Transfert d’argent la révolution des fintechs !

Concurrencés par les fintechs, les acteurs classiques du transfert d’argent tant sur le plan international que national commencent à se réorganiser, voire à changer leur fusil d’épaule. Décryptage ! Libérateur pour les uns, concurrent pour d’autres! Longtemps dominé par les acteurs traditionnels privilégiant le contact, le secteur du transfert d’argent fait face aujourd’hui à une ...

Transfert d’argent la révolution des fintechs !
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Concurrencés par les fintechs, les acteurs classiques du transfert d’argent tant sur le plan international que national commencent à se réorganiser, voire à changer leur fusil d’épaule. Décryptage ! Libérateur pour les uns, concurrent pour d’autres! Longtemps dominé par les acteurs traditionnels privilégiant le contact, le secteur du transfert d’argent fait face aujourd’hui à une véritable révolution numérique avec l’émergence de nouveaux acteurs. Baptisées fintechs ou encore pure players, ces plateformes numériques chamboulent le secteur tout entier. Parmi les géants on peut citer WorldRemit ou encore TransferWise. Et grâce à l’un de leurs avantages clés, en l’occurrence la proposition de tarifs d’envoi très réduits (inférieurs à 2%), elles ont réussi à capter en moins de 10 ans une part conséquente du marché (10 %) des transferts d’argent à l’international. «Ces nouveaux acteurs arrivent à proposer des taux moins élevés du fait que dans le cheminement de l’argent il n’y a plus le fameux tiers de confiance. Et il faut dire que la manipulation du cash a un coût. Les fintechs vont s’appuyer sur le fait que leur offre est totalement cashless pour pouvoir dire: notre coût est inferieur et de là notre prix est inferieur», explique Hazim Sebbata, directeur du Groupe CashPlus. Et de poursuivre: «Elles jouent également sur un certain nombre de fonctionnalités qui facilitent la vie des personnes qui font le transfert d’argent. Alors notamment on va parler de l’instantanéité, du côté digital et elles vont appuyer leur modèle sur une offre totalement en cashless du début jusqu’à la fin». Rappelons d’ailleurs qu’au niveau mondial, le marché représente plus de 500 milliards de dollars par an. Dans cette niche les deux géants américains MoneyGram et Western Union gèrent pour l’heure la plus grosse part du gâteau. Du côté du Maroc ce phénomène gagne du terrain. Des fintechs comme Yallaxash, Taptapsend et Orange au travers de sa filiale Orange Money ont commencé à se positionner sur ce secteur. Et aujourd’hui tout porte à croire que cette présence constitue une véritable concurrence pour les acteurs traditionnels. «A ce jour les plateformes numériques de transfert d’argent sont des concurrents sérieux qui menacent l’existence des plateformes traditionnelles de transfert d’argent», prévient l’expert en NTIC Khalid Ziani. Pour d’autres, le secteur est contraint de se transformer. «A mon sens, le métier de transfert d’argent ne va jamais disparaître. Par contre, il est amené à changer de forme et sera de plus en plus digitalisé», nuance Nawal Gharmili Sefrioui, directeur général Orange Money. Par ailleurs, au niveau des acteurs qui font le transfert d’argent via le cash, le secteur est dominé par CashPlus, Wafacash et BaridCash. Ainsi avec un chiffre d’affaires de plus de 400 millions de dirhams et plus de 2.600 agences sur le territoire marocain, le Groupe CashPlus s’est positionné comme un acteur incontournable sur le secteur du transfert d’argent au plan national. Et comme certains, le groupe dirigé par Hazim Sebbata a décidé de jouer la carte de la prudence et de l’anticipation. «Nous, à notre niveau, nous nous définissons come une fintech qui en plus a un réseau et une présence physique. Nous exerçons dans le monde de la finance en utilisant des outils technologiques», explique le DG de CashPlus. Ainsi il faut souligner que certains acteurs ont décidé d’adopter une démarche collaborative et surtout d’agilité face à l’émergence de la tech dans le monde de la finance. C’est le cas du groupe CashPlus qui, en plus d’avoir implémenté cette nouvelle donnée dans sa vision, va plus loin en mettant le pied dans l’univers des fintechs. «Nous collaborons avec un grand nombre de partenaires fintechs qui nous proposent des offres particulières mais qui n’ont pas forcément un agrément, une clientèle et des partenaires qui leur font confiance. Nous opérons ainsi en étant un intermédiaire entre eux et le marché », soutient Sebbata. Et d’ajouter: «Pour nous c’est un service supplémentaire pour nos clients et au niveau des fintechs c’est un avantage de rentabilité». Suivre la vague ou disparaître ? La forte présence du numérique dans certains espaces du monde menace certains métiers. Preuve en est le Groupe Western Union qui a lancé un grand plan de fermeture d’agences dans certaines régions du monde. Rappelons que la société dispose de plus de 500.000 points de contact dans 200 pays, via des partenariats locaux. Aujourd’hui il est clair que le groupe dirigé par Hikmet Ersek est en train de reconsidérer sa stratégie face à l’émergence du cashless. «Chaque entreprise gère sa stratégie avec les contraintes locales. Si je suis dans un pays dont l’écosystème est digital et que cela me coûte très cher de faire du cash, évidemment je ferai le choix de retirer les agences physiques», clarifie Sebbata. Cependant, en lieu et place de la suppression d’agences, du côté du Maroc certains acteurs ont décidé d’opter pour la diversification de services et ce dans un souci de préservation des emplois liés à ce métier. «Nous à notre niveau depuis quelques années nous avons fait le choix de considérer qu’une agence et le personnel qui y travaille à l’intérieur n’est pas qu’une agence de transfert d’argent. C’est d’abord un point de proximité et à partir de là on peut se dire que celui-ci peut servir à d’autres choses. Et donc il suffit d’un peu d’imagination et d’observation des besoins des clients pour pouvoir proposer des produits différents, en l’occurrence aujourd’hui dans nos agences nous n’avons pas que les transferts d’argent. Le service du transfert d’argent est une activité aujourd’hui parmi tant d’autres (paiement de factures, paiement des impôts, service de messagerie…). Cependant il faut bien admettre que cette vague du numérique ne laissera rien derrière elle: s’adapter ou risquer de disparaître», souligne le DG de CashPlus. Et d’ajouter: «Si un acteur reste sur un modèle des années 2000, effectivement je peux dire que le modèle peut être menacé en tant que tel. Maintenant à chacun d’ajuster son modèle de manière à pouvoir répondre aux besoins, à la demande des clients qui veulent (une partie d’entre eux) du digital». De son côté, l’expert en NTIC nous a fait savoir que «la digitalisation de l’ensemble du processus peut avoir des conséquences dramatiques sur ce type de métiers et on peut comprendre pourquoi Western Union anticipe ce mouvement en fermant certains de ses locaux». Pour la DG d’Orange Money, le train est déjà en marche. Ainsi selon elle, «l’ère de la fintech a déjà démarré. La digitalisation des parcours de bout en bout n’est qu’une question de temps. Dans l’intervalle, les clients auront encore besoin de se rendre dans une agence physique pour alimenter leur compte ou retirer de l’argent, le temps d’embarquer dans le système financier les différents cas d’usages nécessaires. Ils pourront alors adresser les paiements directement depuis leurs wallets sans avoir besoin de passer par le cash». Et de poursuivre: «Les acteurs classiques sont obligés de tenir compte de la concurrence grandissante et devraient adapter leur business model pour rester dans la course». Cependant bien qu’étant prédominants, ces nouveaux acteurs rencontrent des contraintes endogènes. Le revers de la médaille… Même si aujourd’hui les fintechs, grâce au numérique, arrivent à s’imposer dans les habitudes, elles font face à certains défis. A ce jour la question de la sécurité est un volet qui soulève beaucoup d’interrogations au sein de la sphère clientèle. «Quand on est un acteur fintech qui se veut exclusivement tourné vers le cybermonde, forcément il y a cette cybersécurité à gérer. Et il faut dire que ces moyens ont un coût. En clair nous avons un coût au niveau des personnes et aussi au niveau des outils technologiques», souligne Sebbata. Pour l’expert en NTIC, Khalid Ziani, «la question de la sécurité est un point essentiel chez les fintechs pour gagner la confiance de leurs clients». Et dans cet écosystème, l’ensemble des acteurs sont conscients des enjeux de la sécurité dans le cyberespace. «Au niveau de CashPlus nous déployons plusieurs ressources afin d’assurer ce volet. Nous sommes également régulièrement audités par des organismes privés et aussi par le régulateur». Du côté d’Orange cette menace est prise très au sérieux. «Les plateformes que nous utilisons sont équipées d’outils permettant de maîtriser ce genre de risque. Les wallets des clients et des agents sont en totale sécurité», révèle Sefrioui. Par ailleurs, toujours dans le sens des contraintes, il faut noter qu’une bonne partie de la population n’arrive pas encore à implémenter dans ses habitudes les services financiers numériques. Dans une étude portant sur les transferts de fonds publiée en mars dernier, BAM révèle: «La majorité des cibles de l’étude ressent une attitude de crainte et de méfiance vis-à-vis des nouvelles technologies. De nombreux participants ont d’emblée mis en avant le fait qu’ils sont peu instruits et que par conséquent, ces produits et services ne s’adressent pas à eux. Une solution compliquée et difficile à manipuler pour des personnes souvent peu ou pas alphabétisées. Cela engendre de multiples craintes: peur des erreurs, du piratage, de la perte du téléphone…».