L’olivier occupe une place centrale au Maroc, bien au-delà de son rôle économique. Symbole culturel et écologique profondément enraciné dans l’histoire et les traditions locales, il représente une richesse nationale. Pourtant, cette filière stratégique se trouve aujourd’hui confrontée à des défis majeurs. Les changements climatiques, marqués par des sécheresses récurrentes, affectent directement les rendements et la résilience des plantations. Parallèlement, les maladies et ravageurs, tels que la mouche de l’olive ou d’autres agents pathogènes émergents, menacent sérieusement la production et la qualité des récoltes.
C’est dans ce contexte que l’Association Marocaine de la Protection des Plantes (AMPP) a organisé un symposium de grande importance le 12 novembre 2024 à l’École Nationale d’Agriculture de Meknès. Placé sous le thème de la résilience et de la durabilité de la filière oléicole, cet événement a rassemblé un large éventail d’acteurs : chercheurs, agriculteurs, professionnels du secteur et étudiants. L’objectif principal était de créer un espace d’échange et de réflexion pour répondre aux enjeux actuels et explorer des solutions innovantes.
Ce symposium a permis d’actualiser les connaissances en matière de protection phytosanitaire de l’olivier, en mettant l’accent sur des pratiques adaptées aux conditions locales et aux impératifs de durabilité. Les débats ont couvert une diversité de thématiques, témoignant de la richesse et de la complexité des problématiques rencontrées. L’ambition commune des intervenants était claire : préserver et valoriser cet arbre emblématique, pilier de l’économie agricole dans plusieurs régions du Maroc.
L’événement s’est structuré autour d’une douzaine de présentations réalisées par des experts nationaux et internationaux. Ces interventions, synthétisées ci-après, ont offert un panorama complet des avancées scientifiques et des stratégies pratiques pour relever les défis climatiques et phytosanitaires auxquels fait face la filière oléicole marocaine.
1. Les principales maladies de l’olivier et leur gestion dans le contexte du changement climatique
Intervenant : LAHLALI R.
Le changement climatique exacerbe les défis phytosanitaires de l’olivier, notamment en augmentant l’intensité et la fréquence des maladies telles que la cercosporiose et l’anthracnose. Ces maladies, déjà présentes dans certaines zones, s’étendent à des régions auparavant non touchées en raison des variations climatiques (températures élevées et humidité prolongée). L’intervention a détaillé les mécanismes d’adaptation des pathogènes aux nouvelles conditions climatiques, soulignant leur agressivité accrue. Pour contrer ces menaces, plusieurs stratégies de gestion ont été proposées, notamment :
La rotation culturale pour briser les cycles de pathogènes.
L’utilisation de produits phytosanitaires spécifiques adaptés aux nouvelles conditions climatiques.
Le recours à des variétés résistantes, dont certaines ont été testées dans les oliveraies marocaines avec des résultats prometteurs.
L’intervenant a également insisté sur l’importance d’une surveillance continue pour anticiper les épidémies et d’une gestion intégrée qui combine des approches biologiques, culturales et chimiques pour limiter les impacts de ces maladies.
2. Surveillance des insectes nuisibles et de leurs ennemis naturels dans les oliveraies de Marrakech-Safi
Intervenants : EL AALAOUI M., SBAGHI M., EL IRAQUI EL HOUSSAINI S., BARAKAT I., HORMATALLAH A. & MOKRINI F.
Cette étude s’est concentrée sur les dynamiques entre insectes nuisibles et leurs ennemis naturels dans les principales zones oléicoles de Marrakech-Safi. Parmi les ravageurs observés, la mouche de l’olive (Bactrocera oleae) et le neiroun (Phloeotribus scarabaeoides) occupent une place prépondérante. L’analyse a révélé que les populations de ces nuisibles varient en fonction des conditions climatiques et des pratiques agricoles locales.
Des observations ont également mis en avant l’efficacité des ennemis naturels, tels que les chrysopes (Chrysoperla carnea) et les coccinelles (Coccinella septempunctata), dans la réduction des populations de ravageurs. Les chercheurs ont recommandé :
L’encouragement des pratiques favorisant la biodiversité fonctionnelle (implantation de haies, réduction des traitements chimiques non spécifiques).
La mise en place de programmes de biocontrôle basés sur l’élevage et la libération contrôlée de prédateurs naturels.
3. Le neiroun sur olivier : bio-écologie et épidémiologie des infestations
Intervenant : BOUNFOUR M.
Le neiroun (Phloeotribus scarabaeoides), un scolyte de l’olivier, est un ravageur redouté en raison des dommages qu’il cause aux branches et aux troncs. L’étude a exploré son cycle biologique, mettant en évidence son pic d’activité au printemps et en automne, périodes où les femelles creusent des galeries pour pondre leurs œufs.
Les infestations sont favorisées par :
Des oliveraies mal entretenues, avec une accumulation de bois mort.
Des conditions climatiques chaudes et sèches, qui augmentent la survie des larves.
Pour lutter contre ce ravageur, plusieurs recommandations ont été formulées :
Élimination régulière des branches infestées et des résidus de taille.
Utilisation de pièges à phéromones pour surveiller et réduire les populations.
Traitements préventifs sur les arbres vulnérables pendant les périodes critiques.
4. Caractérisation et biocontrôle de l’anthracnose de l’olivier par des bactéries antagonistes
Intervenants : YOUSSARA I., MOKRINI F., CHTAINA N., EL IRAQUI EL HOUSSAINI S., EL ALAOUI
M., ZAHID A. & BARAKAT I.
L’anthracnose, causée par Colletotrichum spp., est une maladie majeure qui provoque des pertes significatives en réduisant le rendement et la qualité des olives. L’équipe a étudié l’efficacité de bactéries antagonistes des genres Bacillus et Pseudomonas pour lutter contre ce pathogène.
Les essais en laboratoire ont montré que ces bactéries peuvent :
Inhiber la croissance mycélienne de Colletotrichum spp..
Réduire les lésions sur les fruits infectés en conditions contrôlées.
Ces résultats encouragent l’adoption de biopesticides basés sur ces microorganismes, qui offrent une alternative durable et écologique aux fongicides chimiques.
5. Sensibilité de 30 variétés d’olivier à Venturia oleaginea
Intervenants : OUGUAS Y., GABONE F. & ELOIRDI M.
L’œil de paon, causé par Venturia oleaginea, est une maladie foliaire qui réduit la photosynthèse et la vigueur des arbres. L’étude a évalué 30 variétés d’olivier dans le germoplasme de Tassaout.
Les résultats ont classé les variétés en trois catégories :
Résistantes : Picholine marocaine, Koroneiki.
Tolérantes : Arbequina, Picual.
Sensible : Hojiblanca, Manzanilla.
Ces résultats guideront les agriculteurs dans le choix des variétés adaptées aux zones à forte pression de cette maladie.
6. Utilisation de drones pour le traitement phytosanitaire
Intervenants : HAMDAOUI M., HARRACHI K. & MESSAOUDI J.
Cette démonstration pratique a illustré comment les drones peuvent révolutionner les traitements phytosanitaires dans les oliveraies. Les avantages incluent :
Une application uniforme, même sur des terrains difficiles.
Une réduction des volumes de produits utilisés grâce à une pulvérisation ciblée.
Les drones permettent également de cartographier les zones infestées, offrant ainsi des outils de gestion plus précis et moins coûteux.
7. Menace mondiale de Xylella fastidiosa : État des connaissances et approches intégrées de gestion
Intervenant : ACHBANI EL.
Cette intervention a mis en lumière la menace mondiale que représente Xylella fastidiosa, un pathogène bactérien qui cause des pertes catastrophiques dans de nombreuses cultures, y compris l’olivier. L’intervenant a détaillé les mécanismes d’infection de la bactérie, qui bloque les vaisseaux conducteurs de sève, entraînant le dépérissement progressif des arbres.
Les approches intégrées de gestion proposées incluent :
La surveillance active et le diagnostic précoce pour détecter et isoler rapidement les foyers d’infection.
L’élimination des arbres infectés pour éviter la propagation.
La lutte contre les insectes vecteurs, tels que les cicadelles, à travers des traitements ciblés.
L’intervenant a également insisté sur la nécessité d’une collaboration internationale pour freiner l’expansion de cette bactérie, déjà signalée dans des pays européens comme l’Italie et l’Espagne.
8. Importance et répartition des principaux nématodes phytoparasites associés aux oliviers au Maroc
Intervenants : EL MORCHID I., BARAKAT I., CHTAINA N., HORMATALLAH A., EL ALAOUI M. & MOKRINI F.
Cette étude a révélé que les nématodes phytoparasites, tels que Meloidogyne spp. et Pratylenchus spp., causent des dommages significatifs aux oliveraies marocaines. Ces parasites attaquent les racines des arbres, réduisant leur capacité à absorber l’eau et les nutriments, ce qui se traduit par une baisse de rendement.
Les résultats ont montré que :
Les oliveraies sur sols sableux sont les plus vulnérables.
Les pratiques culturales, comme l’irrigation excessive, favorisent leur prolifération.
Pour limiter leurs impacts, les chercheurs ont recommandé :
L’utilisation de porte-greffes résistants.
La rotation des cultures pour rompre les cycles des nématodes.
L’application de nématicides biologiques, comme certains extraits végétaux.
9. Communautés de nématodes phytopathogènes infestant les agroécosystèmes oléicoles marocains : Impact des modèles agroécologiques
Intervenants : LAASLI S., MOKRINI F., AMIRI S., DABABAT A. & RACHID LAHLALI
Cette étude a exploré l’impact des pratiques agroécologiques sur les populations de nématodes phytopathogènes. Les résultats ont révélé que :
Les systèmes agroécologiques diversifiés (inclusion de cultures de couverture et haies) réduisent la densité des nématodes nuisibles.
Les systèmes monoculturaux favorisent leur prolifération.
Les chercheurs ont également mis en avant l’importance d’adopter des rotations incluant des cultures non-hôtes pour réduire la pression des nématodes dans les sols.
10. Biocontrôle de Pythium schmitthenneri : Une approche biologique pour les racines d’olivier
Intervenants : LEGRIFI I., AL FIGUIGUI J., LAZRAQ A. & LAHLALI R.
Le Pythium schmitthenneri, un oomycète responsable de pourritures racinaires, est une menace croissante pour les oliviers. L’équipe a évalué l’efficacité de bactéries antagonistes pour limiter cette maladie. Les essais ont montré que des souches spécifiques de Bacillus subtilis et de Pseudomonas fluorescens réduisent significativement les symptômes en inhibant la croissance du pathogène.
Les chercheurs ont souligné que l’intégration de ces solutions biologiques dans un programme de gestion intégrée pourrait remplacer progressivement les fongicides, tout en maintenant des rendements élevés.
11. Première démonstration d’utilisation de drones pour le traitement phytosanitaire contre Lymantria dispar
Intervenants : HAMDAOUI M., HARRACHI K. & MESSAOUDI J.
Cette démonstration novatrice a illustré l’utilisation des drones pour la pulvérisation aérienne contre Lymantria dispar, un ravageur défoliateur majeur. Les avantages présentés incluent :
Une réduction de 30 % de l’utilisation des produits phytosanitaires grâce à une application ciblée.
Une couverture uniforme des arbres, même dans des zones difficiles d’accès.
Une diminution des risques pour les applicateurs humains.
Les résultats initiaux sont prometteurs et ouvrent la voie à l’adoption de cette technologie à grande échelle.
12. Méconnaissance des agriculteurs sur l’origine du Bayoud : Impact sur la propagation dans la palmeraie de Tafilalet
Intervenants : ABDELLAOUI S., EL AISSAMI A., OUAZZANI TOUHAMI A. & DOUIRA A.
L’étude a révélé que la méconnaissance de l’origine et des modes de propagation du Bayoud parmi les agriculteurs constitue un facteur majeur dans la dissémination de cette maladie dévastatrice. Le manque de sensibilisation conduit à des pratiques inappropriées, comme le déplacement non contrôlé des rejets contaminés.
Les chercheurs ont recommandé :
Des campagnes de sensibilisation ciblées pour informer les agriculteurs sur les bonnes pratiques.
La mise en place de pépinières certifiées pour limiter la propagation des plants infectés.
Collaboration entre acteurs
Pour relever les différents défis, des programmes de recherche et d’innovation doivent être mis en œuvre, tels que la création de variétés résistantes aux maladies et l’adoption de techniques agroécologiques et de pratiques durables. Aussi, des efforts de sensibilisation et de formation sont également essentiels pour encourager les agriculteurs à adopter des méthodes de culture plus durables.
Le symposium a également insisté sur l’importance de la collaboration entre chercheurs, agriculteurs et décideurs politiques pour relever les défis climatiques et phytosanitaires. La mise en réseau des compétences et le partage des meilleures pratiques internationales sont essentiels pour renforcer la résilience de la filière oléicole face aux défis actuels et futurs.
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