouclier au service d’une oligarchie, a-t-elle met en garde.
Ahmed El Farhane : « Sortir de la zone d’ombre vers la transparence »
De son côté, Ahmed Ferhane, de la direction du PSU, s’est attelée dans son intervention sur le discrédit de l’action politique dans l’imaginaire social des citoyens.
Son intervention fut d’ailleurs un véritable pamphlet à l’égard des partis progressistes qui ont, dans une certaine mesure, failli à leurs missions et ce, faute d’une appréciation juste de leur position politique.
Une situation qui s’explique par un certain déclin de la morale en matière de l’action politique. D’ailleurs, a-t-il noté, l’érosion de la légitimité des partis politiques démocratiques depuis les événements du 14 décembre 1990 où les partis se sont départis d’une logique de conflit tout en adoptant une posture consensuelle. Comme quoi, les partis démocratiques ont abandonné leurs idéaux, notamment celle de la construction d’un Etat national et progressive, a-t-il souligné. Qui plus est, l’intervenant a également évoqué la dépravation des règles du jeu politique et le parachutage des corrompus dans les rangs des partis progressistes. Cela étant, ces partis ont perdu leurs repères.
Pour lui, la réhabilitation de l’action politique passe par la correction du positionnement politique, la reconstruction du rang démocratique et des institutions, le relancement de la Koutla et la création d’un front social dont la visée est la moralisation de l’espace politique notamment au sein des partis politiques démocratiques.
Il va sans dire, a-t-il insisté, que cette moralisation de la vie politique passe par les partis politiques qui sont le vecteur de la transparence politique. Cela exige que l’exercice de l’action politique doive sortir de la zone d’ombre vers la transparence, a-t-il conclu.
Salah El Ouadie : « c’est la dynamique de la société qui pousse vers le changement »
Par ailleurs, Salah El Ouadie, président du mouvement Damir, a axé son intervention sur la question des droits de l’Homme tout en faisant référence à l’expérience de l’Instance de l’équité et de la réconciliation (IER).
Il faut dire, selon l’intervenant, que l’idée de l’IER provenait de la société marocaine et avait pour but de répondre à des questions cruciales portant sur la société et l’Etat. Et de souligner que la question des droits de l’Homme est un combat permanent, avant de mettre l’accent sur le fait « que nous ne vivons plus aujourd’hui de graves violations comme c’était le cas dans le passé. »
Abondant dans le même ordre d’idées, le conférencier a indiqué que le débat sur la réforme du système politique marocain ne date pas d’aujourd’hui, loin s’en faut !
En faisant référence au mémorandum établi par Damir, intitulé « Le Maroc que nous voulons », Salah El Ouadie a rappelé dans son sens que son mouvement défend aussi bien l’idée de la pénalisation de l’utilisation de l’argent dans l’univers politique que l’interdiction de l’instrumentalisation de la religion.
Ces conduites sont inacceptables et doivent être bannies car l’exercice de la politique doit être fondée sur la compétition entre les programmes des partis.
Autre point non moins important, a-t-il poursuivi, celui de la lutte contre le conflit d’intérêts qui porte atteinte aux règles du jeu politique. De leurs côtés, les partis politiques sont appelés à renouveler leurs élites tout en procédant à l’élaboration des plans de formation et rénovation intellectuelle, a-t-il affirmé.
Certes, dans tous les Etats du monde, on trouve des forces conservatrices, mais la dynamique de la société et l’autonomie des partis sont une condition sine qua du changement, a-t-il souligné.
Sur un autre registre, il a plaidé en faveur d’une réforme du mode de scrutin et aussi de la Constitution, à savoir l’article 47 qui dispose que « Le Roi nomme le Chef du Gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des Représentants, et au vu de leurs résultats ». « Le but escompté est celui de favoriser l’émergence des alliances pourvues de programmes », a recommandé Salah El Ouadie.
Fatima Zahra Barassat: « On assiste à une caractérisation superficielle de la démocratie »
Il va sans dire que le processus démocratique connait certaines défaillances qui sont graves, a indiqué Fatima Zahra Barassat. « La démocratie n’est pas un slogan mais un processus qui constitue une voie vers la concrétisation du développement », a-t-elle précisé.
Toutefois et force de constater « qu’il y a aujourd’hui une caractérisation superficielle de la démocratie qui se contente du nombre de siège obtenus lors des élections », a fait remarquer l’ex-députée du PPS.
Cependant, la consécration de la démocratie nécessite, avant tout, des partis autonomes qui s’approprient leurs décisions et qui sont porteurs d’un véritable projet social.
D’une manière ou d’une autre, « le développement doit constituer une incarnation des besoins de la société via la mise en place des programmes produits par les partis politiques ».
Pour la militante du PPS, toutes les forces démocratiques de la gauche sont unanimes sur le recul enregistré en matière du processus démocratique. D’ailleurs, a-t-elle indiqué, la dévalorisation de l’action politique n’est pas venu du néant.
« L’heure est aujourd’hui à la mobilisation afin de réhabiliter l’action politique », a-t-elle déclaré avec insistance. Cette réhabilitation ne peut se faire sans la construction d’un large front pour renforcer les acquis et réconcilier le citoyen avec l’action politique tout en se mettant vent debout contre le pouvoir de l’argent, a-t-elle martelé.
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