Le PPS dit non au PLF 2025
Le Parti du Progrès et du Socialisme a rejeté, au même titre que les trois autres partis de l’opposition parlementaire (MP, USFP, PJD), le projet de loi de finances 2025, adopté à la majorité des députés de la Chambre des représentants vendredi 15 novembre (171 voix pour, 57 contre et 1 abstention).
Critiquant le satisfécit démesuré du gouvernement, le député Ahmed Al- Abbadi, membre du groupe du progrès et du socialisme (GPS/PPS) a souligné, dans son intervention en plénière, jeudi dernier, que nonobstant les quelque points positifs qu’il comporte, ce projet ne diffère pas des trois dernières lois de finances et est loin de constituer un facteur de restauration de la confiance. Il n’apporte pas non plus de réponse aux difficultés économiques et sociales, a-t-il ajouté.
Ce projet manque aussi de souffle réformiste et créatif sur le plan politique pour parvenir à des solutions, a-t-il dit, ajoutant qu’il ne répond même pas aux engagements du programme gouvernemental et encore moins aux difficultés sociales et économiques du pays.
Selon ce projet, toutes les questions sont considérées comme une priorité, a-t-il noté, ajoutant qu’il se base sur des hypothèses exagérées et irréalistes, et on n’y trouve rien qui renforce vraiment la souveraineté économique du pays ou qui démontre l’exploitation judicieuse des opportunités et des capacités intrinsèques nationales.
Abordant la question de l’intégrité territoriale, le député a tenu à exprimer la fierté de son groupe parlementaire pour les acquis et les reconnaissances que le Maroc a accumulés dans la perspective de la clôture définitive du conflit artificiel autour du Sahara marocain, grâce à une politique efficace de fermeté, d’initiative et de proactivité, menée par Sa Majesté le Roi, que Dieu le protège.
Il a toutefois rappelé que le renforcement du front intérieur démocratiquement, économiquement et socialement est la soupape de sécurité face à tous les défis dans ce domaine.
Pour le député Al Abbadi, la résilience de l’économie nationale et des finances publiques a été acquise grâce à l’accumulation des réformes engagées depuis la fin des années 90, et qui avaient la particularité d’être fortement portées politiquement, avant d’interroger le gouvernement sur ce qu’il fait avec ces acquis et pourquoi a-t-il laissé de côté le document du nouveau modèle de développement après l’avoir adopté au début comme référence.
Selon lui, l’actuel projet de loi de finances s’inscrit dans le cadre des orientations de ce gouvernement, dont l’action a contribué et contribue encore à l’aggravation de la crise de confiance et à l’exacerbation des tensions sociales.
Mais ce qui laisse surtout les citoyens perplexes, ce sont ces programmes dotés de plusieurs milliards de dirhams qu’on annonce d’un côté et la hausse incessante des prix et du coût de la vie et la détérioration de leur pouvoir d’achat de l’autre.
En dépit de tout cela, le gouvernement ne cesse d’exprimer son satisfécit et d’affirmer qu’il a réalisé tout ce qu’il avait promis, a-t-il dit, soulignant que c’est là un discours dangereux qui ne fait qu’exacerber les tensions.
Malheureusement, a-t-il noté, le gouvernement, au lieu de changer de politique et de cap, s’est contenté de remplacer des gens par d’autres.
Sur le plan économique, le gouvernement n’a réalisé en fait que des taux de croissance faibles (entre 1 et 3 %), alors qu’il tablait sur un taux de croissance de 4 %. Il avait promis de créer un million d’emplois en cinq ans, alors qu’en réalité l’économie nationale a perdu jusqu’ici des centaines de milliers d’emplois. Pour sa part le taux de chômage a grimpé à 13,1 % dans l’ensemble et à 36,1 % chez les jeunes. Pour ce qui est du nombre des NEET, il a bondi à 4,3 millions.
Malgré cela et au lieu d’admette l’échec de ses programmes Forsa et Awrash, comme on s’y attendait, le gouvernement refuse d’un air hautain de reconnaître ses erreurs.
Pour le député Al Abbadi, l’échec en matière d’emploi administre la preuve que les approches économiques du gouvernement sont limitées et qu’elles ne sont pas aptes à contribuer au développement des capacités des entreprises marocaines et à favoriser l’adoption d’une véritable industrialisation moderne du pays.
Le gouvernement ne peut pas continuer à expliquer cette situation uniquement par la sécheresse qui a accompagné la plupart des gouvernements précédents sans que le chômage n’atteigne un niveau aussi inquiétant et dangereux.
Et tout en appréciant les efforts d’augmentation et de collecte des ressources et d’allocation de 340 milliards pour l’investissement public, le député a tenu à attirer l’attention sur les problèmes relatifs à la modestie du taux d’exécution dans un certain nombre de secteurs, au report continu de certains crédits et à la répartition inéquitable du territoire.
Il a rappelé par ailleurs la nécessité d’œuvrer pour l’amélioration réelle du climat des affaires, la mise en œuvre de l’Etat de droit dans la concurrence économique et la lutte contre les rentes, la prévarication et la corruption avant de recommander le respect des institutions constitutionnelles et officielles de gouvernance qui s’acquittent de leur devoir.
En matière d’augmentation des prix, le projet de loi de finances indique que l’inflation est actuellement maîtrisée, entre 1 et 2%, au moment où 82,5 % des citoyens ont déclaré que leur niveau de vie s’est dégradé et où 3,2 millions de citoyens ont rejoint le cercle de la pauvreté et de la précarité.
Et après avoir souligné que son groupe parlementaire soutient certaines mesures relatives à la compensation et aux subventions des prix de l’électricité, le député s’est interrogé sur l’utilité de la décision du gouvernement à continuer d’accorder généreusement du soutien et des privilèges fiscaux et douaniers à un petit groupe sans impact positif sur les citoyens (par exemple, les professionnels de transports et les importateurs de bovins et d’ovins). Il a soulevé aussi la question de savoir pourquoi le gouvernement refuse de lier ce soutien au plafonnement des prix ou de lutter véritablement contre la spéculation. Il refuse aussi d’intervenir pour maîtriser les marges bénéficiaires ou d’augmenter la taxe sur les opérateurs au niveau du marché des carburants et des télécommunications.
Au niveau du dialogue social, a-t-il poursuivi, le GPS ne peut qu’apprécier la révision de l’impôt sur le revenu et les augmentations salariales, sachant que cet effort financier important ne couvre pas l’augmentation du coût de la vie.
Et de souligner que le gouvernement ne doit en aucun cas traiter ces améliorations dans une logique de troc avec les travailleurs et les partenaires sociaux au cours des réformes qui doivent être menées, mais sans porter atteinte aux droits de la classe ouvrière.
Sur un autre plan, le député a rappelé que l’adhésion du PPS au chantier de la couverture sociale n’a d’égal que son souci de contribuer à la création des conditions de sa mise en œuvre optimale, à travers notamment l’adoption d’une loi relative au financement de la protection sociale, afin d’avoir une idée claire et précise sur les ressources et les dépenses réelles, sans gonfler les chiffres et sans seuils d’exclusion.
Dans ce cadre, il a rappelé que près de 4 millions de familles bénéficient aujourd’hui du soutien social direct, ce qui signifie qu’environ 14 millions de Marocaines et de Marocains vivent des aides de l’État. Ceci montre l’ampleur de l’augmentation alarmante de la pauvreté, qui interpelle essentiellement le gouvernement sur le grand problème de l’intégration de tous les Marocains dans le processus de production, de développement et d’emploi, a expliqué Al Abbadi.
Et tout en appréciant aussi les efforts déployés dans le domaine de la santé, le député a indiqué que le gouvernement doit reconnaître qu’il a échoué en matière de généralisation de la couverture sanitaire. Preuve en est que 7 millions de professionnels indépendants et ceux qualifiés par le gouvernement comme étant capables de cotiser sont en dehors du système de la couverture sanitaire. Quant au taux de perception des cotisations, il n’a pas dépassé 36 %. C’est sans parler des craintes que le gouvernement ne fasse du secteur privé de la santé le premier véritable bénéficiaire de ce chantier social, au détriment de la réforme de l’hôpital public.
En matière de souveraineté économique, l’engagement du programme du gouvernement était explicite de produire 34 milliards de dirhams sur le plan intérieur de la valeur des importations. Cependant, le déficit de la balance commerciale s’est creusé en 2024 de 3,2% pour atteindre – 197 milliards de dirhams.
Et malgré des progrès positifs, principalement dans l’industrie automobile, le secteur industriel, y compris l’artisanat, n’a créé que 58 000 emplois, ce qui soulève la véritable question quant à la volonté du gouvernement de mettre en œuvre une industrialisation moderne et robuste du pays.
Aussi, 12,5% des importations marocaines sont alimentaires, avec une facture de 90 milliards de dirhams, ce qui confirme la nécessité d’une révision profonde de la politique agricole actuelle, qui a conduit, malgré les subventions, les exemptions et les programmes divers, à exporter de l’eau, en échange de l’importation de céréales, de viande, de légumineuses, d’huile, d’olives, de bovins et d’ovins. Cela a également conduit à l’échec de la création d’une classe moyenne paysanne, à l’accès difficile du monde rural aux fruits du développement et aux dommages causés aux petits agriculteurs souffrant de la sécheresse, des prêts et de la spéculation.
Et après avoir mis l’accent sur une série de manquements et de défaillances des programmes gouvernementaux, le député a estimé que le grand absent dans ce projet de loi de finances 2025 demeure l’approche politique. Le gouvernement évite d’aborder les questions liées à la consolidation du processus démocratique, a indiqué le député avant de l’appeler à faire preuve d’ouverture au dialogue avec les partis politiques de la majorité et de l’opposition, car il n’est pas possible de continuer à ignorer toutes ces manifestations de réticence et de méfiance qui se répandent au niveau de la société tout entière.
M’Barek TAFSI
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