Depuis 2019, l’initiative “Hout b’Taman Maâqoul” (Poisson à prix raisonnable), portée par des armateurs en partenariat avec le ministère de la Pêche maritime, s’efforce de rendre les produits de la mer accessibles aux consommateurs marocains en proposant des poissons de qualité à des tarifs abordables. Face aux défis d’approvisionnement, notamment pendant les périodes de repos biologique, des solutions comme la surgélation et la digitalisation émergent pour garantir un accès continu à ces ressources.
M. Obad Abdelaziz, armateur de pêche hauturière et coordinateur du projet, souligne l’impact de cette initiative. « Cette initiative a connu un succès croissant année après année. Plus de 4 000 tonnes de poissons congelés ont été distribuées dans plus de 40 villes et villages marocains. Grâce à la mobilisation des autorités locales, des associations de consommateurs et de 1 000 points de vente partenaires, les produits de la mer ont été proposés à des prix compétitifs », explique-t-il. Des espèces comme le poisson blanc à 17 dirhams, le merlan à 35 dirhams et la sole à 55 dirhams ont ainsi été proposées à des tarifs bien inférieurs à ceux du marché.
Surgélation : un potentiel à exploiter pour le marché marocain
Pour faire face aux périodes de repos biologique et aux perturbations de l’approvisionnement, la sardine congelée représente une solution stratégique. Dr Mohammed Baddyr, consultant international et spécialiste du développement de la pêche et de l’aquaculture, illustre ce potentiel à travers son expérience à Montréal.
« J’ai constaté que la sardine marocaine, congelée individuellement selon la méthode EQF (Individual Quick Freezing), était très prisée à l’international. Le prix en grande surface atteignait 2 dollars le kilo, et sur une production de 40 000 tonnes, cela représentait un chiffre d’affaires de 1,5 milliard de dollars », explique Dr Baddyr.
Il estime que pour les consommateurs marocains, la sardine congelée pourrait également jouer un rôle clé. « Grâce à la surgélation, la durée de conservation atteint deux ans, permettant ainsi de sécuriser l’approvisionnement tout au long de l’année, même en cas de mauvais temps ou de période de repos biologique », ajoute-t-il. Cette solution s’avère particulièrement bénéfique pour les villes éloignées du littoral, où l’accès au poisson frais reste limité.
Cependant, pour concrétiser cette vision, Dr Baddyr plaide pour un engagement accru des pouvoirs publics. « L’État doit envisager des subventions et investir dans la logistique, tout en encourageant les initiatives privées. Nous disposons d’une richesse halieutique exceptionnelle, et avec un soutien adéquat, nous pouvons assurer un approvisionnement continu pour tous », conclut-il.
La science au service des océans
Pour assurer une gestion durable des ressources halieutiques, l’Institut National de Recherche Halieutique (INRH) joue un rôle central. « L’évaluation des ressources repose sur l’utilisation de navires de recherche opérant dans les eaux nationales », explique Dr Mohammed Najih, directeur général de l’INRH.
L’institut collecte des données scientifiques précises sur l’état des stocks, la biodiversité marine et l’évolution des écosystèmes pour orienter les politiques publiques et garantir la préservation des ressources marines. Ces informations permettent également d’anticiper les déséquilibres écologiques et de recommander des périodes de repos biologique lorsque nécessaire. « Nos équipes s’efforcent de fournir des analyses rigoureuses et des recommandations éclairées pour assurer la durabilité des pêches », conclut-il.
La sécurité sanitaire en ligne de mire
La qualité des produits de la mer dépend aussi des conditions de stockage et de manipulation. Abderrahmane Hachimi, chef du département vétérinaire à l’ONSSA (Office National de Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires), insiste sur l’importance d’améliorer ces processus.
« L’un des enjeux majeurs reste l’amélioration des conditions de stockage et de manipulation des poissons dans les points de vente », a-t-il déclaré. Il souligne que ces infrastructures présentent des niveaux de conformité variables, ce qui peut impacter directement la qualité des produits offerts aux consommateurs.
Pour relever ces défis, l’ONSSA concentre ses efforts sur la formation des professionnels du secteur. « La montée en compétence des acteurs est essentielle pour garantir la sécurité sanitaire des produits de la mer. Cela passe par des programmes de formation spécifiques axés sur les bonnes pratiques d’hygiène et de conservation », précise-t-il.
L’intégration de nouvelles normes dans les processus de production, de transport et de distribution reste également une priorité. « Il est crucial de renforcer la chaîne de froid, depuis les lieux de débarquement jusqu’aux points de vente. Une température adéquate doit être maintenue pour préserver la qualité et assurer la sécurité des produits », ajoute M. Hachimi.
Enfin, il a insisté sur la nécessité d’une collaboration étroite entre les différents acteurs du secteur. « La sécurité alimentaire est une responsabilité partagée. Elle repose sur une transparence permanente et une vigilance accrue à chaque étape de la chaîne », a-t-il conclu.
Poisson congelé et la digitalisation : un duo gagnant pour l’accessibilité
Abdelali Lamoudni, directeur central à l’Office National des Pêches (ONP), met en avant l’initiative « Hout b’Taman Maaqoul », qui vise à garantir l’accessibilité des produits de la mer tout en plaidant pour des solutions durables comme la surgélation et la digitalisation du secteur. « Cette initiative illustre une forme d’équité sociale, en permettant aux consommateurs d’accéder à des produits de qualité à des prix raisonnables », affirme-t-il. Il souligne également la complexité de la chaîne d’approvisionnement du poisson, encadrée par une réglementation stricte pour assurer la sécurité et la qualité des produits. Selon lui, « le Maroc produit environ 1,5 million de tonnes de poissons par an, principalement des espèces pélagiques comme la sardine, le maquereau et l’anchois, représentant près de 86 % des captures ». Une partie de cette production est destinée à l’exportation, tandis que le reste est distribué sur les marchés locaux via un réseau de 76 marchés de gros et autres points de vente agréés.
Chaque étape de la chaîne, de la capture à la commercialisation, est soumise à des contrôles rigoureux. « Le poisson doit être déclaré légalement et subir des inspections sanitaires avant sa distribution par des grossistes agréés », précise M. Lamoudni. Il met également l’accent sur la nécessité de renforcer la formation et la professionnalisation des acteurs du secteur. « La manipulation du poisson requiert des compétences spécifiques pour préserver sa fraîcheur et garantir sa sécurité sanitaire. Il est essentiel que les professionnels soient formés pour gérer efficacement cette ressource », ajoute-t-il.
Face aux défis liés aux fluctuations d’approvisionnement, Lamoudni plaide pour la promotion du poisson congelé. « La surgélation permet de préserver la qualité du poisson et d’assurer sa disponibilité tout au long de l’année », explique-t-il, précisant que les poissons congelés conservent une qualité nutritionnelle et gustative similaire à celle des produits frais.
En parallèle, un projet ambitieux de digitalisation du secteur a été lancé par l’ONP pour renforcer la transparence et l’accès à l’information. Grâce à ce système, les consommateurs pourront consulter directement les prix de gros des différentes variétés de poissons, leur permettant d’évaluer l’équité des prix pratiqués sur les marchés. « Le consommateur doit être la partie la plus forte de cette équation, et non la plus faible », insiste M. Lamoudni, soulignant l’importance de fournir aux citoyens les outils nécessaires pour comparer les prix et faire des choix éclairés.
Ce projet de digitalisation vise également à instaurer des pratiques commerciales plus équitables, renforcer la confiance dans la chaîne d’approvisionnement et encourager une concurrence saine. Selon M. Lamoudni, cette initiative aura un impact positif sur la stabilité du secteur de la pêche au Maroc et contribuera à une meilleure régulation des prix. « Protéger le pouvoir d’achat des consommateurs et garantir un accès durable aux produits de la mer sont des priorités », affirme-t-il.
Enfin, M. Abdelali Lamoudni met en avant l’importance de la recherche scientifique dans la gestion des ressources halieutiques. « Les décisions doivent s’appuyer sur des données scientifiques fiables plutôt que sur des opinions personnelles », conclut-il, tout en reconnaissant les défis posés par la forte demande après les périodes de repos biologique. Pour y faire face, il estime que le poisson congelé, associé à une logistique maîtrisée, constitue une solution durable permettant aux Marocains d’accéder à des produits de la mer de qualité à des prix abordables tout au long de l’année.The post Poisson à prix raisonnable : entre équité sociale et solutions durables first appeared on FOOD Magazine.