Climatiseurs : Un marché en surchauffe avec la canicule !

Dans cette sixième année de sécheresse, le Maroc passe par des vagues de chaleur inédites, qui rendent l’été moins supportable que d’habitude. Dans ce contexte, le marché des climatiseurs a le vent en poupe. Depuis le début de l’été, plusieurs régions du Royaume passent par de fortes vagues de chaleur, qui suscitent le malaise d’une bonne partie de Marocains. Pour mieux vivre les vagues de chaleur, des milliers d’entreprises et de ménages marocains s’équipent avec des dispositifs de climatisation. Une étude réalisée il y a quelques années par la Banque Mondiale a depuis estimé le parc installé des climatiseurs au niveau national à près de 1.4 million d’unités pour la période 2000-2013. « Cette progression est due à l’amélioration du niveau de vie des ménages et à la tendance générale à la baisse des prix des climatiseurs avec un produit qui s’est largement démocratisé et des prix qui ont été divisés par dix en l’espace de 20 ans », soulignent les auteurs d

Climatiseurs : Un marché en surchauffe avec la canicule !
   lopinion.ma
Dans cette sixième année de sécheresse, le Maroc passe par des vagues de chaleur inédites, qui rendent l’été moins supportable que d’habitude. Dans ce contexte, le marché des climatiseurs a le vent en poupe. Depuis le début de l’été, plusieurs régions du Royaume passent par de fortes vagues de chaleur, qui suscitent le malaise d’une bonne partie de Marocains. Pour mieux vivre les vagues de chaleur, des milliers d’entreprises et de ménages marocains s’équipent avec des dispositifs de climatisation. Une étude réalisée il y a quelques années par la Banque Mondiale a depuis estimé le parc installé des climatiseurs au niveau national à près de 1.4 million d’unités pour la période 2000-2013. « Cette progression est due à l’amélioration du niveau de vie des ménages et à la tendance générale à la baisse des prix des climatiseurs avec un produit qui s’est largement démocratisé et des prix qui ont été divisés par dix en l’espace de 20 ans », soulignent les auteurs de l’étude qui s’est penchée sur le secteur de la climatisation au Maroc, en Algérie et en Tunisie.   Saâd-Eddine Tazi, président de la Fédération Marocaine de Climatisation, de Ventilation et de Réfrigération (FEMACLIM), confirme la tendance haussière des installations d’équipements de climatisation au niveau national. « Durant ces deux dernières décennies, les gens se sont habitués à bénéficier de la climatisation dans leurs voitures puisque tous les modèles en sont systématiquement dotés. Beaucoup se sont également habitués à la climatisation dans leur lieu de travail », ajoute notre interlocuteur, soulignant qu’avec la baisse des prix des équipements, un nombre conséquent de familles a décidé de bénéficier de la climatisation à domicile également.   Si l’essentiel des ventes de climatiseurs se faisait au Maroc entre le mois de mai et le mois de septembre, les professionnels vivent actuellement une transformation de la demande qui perd de plus en plus son caractère saisonnier. « Les installations et pré-installations se font systématiquement au niveau des nouvelles constructions, ce qui fait que le marché de la climatisation est de plus en plus corrélé à celui du ciment », explique le président de la FEMACLIM.   Une bonne dynamique sur le marché   Alors que les ventes au niveau national étaient estimées à une moyenne de près de 100.000 unités de climatisation entre 2000 et 2013, les professionnels du secteur attestent d’une augmentation des volumes qui oscillent entre 200.000 et 250.000 nouvelles installations annuelles ces dernières années. Une augmentation qui justifie encore plus de mettre en place une filière de récupération des fluides frigorigènes après la fin de vie des climatiseurs.   L’étude de la Banque Mondiale avait par ailleurs souligné l’importance pour les pays du Maghreb de mettre en place des filières de récupération et de traitement des fluides frigorigènes afin de limiter leur impact environnemental négatif. « En l’absence de telles filières, les impacts environnementaux directs dus aux fuites et rejets de fluides frigorigènes dans l’atmosphère dans les trois pays (Maroc, Algérie et Tunisie, NDLR) sont estimés à environ 28 millions de tonnes équivalent CO2 (MteCO2) en cumul sur la période 2016-2030, dont 85% sont dus à la mise au rebut non recyclée des fluides réfrigérants à la fin de la durée de vie des climatiseurs », précise l’étude.   Démocratisation de la clim   Au vu des conditions climatiques marquées par une recrudescence des vagues de chaleur, la tendance de généralisation de la climatisation au niveau national ne peut que continuer. Si la Banque Mondiale prédit que l’Algérie et la Tunisie se dirigeront vers une saturation de leurs parcs de climatisation à l’horizon 2030, la même source estime que le Royaume, pour sa part, tendra vers un taux d’équipement des ménages avoisinant les 50% pour la même échéance.   À noter que les trois pays en tant que parties au protocole de Montréal (accord international visant à réduire de moitié des substances qui appauvrissent la couche d’ozone), ont mis en place des plans graduels de gestion de l’élimination des hydro chlorofluorocarbures (HCFC) frigorigènes qui participent à la détérioration de la couche d’ozone.   Alors le Royaume relève le défi de réduction de ces gaz en mettant en place des licences d’importation imposant une diminution progressive et adaptée, l’enjeu de récupération et de recyclage des fluides frigorigènes semble pour sa part plus compliqué à mettre en place en l’absence de solutions adéquates de traitement. 3 questions à Saâd-Eddine Tazi : «L’efficacité énergétique doit d’abord passer par les constructions elles-mêmes» -Existe-t-il des efforts pour mettre en place une filière nationale de récupération des fluides frigorigènes ?   - C’est en effet un défi que les professionnels ont toujours été disposés à relever. D’ailleurs, la récupération des fluides frigorigènes concerne l’ensemble de la filière du froid et non seulement le segment de la climatisation. Il y a quelques années, des fonds ont été alloués dans le cadre d’un projet avec l’AFD afin de mettre en œuvre des solutions de récupération et de stockage de ces fluides avec la contribution notamment du Centre Marocain de Production Propre. Malheureusement, cette expérience n’a pas vraiment pu aboutir parce que la chaîne de valeur de récupération n’a pas pu être bouclée en l’absence de solution de traitement des fluides à collecter. En attendant de trouver ces solutions (que ce soit au Maroc ou à l’étranger), il est prioritaire à mon avis de garantir que les personnes qui installent ou maintiennent des climatiseurs soient réellement qualifiées à la manipulation des gaz frigorifiques, qu’elles puissent assurer la mobilisation des équipements nécessaires et le respect des bonnes pratiques et des normes qui doivent être en vigueur afin de limiter les risques potentiellement néfastes de fuites de gaz frigorigènes.     - Qu’en est-il des efforts du Maroc pour réduire puis éliminer les HCFC dans le cadre du protocole de Montréal ?   - Le Royaume a toujours été un bon élève lorsqu’il s’agit de respecter les engagements internationaux qu’il a ratifiés. C’est également le cas concernant l’élimination des HCFC dont l’utilisation est en baisse continuelle au niveau national. Je pense que nous pourrons atteindre l’objectif d’élimination que nous nous sommes fixés puisqu’il existe des quotas à l’importation qui agissent comme un outil efficace de réduction progressive du HCFC.     - Sommes-nous sur la voie pour garantir que le secteur de la climatisation au Maroc soit à même de relever les défis de l’efficacité énergétique ?   - Ce sujet comporte deux dimensions complémentaires. L’efficacité énergétique doit d’abord passer par les constructions elles-mêmes à travers de bonnes conception et orientation, mais aussi à travers la qualité et la nature des matériaux qui sont utilisés pour leur édification. C’est un premier préalable qui permet de garantir que la construction limite les déperditions de chaleur et/ou apports solaires, ce qui contribue à la chauffer ou à la refroidir facilement et durablement. Le Royaume est actuellement en train d’avancer dans ce domaine, notamment à travers la charte de l’efficacité énergétique. La deuxième dimension est celle des équipements de climatisation qui doivent être correctement dimensionnés et peu énergivores. Cet aspect peut être assuré en veillant à ce que les équipements soient catégorisés et étiquetés selon leur performance.   Disparités sociales : Les populations à faibles revenus sont plus exposées aux canicules Une nouvelle étude, publiée il y a quelques mois par la revue spécialisée « L’avenir de la Terre », révèle que les populations à faibles revenus sont 40% plus exposées aux dangers des canicules que les populations ayant des revenus aisés. Ce chiffre se justifie selon les auteurs par la localisation géographique des populations à faibles revenus, mais également par leur faible pouvoir d’accès à des solutions d’adaptation à la chaleur, notamment à la climatisation.   L’étude a par ailleurs révélé que le quart de la population mondiale aux revenus les plus faibles sera confronté à une forte augmentation de l’exposition aux vagues de chaleur d’ici 2100, même en tenant compte de l’accès à la climatisation, aux abris d’air frais, aux normes de sécurité pour les travailleurs en extérieur et aux campagnes de sensibilisation à la chaleur. Pour la même échéance, les personnes appartenant au quart de la population aux revenus les plus faibles connaîtront 23 jours de canicule de plus par an que les personnes appartenant aux quarts aux revenus les plus élevés. Efficacité énergétique : Le grand défi des pays du Maghreb Intitulée « L’efficacité énergétique de la climatisation: le cas du Maghreb », une étude de la Banque Mondiale souligne que « le parc total installé de climatiseurs individuels dans les trois pays du Maghreb devrait passer d’environ 12 millions d’unités en 2015 à près de 47 millions d’unités en 2030, ce qui correspond à une croissance annuelle moyenne d’environ 10% ».   Pour estimer la consommation électrique de la climatisation à l’horizon 2030, les auteurs ont établi deux scénarios : « Dans le cas d’un scénario sans changement de l’efficacité énergétique des nouveaux climatiseurs installés (…), le besoin en capacité de production d’électricité pour satisfaire la demande liée à la climatisation serait de l’ordre de 42 GW en 2030. Dans le cas d’un scénario d’amélioration de l’efficacité énergétique (…), la capacité de production d’électricité nécessaire pour satisfaire la demande liée à la climatisation (en période de pointe) serait d’environ 34 GW en 2030. Ce qui correspond à une capacité de production évitée d’environ 8 GW ».   Les diverses retombées positives (économiques, énergétiques, sociales et environnementales) de l’efficacité énergétique de la climatisation « justifient largement une politique publique volontariste en la matière », soulignent les auteurs de l’étude. Les grands axes d’une politique de ce genre devraient privilégier l’harmonisation des réglementations énergétiques et fiscales, une meilleure organisation des acteurs, l’amélioration des qualifications techniques ainsi que la sensibilisation du public.